CELEX:62021CO0773: Ordonanța Curții (Camera a șasea) din 16 noiembrie 2023.#AV și AW împotriva Parlamentului European.#Cauza C-773/21 P.
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Redacția Lex24 |
Publicat in CJUE: Decizii, Repertoriu EUR-Lex, 27/06/2024 |
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ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)
16 novembre 2023 (*)
« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Procédure disciplinaire – Sanction disciplinaire – Rétrogradation – Enquête de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) – Procédure pénale nationale parallèle – Mandat de l’avocat – Proportionnalité de la sanction disciplinaire – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Pourvoi, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé »
Dans l’affaire C‑773/21 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 9 décembre 2021,
AV,
AW,
représentés par Me J. M. Martins, advogado,
parties requérantes,
l’autre partie à la procédure étant :
Parlement européen, représenté par MM. I. Lázaro Betancor et N. Scafarto, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
soutenu par :
Commission européenne, représentée par MM. J. Baquero Cruz, C. Biz et Mme F. Blanc, en qualité d’agents,
partie intervenante au pourvoi,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. P. G. Xuereb et A. Kumin (rapporteur), juges,
avocat général : M. J. Richard de la Tour,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 Par leur pourvoi, AV et AW demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 6 octobre 2021, AV et AW/Parlement (T‑43/20, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:666), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation des décisions du Parlement européen du 21 juin 2019 infligeant à AV une sanction disciplinaire de rétrogradation de deux grades, de AST 8 à AST 6, et à AW une sanction disciplinaire de rétrogradation de quatre grades, de AST 6 à AST 2, ainsi qu’une réduction de son allocation d’invalidité au minimum vital (ci-après, prises ensemble, les « décisions litigieuses »), ainsi que, pour autant que de besoin, des décisions du Parlement du 28 novembre 2019 rejetant leurs réclamations du 17 juillet 2019 introduites contre ces décisions litigieuses (ci-après, prises ensemble, les « décisions de rejet des réclamations »).
Le cadre juridique
Le règlement (Euratom, CE) no 2185/96
2 L’article 4 du règlement (Euratom, CE) no 2185/96 du Conseil, du 11 novembre 1996, relatif aux contrôles et vérifications sur place effectués par la Commission pour la protection des intérêts financiers des Communautés européennes contre les fraudes et autres irrégularités (JO 1996, L 292, p. 2), prévoit :
« Les contrôles et vérifications sur place sont préparés et conduits par la Commission [européenne] en collaboration étroite avec les autorités compétentes de l’État membre concerné, qui sont informées en temps utile de l’objet, du but et de la base juridique des contrôles et vérifications, de manière à pouvoir apporter toute l’aide nécessaire. À cet effet, les agents de l’État membre concerné peuvent participer aux contrôles et vérifications sur place.
En outre, si l’État membre concerné le souhaite, les contrôles et vérifications sur place sont effectués conjointement par la Commission et les autorités compétentes de celui‑ci. »
3 L’article 6, paragraphe 1, de ce règlement énonce :
« Les contrôles et vérifications sur place sont effectués sous l’autorité et la responsabilité de la Commission par ses fonctionnaires ou ses agents, dûment habilités, ci-après dénommés “contrôleurs de la Commission”. Peuvent assister à ces contrôles et vérifications les personnes mises à la disposition de la Commission par les États membres en qualité d’experts nationaux détachés.
Les contrôleurs de la Commission exercent leurs pouvoirs sur production d’une habilitation écrite dans laquelle sont indiquées leur identité et leur qualité, accompagnée d’un document indiquant l’objet et le but du contrôle ou de la vérification sur place.
Sous réserve du droit communautaire applicable, ils sont tenus de respecter les règles de procédure prévues par la loi de l’État membre concerné. »
Le statut
4 L’article 10 de l’annexe IX, intitulée « Procédure disciplinaire », du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version applicable au litige (ci-après le « statut »), dispose que la sanction disciplinaire infligée est proportionnelle à la gravité de la faute commise. Sont énumérés de manière non exhaustive à cet article, sous a) à i), les critères dont l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») doit tenir compte pour déterminer la gravité de la faute et décider de la sanction à infliger.
5 L’article 25 de cette annexe prévoit :
« Lorsque le fonctionnaire fait l’objet de poursuites pénales pour les mêmes faits, sa situation n’est définitivement réglée qu’après que la décision rendue par la juridiction saisie est devenue définitive. »
Les antécédents du litige
6 Les antécédents du litige ressortent des points 1 à 29 de l’arrêt attaqué et peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés de la manière suivante.
7 Les requérants, AV et AW, sont fonctionnaires du Parlement. Ils sont en invalidité depuis, respectivement, le 1er novembre 2018 et le 1er mai 2017.
8 Le 13 décembre 2013, le secrétaire général du Parlement a informé l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) que, dans le cadre d’un audit interne, des irrégularités ont été trouvées quant à l’authenticité de certaines demandes de remboursement de traitements médicaux introduites par les requérants entre le mois de janvier et le mois d’août 2013. L’OLAF a alors ouvert une enquête contre ces derniers.
9 Le 21 décembre 2015, le rapport final d’enquête de l’OLAF a conclu à l’existence de plusieurs irrégularités affectant les intérêts financiers de l’Union européenne et prenant la forme de fraude, de falsification de documents et d’usage de faux. Selon l’OLAF, les requérants avaient, premièrement, présenté de fausses factures afin d’obtenir le remboursement de traitements non remboursables, deuxièmement, obtenu le remboursement de traitements pour le compte de tiers et, troisièmement, présenté des factures d’un montant supérieur aux frais réellement exposés.
10 Le 22 décembre 2015, l’OLAF a recommandé au Parlement d’ouvrir une procédure disciplinaire à l’égard des requérants et de récupérer, au titre de la répétition de l’indu, la somme de 5 289 euros auprès d’AV et de 3 880 euros auprès d’AW. L’OLAF a également envoyé ses recommandations aux autorités judiciaires portugaises pour violation de dispositions du Código Penal (code pénal).
11 Le 26 janvier 2016, l’AIPN compétente en matière disciplinaire a diligenté une enquête administrative à l’égard des requérants.
12 Le 7 novembre 2016, sur le fondement du rapport établi à la suite de cette enquête administrative, il a été recommandé à l’AIPN de convoquer les requérants à l’audition préalable prévue à l’article 3 de l’annexe IX du statut. À la suite de l’audition préalable des requérants et de leur avocat, Me V, l’AIPN a saisi le conseil de discipline.
13 Le 20 février 2018, les requérants, par l’intermédiaire de Me V, ont été auditionnés par le conseil de discipline (ci-après la « première audition »). Il ressort du compte rendu de l’audition que les requérants ne remettaient pas en question le rapport de l’OLAF ainsi que le rapport de fin d’enquête administrative du Parlement et regrettaient profondément les faits qu’ils admettaient de façon inconditionnelle. Leur avocat y a également déclaré que les requérants faisaient l’objet de poursuites pénales par le ministère public portugais. Ce dernier leur aurait proposé de se conformer à ses injonctions afin de pouvoir clôturer l’enquête pénale en remboursant les montants indûment perçus en plus d’une amende, injonctions auxquelles les requérants ont affirmé avoir l’intention de se conformer.
14 Le conseil de discipline a rendu un avis motivé le 19 mars 2018, proposant à l’AIPN de recouvrer les montants indûment perçus par les requérants et d’adopter, pour AV, une sanction de rétrogradation de deux grades, de AST 8 à AST 6, et, pour AW, de réduire son allocation d’invalidité au minimum vital en application du statut jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de la retraite, et, en cas de réintégration avant son départ à la retraite, de le rétrograder de quatre grades, de AST 6 à AST 2.
15 Par lettre recommandée du 9 avril 2018, l’AIPN a convoqué les requérants, conformément à l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, à une audition fixée au 23 avril 2018 (ci-après la « deuxième audition »).
16 Le 19 avril 2018, le Parlement a reçu un courriel de deux nouveaux conseils, se substituant à Me V, à partir de ce jour, et demandant le report de la deuxième audition. Cette deuxième audition a eu lieu le 30 avril 2018 à Bruxelles (Belgique).
17 Le 18 mai 2018, le Parlement a décidé d’attendre la fin de la procédure pénale au Portugal avant de prendre sa décision quant à la sanction à appliquer aux requérants, de suspendre avec effet immédiat AV, à ce moment-là en congé maladie, de ses fonctions pour une période indéterminée et de retenir sur son salaire tout montant dépassant le minimum vital, en application du statut. Cette décision de suspension a fait l’objet d’une réclamation le 11 juillet 2018 et a été annulée par l’autorité compétente le 12 décembre suivant.
18 Le 4 juillet 2018, les conseils des requérants ont informé le Parlement que leur nouvel avocat dans le cadre la procédure pénale en cours au Portugal, Me M, en remplacement de Me V, avait analysé la régularité, en droit portugais, des déclarations faites par Me V lors de la première audition pour le compte des requérants et avait conclu que ces déclarations, concernant la reconnaissance des faits qui leur sont reprochés et l’acceptation des conclusions des rapports de l’OLAF et de l’AIPN, devaient être considérées comme nulles au regard du droit portugais régissant le mandat de l’avocat.
19 Le 11 avril 2019, Me M a informé le Parlement de la clôture de la procédure pénale au Portugal. L’affaire a été classée par ordonnance du ministère public portugais du 21 mars 2019, conformément à l’article 282, paragraphe 3, du Código do Processo Penal (code de procédure pénale), qui prévoit que, si le défendeur respecte les injonctions et les règles de conduite, le ministère public classe l’affaire qui ne peut alors être rouverte.
20 Le 2 mai 2019, les requérants ont été informés par l’AIPN de la fin de la suspension de la procédure disciplinaire et ont été convoqués à une troisième audition avec le choix de la date et du lieu, à savoir le 20 mai 2019 à Luxembourg ou le 23 mai 2019 à Bruxelles, avec la possibilité de se faire accompagner ou représenter lors de cette audition ou de formuler des observations par écrit.
21 Le 10 mai 2019, les conseils des requérants ont demandé que le conseil de discipline soit à nouveau saisi pour tenir compte du défaut de mandat valide du premier avocat, Me V, ainsi que de l’issue de la procédure pénale portugaise qui n’aurait retenu aucune responsabilité à l’égard des requérants. Ils ont également demandé, dans l’hypothèse où l’AIPN ne donnerait pas suite à cette suggestion, le report de la troisième audition au motif qu’aucune des dates proposées ne convenait.
22 Le 14 mai 2019, l’AIPN a refusé le report de l’audition en réitérant les dates proposées et, alternativement, en proposant aux requérants de formuler des observations par écrit avant le 23 mai 2019. Le 22 mai 2019, les conseils des requérants ont présenté leurs observations par écrit.
23 Le 28 mai 2019, le ministère public portugais a informé l’OLAF que, le délai fixé pour la suspension de la procédure pénale au Portugal étant arrivé à son terme et les prévenus ayant respecté dans son intégralité le plan de conduite fixé, l’affaire avait été clôturée le 20 mars 2019.
24 Le 21 juin 2019, le Parlement a adopté les décisions litigieuses. Ces décisions ont été envoyées par lettre recommandée avec accusé de réception aux requérants en date du 24 juin 2019.
25 Le 17 juillet 2019, les requérants ont chacun introduit une réclamation contre lesdites décisions, conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut.
26 Le 28 novembre 2019, le Parlement a adopté les décisions de rejet des réclamations.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
27 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 janvier 2020, les requérants ont introduit un recours tendant à l’annulation des décisions litigieuses, ainsi que, pour autant que de besoin, des décisions de rejet des réclamations.
28 À l’appui de leurs conclusions en annulation, les requérants ont invoqué cinq moyens tirés, le premier, de l’absence d’audition par l’autorité compétente et de la violation du droit d’être entendu, le deuxième, de la violation des droits de la défense et du principe de bonne administration, le troisième, de l’irrégularité des actes préparatoires aux décisions litigieuses, le quatrième, de la violation des articles 4 et 16 de l’annexe IX du statut et des principes d’attribution des compétences et d’autonomie procédurale des États membres, et, le cinquième, de la violation de l’article 10 de l’annexe IX du statut.
29 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité et a condamné les requérants aux dépens.
Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour
30 Par leur pourvoi, les requérants demandent à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– d’évoquer l’affaire pour faire droit aux prétentions formulées en première instance, ou
– à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour que ce dernier statue, et
– en tout état de cause, de condamner le Parlement aux dépens.
31 Dans son mémoire en réponse, le Parlement demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé et
– de condamner les requérants aux dépens.
32 Par décision du président de la Cour du 1er juin 2022, la Commission a été admise à intervenir au soutien des conclusions du Parlement.
33 Dans son mémoire en intervention, la Commission, dont les observations portent uniquement sur la première branche du premier moyen, demande à la Cour de rejeter le pourvoi comme étant non fondé.
Sur le pourvoi
34 En vertu de l’article 181 du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.
35 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.
36 À l’appui de leur pourvoi, les requérants invoquent trois moyens, tirés, le premier, d’une mauvaise interprétation du droit de l’Union et du droit portugais, et, plus précisément, d’une violation des droits de la défense, d’inexactitudes matérielles des faits et d’une dénaturation des éléments de preuve ainsi que d’une irrégularité des actes préparatoires aux décisions litigieuses, le deuxième, d’irrégularités liées au mandat de Me V, et, le troisième, d’une violation de l’article 10 de l’annexe IX du statut.
37 Avant d’énoncer ces moyens de droit, les requérants font valoir, également dans le titre intitulé « Les moyens de droit » de leur pourvoi, que l’arrêt attaqué serait « entaché de plusieurs appréciations inexactes des faits, d’une dénaturation de plusieurs éléments de preuve, d’une violation des droits de la défense et du non-respect de l’obligation de motivation qui ont conduit le Tribunal à commettre une erreur de droit dans l’appréciation des faits et de la législation applicable, soit le droit européen, soit le droit portugais, applicable à l’affaire, du fait que l’OLAF a entrepris des démarches au Portugal et relatifs au principe de bonne administration et du devoir de sollicitude ».
38 Selon le Parlement, l’argumentation visée au point précédent de la présente ordonnance doit être rejetée comme étant manifestement irrecevable, en raison, notamment, de sa formulation incompréhensible.
39 Pour autant que, par cette argumentation, les requérants visent à soulever d’autres moyens de droit que ceux visés au point 36 de la présente ordonnance, il y a lieu de rappeler qu’il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (arrêts du 15 décembre 2022, Picard/Commission, C‑366/21 P, EU:C:2022:984, point 52, et du 22 juin 2023, YG/Commission, C‑818/21 P, EU:C:2023:511, point 104 ainsi que jurisprudence citée).
40 Ainsi, les éléments du pourvoi qui ne contiennent aucune argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt attaqué ne répondent pas à cette exigence et doivent être écartés comme étant irrecevables (arrêt du 22 juin 2023, YG/Commission, C‑818/21 P, EU:C:2023:511, point 105 et jurisprudence citée).
41 En outre, la Cour a itérativement souligné que la seule énonciation abstraite des moyens dans la requête ne répond pas aux exigences de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, relatif à l’objet de la requête, et de l’article 169 du règlement de procédure (ordonnance du 31 janvier 2019, Iordăchescu/Parlement e.a., C‑426/18 P, EU:C:2019:89, point 29 et jurisprudence citée).
42 Il en découle que l’argumentation visée au point 37 de la présente ordonnance, consistant en une seule énonciation abstraite de moyens, se limitant à des affirmations générales et ne comportant pas d’argumentation juridique à l’égard du raisonnement du Tribunal dans l’arrêt attaqué, doit être écartée comme étant manifestement irrecevable.
Sur le premier moyen
Sur la première branche du premier moyen
– Argumentation des parties
43 Par la première branche du premier moyen, les requérants font valoir que le Tribunal, aux points 98 et 99 de l’arrêt attaqué, a méconnu l’article 4 et l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 2185/96 lorsqu’il a statué, premièrement, sur le grief tiré de l’absence de représentants des autorités portugaises lors des perquisitions dans certaines cliniques au Portugal et, deuxièmement, sur le grief tiré de l’absence de mandat délivré par ces autorités. Ces prétendues irrégularités, à la différence de ce qu’aurait considéré le Tribunal au point 101 de l’arrêt attaqué, entacheraient le rapport d’enquête de l’OLAF, acte préparatoire aux décisions litigieuses, et, partant, rendraient ces dernières irrégulières.
44 Le Parlement soutient que la première branche du premier moyen doit être rejetée comme étant irrecevable et, en tout état de cause, comme étant non fondée.
45 La Commission considère que cette première branche doit être rejetée comme étant non fondée.
– Appréciation de la Cour
46 Il convient de relever que, concernant l’absence de représentants des autorités portugaises lors des perquisitions dans certaines cliniques au Portugal, le Tribunal, après avoir considéré, au point 97 de l’arrêt attaqué, que la question de la présence d’agents nationaux est régie par le règlement no 2185/96, a rappelé, au point 98 de cet arrêt, en s’appuyant sur les points 85 et 86 de l’arrêt du 3 mai 2018, Sigma Orionis/Commission (T‑48/16, EU:T:2018:245), que, d’une part, selon l’article 4 de ce règlement, la présence de ces agents doit, en substance, être acceptée lorsque ces derniers en expriment le souhait et que, d’autre part, selon l’article 9 dudit règlement, elle est nécessaire en cas d’opposition aux contrôles et aux vérifications effectuées par l’OLAF.
47 À ce même point 98, le Tribunal a constaté que, selon les informations fournies par les requérants, aucune des circonstances visées à ces articles 4 et 9 n’était réalisée en l’espèce, de sorte que le grief tiré de l’absence de représentants des autorités portugaises lors des perquisitions réalisées par l’OLAF ne pouvait qu’être rejeté.
48 En outre, le Tribunal, au point 99 de l’arrêt attaqué, a statué que le grief tiré de l’absence de mandat délivré par les autorités portugaises ne saurait prospérer, dès lors que, conformément au point 82 de l’arrêt du 3 mai 2018, Sigma Orionis/Commission (T‑48/16, EU:T:2018:245), selon l’article 6, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 2185/96, la réalisation de contrôles et de vérifications sur place par l’OLAF est seulement subordonnée à la délivrance, par le directeur général de cet office, d’une habilitation écrite.
49 Or, dans le cadre de leur pourvoi, les requérants se limitent, premièrement, à considérer que l’appréciation du Tribunal figurant au point 98 de l’arrêt attaqué « viole la législation citée », deuxièmement, à rappeler le libellé de l’article 4 et de l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement no 2185/96 ainsi que de la législation portugaise applicable et, troisièmement, à relever que « [l]’OLAF n’a pas respecté la loi portugaise et, pour cela, la procédure de l’OLAF est illégale à la lumière du droit portugais, irrégularité des actes préparatoires ».
50 Ainsi, les requérants n’invoquent aucune argumentation juridique spécifique permettant de démontrer en quoi les appréciations du Tribunal figurant aux points 97 à 99 de l’arrêt attaqué, notamment son interprétation de l’article 4 et de l’article 6, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 2185/96, seraient entachées d’une erreur de droit.
51 Partant, conformément à la jurisprudence citée au point 39 de la présente ordonnance, la première branche du premier moyen doit être rejetée comme étant manifestement irrecevable.
Sur la seconde branche du premier moyen
– Argumentation des parties
52 Par la seconde branche du premier moyen, les requérants considèrent, premièrement, en substance, que, en jugeant que le conseil de discipline pouvait poursuivre ses travaux sans attendre la fin de la procédure pénale au Portugal, le Tribunal aurait méconnu l’article 25 de l’annexe IX du statut.
53 Deuxièmement, le Tribunal aurait considéré, à tort, au point 108 de l’arrêt attaqué, qu’il n’était pas nécessaire d’examiner la question de savoir si, en droit portugais, la suspension de la procédure pénale devait être interprétée comme un classement sans reconnaissance de faits ni de culpabilité.
54 Troisièmement, les requérants soutiennent que le Tribunal a violé, aux points 108 et 109 de l’arrêt attaqué, la présomption d’innocence en accordant la valeur de jugement aux considérations factuelles figurant dans l’ordonnance du ministère public portugais et en tenant compte de ces considérations pour juger les requérants coupables des faits qui leur étaient reprochés.
55 Selon le Parlement, la seconde branche du premier moyen doit être rejetée comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondée.
– Appréciation de la Cour
56 En ce qui concerne, premièrement, le prétendue violation de l’article 25 de l’annexe IX du statut, il y a lieu de relever que, comme l’a considéré le Tribunal au point 103 de l’arrêt attaqué, ce point n’ayant, par ailleurs, pas été contesté par les requérants, cet article 25 n’empêche pas le conseil de discipline de rendre son avis, mais empêche seulement l’AIPN d’adopter une décision. En outre, au même point de cet arrêt, le Tribunal a jugé que, « [e]n tout état de cause, cette disposition ne trouvait pas à s’appliquer en l’espèce dès lors que la procédure pénale engagée par les autorités judiciaires portugaises en était uniquement au stade de l’instruction par le ministère public ».
57 Partant, aucune méconnaissance dudit article 25 ne saurait être reprochée au Tribunal.
58 Concernant, deuxièmement, l’argumentation visée au point 53 de la présente ordonnance, force est de constater que les requérants ne développent aucune argumentation juridique afin de démontrer en quoi consisterait l’erreur de droit qu’aurait commise le Tribunal en considérant, au point 108 de l’arrêt attaqué, sur la base de la jurisprudence citée aux points 106 et 107 de cet arrêt, qu’il n’était pas nécessaire d’examiner la question de savoir si, en droit portugais, la suspension de la procédure pénale doit être interprétée comme un classement sans reconnaissance de faits ni de culpabilité. Une telle argumentation ne répond donc pas aux exigences énoncées au point 39 de la présente ordonnance et, partant, doit être rejetée comme étant manifestement irrecevable.
59 S’agissant, troisièmement, de l’argumentation tirée de la prétendue violation de la présomption d’innocence, résumée au point 54 de la présente ordonnance, il convient de relever que cette argumentation procède d’une lecture manifestement erronée des points 108 et 109 de l’arrêt attaqué.
60 En effet, à ces points, le Tribunal a, tout d’abord, indiqué, en réponse à l’argument des requérants visé au point 90 de l’arrêt attaqué selon lequel parmi les conséquences de la procédure pénale portugaise aurait figuré l’absence de reconnaissance des faits et de culpabilité, qu’il ne saurait être considéré que l’AIPN aurait été tenue de considérer que les faits reprochés aux requérants n’étaient pas suffisamment établis. Il a relevé, ensuite, que le constat de l’existence de ces faits reprochés à ces derniers se fondait sur les éléments matériels recueillis par l’OLAF et le Parlement au cours de leurs enquêtes respectives, en particulier sur des demandes de remboursement, des factures et des courriels et que les éléments recueillis au cours de la procédure pénale confirmaient la teneur des déclarations de Me V lors de la première audition. Enfin, après avoir cité, à cette fin, des passages figurant dans l’ordonnance du ministère public portugais, le Tribunal a estimé que, « [e]n dépit des explications données [lors de] l’audience, selon lesquelles [cette] ordonnance […] ne contient pas de conclusions définitives et n’est pas un jugement, mais seulement un ensemble d’indices relatifs à un prévenu, ladite ordonnance laisse peu de doutes quant à la véracité des faits et confirme les propos tenus par Me V lors de [cette première audition] ».
61 Ainsi, il ressort de ce qui précède que le Tribunal, après avoir considéré que le constat de l’existence des faits reprochés aux requérants dans le cadre de la procédure disciplinaire se fondait sur les éléments matériels recueillis par l’OLAF et le Parlement, a simplement relevé que ces éléments, en particulier les propos tenus par Me V lors de la première audition, étaient non pas remis en cause, mais, au contraire, confirmés par les éléments factuels figurant dans l’ordonnance du ministère public portugais.
62 Partant, l’argumentation, tirée de la prétendue violation de la présomption d’innocence, visée au point 54 de la présente ordonnance, doit être rejetée comme étant manifestement non fondée.
63 Il résulte de ce qui précède que la seconde branche du premier moyen doit être rejetée comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondée.
Sur le deuxième moyen
Argumentation des parties
64 Par le deuxième moyen, les requérants font valoir, en substance, que les déclarations de Me V, qui les a représentés lors de la première audition, ne pouvaient être acceptées par le conseil de discipline dès lors qu’elles ne correspondaient pas, manifestement, à leur volonté.
65 Le Parlement considère que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant irrecevable et, en tout état de cause, comme étant non fondé.
Appréciation de la Cour
66 Bien que l’intitulé du deuxième moyen ainsi que les considérations invoquées à son appui permettent de comprendre que ce moyen est dirigé contre les appréciations développées par le Tribunal pour répondre au quatrième moyen invoqué devant lui, les requérants n’indiquent pas, dans leur pourvoi, quels sont les points de l’arrêt attaqué visés par ce deuxième moyen et ils ne développent aucune argumentation juridique permettant de démontrer en quoi le Tribunal aurait commis des erreurs de droit dans son analyse de ce quatrième moyen.
67 Il en résulte que, conformément à la jurisprudence citée au point 39 de la présente ordonnance, le deuxième moyen doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable.
Sur le troisième moyen
Argumentation des parties
68 Par le troisième moyen, les requérants considèrent, premièrement, que les sanctions disciplinaires infligées ne seraient pas proportionnées, en méconnaissance de l’article 10 de l’annexe IX du statut. Ainsi, ni le conseil de discipline ni l’AIPN n’auraient examiné l’ensemble des circonstances atténuantes susceptibles d’être retenues en leur faveur. De même, l’AIPN n’exposerait pas les motifs des sanctions applicables de manière adéquate et justifiée.
69 Deuxièmement, selon les requérants, à la différence de ce qu’aurait considéré le Tribunal au point 139 de l’arrêt attaqué, la preuve n’a pas été apportée avec certitude qu’ils ont, d’une part, falsifié des factures médicales et, d’autre part, cherché à obtenir le remboursement de traitements soit non remboursables, soit fournis à autrui, soit fondés sur de fausses factures.
70 Selon le Parlement, le troisième moyen doit être rejeté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.
Appréciation de la Cour
71 En ce qui concerne, premièrement, l’argumentation tirée d’une violation du principe de proportionnalité, tel que visé à l’article 10 de l’annexe IX du statut, il convient de relever que les requérants, d’une part, n’identifient pas les points contestés de l’arrêt attaqué et, d’autre part, se limitent à critiquer les appréciations effectuées par le conseil de discipline et l’AIPN, sans indiquer quelle serait l’erreur de droit commise par le Tribunal à cet égard.
72 Il s’ensuit que cette argumentation, en application de la jurisprudence citée au point 39 de la présente ordonnance, doit être rejetée comme étant manifestement irrecevable.
73 En outre, comme le précisent les requérants eux-mêmes dans leur pourvoi, ladite argumentation avait déjà été invoquée dans leur requête introductive d’instance. Partant, les requérants demandent, en réalité, à obtenir un simple réexamen des arguments présentés au soutien du cinquième moyen figurant dans cette requête, ce qui échappe à la compétence de la Cour (arrêt du 3 mars 2022, WV/SEAE, C‑171/20 P, EU:C:2022:154, point 86 et jurisprudence citée).
74 S’agissant, deuxièmement, de l’argumentation critiquant le point 139 de l’arrêt attaqué, telle que mentionnée au point 69 de la présente ordonnance, il convient de rappeler qu’il ressort de l’article 256, paragraphe 1, TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit et que le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que les éléments de preuve. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi. Une telle dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 13 janvier 2022, YG/Commission, C‑361/20 P, EU:C:2022:17, point 26 et jurisprudence citée).
75 Or, force est de constater que, en soutenant que la preuve n’a pas été apportée avec certitude qu’ils ont, d’une part, falsifié des factures médicales et, d’autre part, cherché à obtenir le remboursement de traitements soit non remboursables, soit fournis à autrui, soit fondés sur de fausses factures, les requérants demandent à la Cour de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des éléments de preuve sans, pour autant, invoquer une dénaturation de ces éléments.
76 Partant, l’argumentation des requérants, dirigée contre le point 139 de l’arrêt attaqué, doit être rejetée comme étant manifestement irrecevable.
77 Par conséquent, il y a lieu de rejeter le troisième moyen comme étant manifestement irrecevable.
78 Eu égard aux motifs qui précèdent, le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité, comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.
Sur les dépens
79 Aux termes l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.
80 Conformément à l’article 138, paragraphe 1, dudit règlement, également applicable à la procédure de pourvoi en vertu de cet article 184, paragraphe 1, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
81 Les requérants ayant succombé en leurs moyens et le Parlement ayant conclu à leur condamnation aux dépens, il y a lieu de condamner les requérants à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par le Parlement.
82 L’article 140, paragraphe 1, de ce même règlement, également applicable à la procédure de pourvoi en vertu dudit article 184, paragraphe 1, prévoit que les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.
83 Partant, la Commission, partie intervenante au pourvoi, supporte ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne :
1) Le pourvoi est rejeté comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondé.
2) AV et AW sont condamnés à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par le Parlement européen.
3) La Commission européenne supporte ses propres dépens.
Fait à Luxembourg, le 16 novembre 2023.
Le greffier |
Le président de chambre |
A. Calot Escobar |
T. von Danwitz |
* Langue de procédure : le français.