CELEX:62022CO0043: Ordonanța Curții (Camera a zecea) din 29 mai 2024.#Prokurator Generalny împotriva D.J. și alții.#Cerere de decizie preliminară formulată de Sąd Najwyższy.#Cauza C-43/22.
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Redacția Lex24 |
Publicat in CJUE: Decizii, Repertoriu EUR-Lex, 27/06/2024 |
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Informatii
Data documentului: 29/05/2024Emitent: CJCE
Formă: CJUE: Decizii
Formă: Repertoriu EUR-Lex
Stat sau organizație la originea cererii: Polonia
Procedura
Tribunal naţional: *A9* Sąd Najwyższy, postanowienie z dnia 22/12/2021 (akt I NSNc 435/21)ORDONNANCE DE LA COUR (dixième chambre)
29 mai 2024 (*)
« Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour – Article 267 TFUE – Notion de “juridiction” – Critères – Izba Kontroli Nadzwyczajnej i Spraw Publicznych (chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques) du Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne) – Renvoi préjudiciel émanant d’une formation de jugement n’ayant pas la qualité de tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi – Irrecevabilité manifeste »
Dans l’affaire C‑43/22,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Najwyższy (Izba Kontroli Nadzwyczajnej i Spraw Publicznych) [Cour suprême (chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques), Pologne], par décision du 22 décembre 2021, parvenue à la Cour le 18 janvier 2022, dans la procédure
Prokurator Generalny,
en présence de :
D. J.,
D[X]. J.,
Ł. J.,
S. J.,
Wojewódzkie Pogotowie Ratunkowe w K.,
LA COUR (dixième chambre),
composée de M. M. Ilešič, faisant fonction de président de chambre, MM. I. Jarukaitis (rapporteur) et D. Gratsias, juges,
avocat général : M. A. M. Collins,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour le Prokurator Generalny, par M. R. Hernand,
– pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna et Mme S. Żyrek, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par Mme K. Herrmann et M. P. J. O. Van Nuffel, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 5, paragraphes 1 à 3, et de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lus en combinaison avec l’article 47 et l’article 51, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un recours extraordinaire (skarga nadzwyczajna) introduit par le Prokurator Generalny (Procureur général, Pologne) contre un arrêt du Sąd Apelacyjny de X (cour d’appel de X, Pologne) portant rejet des appels qui avaient été interjetés contre un arrêt du Sąd Okręgowy w K. (tribunal régional de K., Pologne) portant condamnation du Wojewódzkie Pogotowie Ratunkowe w K. (service d’ambulance de voïvodie de K., Pologne) à indemniser D. J., D[X]. J., Ł. J. et S. J. pour le préjudice moral causé par le décès d’un membre de leur famille.
Le cadre juridique
La loi sur la Cour suprême
3 L’ustawa o Sądzie Najwyższym (loi sur la Cour suprême), du 8 décembre 2017 (Dz. U. de 2018, position 5), est entrée en vigueur le 3 avril 2018. Cette loi a été modifiée à diverses reprises par la suite.
4 La loi sur la Cour suprême a notamment institué, au sein du Sąd Najwyższy (Cour suprême, Pologne), deux nouvelles chambres, respectivement dénommées Izba Kontroli Nadzwyczajnej i Spraw Publicznych (chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques) (ci-après la « chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques ») et Izba Dyscyplinarna (chambre disciplinaire).
5 Aux termes de l’article 26, paragraphe 1, de cette loi :
« Relèvent de la compétence de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques les recours extraordinaires, […] »
6 Aux termes de l’article 89 de ladite loi :
« 1. Si cela est nécessaire pour garantir la conformité avec le principe d’un État de droit démocratique qui concrétise le principe de justice sociale, un recours extraordinaire peut être formé contre la décision définitive d’une juridiction de droit commun ou d’une juridiction militaire mettant fin à la procédure dans l’affaire en cause :
1) si la décision viole des principes ou les droits et libertés de l’homme et du citoyen définis dans la Konstytucja [Rzeczypospolitej Polskiej] (Constitution de la République de Pologne), ou
2) si la décision viole de manière flagrante le droit en ce qu’elle en fait une interprétation erronée ou une application incorrecte, […]
[…]
et que la décision ne peut être annulée ou modifiée au moyen d’autres voies de recours extraordinaires.
2. Le recours extraordinaire peut être formé par le Procureur général, […]
3. Le recours extraordinaire est introduit dans un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle la décision attaquée est devenue définitive et, si un pourvoi en cassation a été formé contre cette décision, dans un délai d’un an après l’examen de celui-ci. […]
[…] »
7 Les dispositions transitoires de la même loi contiennent l’article 115 de celle-ci, lequel prévoit, à ses paragraphes 1 et 1a :
« 1. Pendant trois ans à compter de la date d’entrée en vigueur de la présente loi, le recours extraordinaire peut être formé contre les décisions devenues définitives qui mettent fin aux procédures dans des affaires ayant acquis force de chose jugée après le 17 octobre 1997. […]
1a. Un recours extraordinaire contre une décision définitive mettant fin à une procédure dans une affaire devenue définitive avant l’entrée en vigueur de la présente loi peut être introduite par le Procureur général […] »
La loi sur le Conseil national de la magistrature
8 L’ustawa o Krajowej Radzie Sądownictwa (loi sur le Conseil national de la magistrature), du 12 mai 2011 (Dz. U. no 126, position 714), telle que modifiée par l’ustawa o zmianie ustawy o Krajowej Radzie Sądownictwa oraz niektórych innych ustaw (loi portant modifications de la loi sur le Conseil national de la magistrature et de certaines autres lois), du 8 décembre 2017 (Dz. U. de 2018, position 3), entrée en vigueur le 17 janvier 2018, et par l’ustawa o zmianie ustawy – Prawo o ustroju sądów powszechnych oraz niektórych innych ustaw (loi portant modifications de la loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun et de certaines autres lois), du 20 juillet 2018 (Dz. U., position 1443), entrée en vigueur le 27 juillet 2018, prévoit, à son article 9 bis, paragraphe 1, premier alinéa, que le Sejm (Diète, Pologne) élit, parmi les juges du Sąd Najwyższy (Cour suprême), des juridictions de droit commun, des juridictions administratives et des juridictions militaires, quinze membres de la Krajowa Rada Sądownictwa (Conseil national de la magistrature, Pologne) pour un mandat commun d’une durée de quatre ans.
La loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun
9 L’ustawa – Prawo o ustroju sądów powszechnych (loi relative à l’organisation des juridictions de droit commun), du 27 juillet 2001 (Dz. U. no 98, position 1070), dans sa version applicable aux faits au principal (Dz. U. de 2020, position 2072), dispose, à son article 77 :
« 1. Le ministre de la Justice peut déléguer un juge, avec le consentement de celui-ci, aux fins de l’exercice de fonctions juridictionnelles ou de tâches administratives :
1) dans une autre juridiction de même degré ou de degré inférieur et également, dans des cas spécialement motivés, dans une juridiction de degré supérieur, […]
[…]
– pour une durée déterminée, qui ne peut être supérieure à 2 ans, ou pour une durée indéterminée.
[…]
4. Lorsqu’un juge est délégué conformément au paragraphe 1, points 2 à 2b, et au paragraphe 2a, pour une durée indéterminée, sa délégation peut être révoquée ou l’intéressé peut y renoncer sous réserve qu’un préavis de trois mois soit respecté. Dans les autres cas de délégation d’un juge, la révocation ou la renonciation ne nécessite pas de préavis. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
10 Par un jugement du 9 mars 2016, le Sąd Okręgowy w K. (tribunal régional de K.) a condamné le service d’ambulance de voïvodie de K. à verser à D. J., à D[X]. J., à Ł. J. et à S. J., chacun, la somme de 100 000 zlotys polonais (PLN) (environ 23 300 euros), majorée d’intérêts, au titre de l’indemnisation du préjudice moral qui leur avait été causé par le décès d’un membre de leur famille.
11 Les appels interjetés contre ce jugement ont été rejetés par un arrêt du Sąd Apelacyjny de X (cour d’appel de X), du 18 octobre 2017, siégeant dans une formation composée de trois juges, dont un juge d’un sąd okręgowy (tribunal régional) qui était délégué depuis le 1er novembre 2016, pour une durée indéterminée, aux fins d’exercer les fonctions de juge au Sąd Apelacyjny de X (cour d’appel de X).
12 Le 18 février 2021, le Procureur général a formé un recours extraordinaire contre cet arrêt devant le Sąd Najwyższy (Izba Kontroli Nadzwyczajnej i Spraw Publicznych) [Cour suprême (chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques), Pologne], en application des dispositions combinées de l’article 89, paragraphe 1, ainsi que de l’article 115, paragraphes 1 et 1a, de la loi sur la Cour suprême.
13 Dans ces conditions, le Sąd Najwyższy (Izba Kontroli Nadzwyczajnej i Spraw Publicznych) [Cour suprême (chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques)] a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, et l’article 5, paragraphes 1 à 3, TUE, lus en combinaison avec l’article 47 et l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale en vertu de laquelle le ministre de la Justice d’un État membre peut, sur la base de critères qui n’ont pas été rendus publics, d’une part, déléguer un juge auprès d’une juridiction civile de degré supérieur compétente pour connaître des affaires relevant du droit de l’Union pour une durée déterminée ou indéterminée et, d’autre part, révoquer à tout moment la délégation de ce juge par une décision non motivée ?
2) En cas de réponse affirmative à la première question :
L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, et l’article 5, paragraphes 1 à 3, TUE, lus en combinaison avec l’article 47 et l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’une juridiction nationale saisie d’un recours contre une décision d’une juridiction dans laquelle siège un juge délégué de la manière décrite dans la première question est tenue d’examiner d’office si cette juridiction est indépendante et impartiale, même lorsque l’affaire en cause ne relève pas du droit de l’Union ?
3) En cas de réponse affirmative à la deuxième question :
L’article 19, paragraphe 1, second alinéa, et l’article 5, paragraphes 1 à 3, TUE, lus en combinaison avec l’article 47 et l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, doivent-ils être interprétés en ce sens que, dès lors qu’il est établi qu’un tel juge délégué a participé à l’examen de l’affaire et que la juridiction dans laquelle il a siégé n’était pas indépendante et impartiale, ils imposent à la juridiction d’un État membre l’obligation d’annuler une décision judiciaire définitive au moyen d’une voie de droit visant à annuler des décisions définitives, tel un pourvoi extraordinaire, ou bien [en ce sens que la détermination des] effets d’une telle violation relèv[e] de l’autonomie procédurale de l’État membre [concerné] ? »
Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle
14 En vertu de l’article 53, paragraphe 2, de son règlement de procédure, lorsqu’une demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.
15 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.
16 La Commission européenne a émis des doutes quant au point de savoir si l’instance de renvoi, en l’occurrence une formation de jugement de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques du Sąd Najwyższy (Cour suprême), constituée de deux juges de cette chambre ainsi que d’un juré, satisfait aux exigences découlant de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, en particulier à celle tenant à l’existence d’un tribunal établi préalablement par la loi, qui sont requises d’une instance de renvoi pour que celle-ci puisse revêtir la qualité de « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE.
17 La Commission invoque notamment la circonstance que la nomination de ces deux membres concernés de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques à la fonction de juge du Sąd Najwyższy (Cour suprême) est intervenue sur la base de propositions figurant dans la résolution no 331/2018 adoptée le 28 août 2018 par le Conseil national de la magistrature, dans une formation constituée sur le fondement de la loi sur le Conseil national de magistrature dans sa version mentionnée au point 8 de la présente ordonnance, à savoir un organe dont l’indépendance aurait été mise en cause à de nombreuses reprises, en particulier dans plusieurs arrêts de la Cour. Elle renvoie, en outre, à l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 8 novembre 2021, Dolińska-Ficek et Ozimek c. Pologne (ECLI:CE:ECHR:2021:1108JUD004986819) (ci-après l’« arrêt Dolińska-Ficek et Ozimek c. Pologne ») ainsi qu’à l’arrêt du Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative, Pologne) du 21 septembre 2021 portant annulation de la résolution no 331/2018.
18 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, pour apprécier si un organisme de renvoi possède le caractère d’une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, question qui relève uniquement du droit de l’Union, et donc pour apprécier si la demande de décision préjudicielle est recevable, la Cour tient compte d’un ensemble d’éléments, tels que, entre autres, l’origine légale de cet organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de sa procédure, l’application, par l’organisme en cause, des règles de droit ainsi que son indépendance [arrêt du 21 décembre 2023, Krajowa Rada Sądownictwa (Maintien en fonctions d’un juge), C‑718/21, EU:C:2023:1015, point 40 et jurisprudence citée].
19 Dans ce contexte, la Cour a relevé que le Sąd Najwyższy (Cour suprême) en tant que tel répond aux exigences ainsi rappelées et a précisé, à cet égard, que, pour autant qu’une demande de décision préjudicielle émane d’une juridiction nationale, il doit être présumé que celle-ci remplit ces exigences indépendamment de sa composition concrète (voir, en ce sens arrêt du 29 mars 2022, Getin Noble Bank, C‑132/20, EU:C:2022:235, points 68 et 69).
20 Toutefois, la Cour a également précisé que la présomption rappelée au point précédent de la présente ordonnance peut être renversée lorsqu’une décision judiciaire définitive rendue par une juridiction d’un État membre ou une juridiction internationale conduirait à considérer que le juge constituant la juridiction de renvoi n’a pas la qualité de tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi, au sens de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu à l’aune de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte (arrêt du 29 mars 2022, Getin Noble Bank, C‑132/20, EU:C:2022:235, point 72).
21 Or, à ce sujet, la Cour a déjà constaté que l’arrêt Dolińska-Ficek et Ozimek c. Pologne ainsi que l’arrêt du Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative) du 21 septembre 2021, invoqués en l’occurrence par la Commission, émanent, respectivement, d’une juridiction internationale et d’une juridiction d’un État membre et qu’ils revêtent tous deux un caractère définitif, de même qu’elle a déjà constaté que ces arrêts ont spécifiquement trait aux circonstances dans lesquelles des juges de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques ont été nommés sur la base de la résolution no 331/2018 [voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2023, Krajowa Rada Sądownictwa (Maintien en fonctions d’un juge), C‑718/21, EU:C:2023:1015, point 45].
22 En outre, la Cour a déjà dit pour droit que, à la lumière de sa propre jurisprudence relative à l’interprétation de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu à l’aune de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, les constats et appréciations effectués par la Cour européenne des droits de l’homme dans l’arrêt Dolińska-Ficek et Ozimek c. Pologne au regard de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, en combinaison avec ceux effectués par le Naczelny Sąd Administracyjny (Cour suprême administrative) dans son arrêt du 21 septembre 2021, conduisaient à considérer que la formation de jugement de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques qui l’avait saisie à titre préjudiciel dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 décembre 2023, Krajowa Rada Sądownictwa (Maintien en fonctions d’un juge) (C‑718/21, EU:C:2023:1015), n’avait pas, en raison des modalités ayant présidé à la nomination des juges qui la composaient, la qualité de tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi, au sens de ces dispositions du droit de l’Union, et que, en conséquence, cette formation de jugement ne satisfaisait pas aux exigences rappelées au point 18 de la présente ordonnance, de sorte qu’elle ne constituait pas une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE [voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2023, Krajowa Rada Sądownictwa (Maintien en fonctions d’un juge), C‑718/21, EU:C:2023:1015, points 46 à 58].
23 La Cour a, ainsi, estimé que, appréhendés conjointement, l’ensemble des éléments tant systémiques que circonstanciels qu’elle avait relevés aux points 47 à 57 et 62 à 76 de l’arrêt du 21 décembre 2023, Krajowa Rada Sądownictwa (Maintien en fonctions d’un juge) (C‑718/21, EU:C:2023:1015), qui avaient caractérisé la nomination, au sein de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques, des trois juges constituant l’instance de renvoi dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt avaient pour conséquence que celle-ci n’avait pas la qualité de tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi, au sens de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu à l’aune de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte. En effet, la conjonction de l’ensemble de ces éléments était de nature à engendrer des doutes légitimes, dans l’esprit des justiciables, quant à l’imperméabilité de ces juges et de la formation de jugement dans laquelle ils siègent à l’égard d’éléments extérieurs, en particulier, d’influences directes ou indirectes des pouvoirs législatif et exécutif nationaux, et à leur neutralité par rapport aux intérêts qui s’affrontent. Lesdits éléments étaient ainsi susceptibles de conduire à une absence d’apparence d’indépendance ou d’impartialité desdits juges et de cette instance, propre à porter atteinte à la confiance que la justice doit inspirer à ces justiciables dans une société démocratique et un État de droit [arrêt du 21 décembre 2023, Krajowa Rada Sądownictwa (Maintien en fonctions d’un juge), C‑718/21, EU:C:2023:1015, point 77].
24 La Cour a, par conséquent, considéré, au point 78 de l’arrêt du 21 décembre 2023, Krajowa Rada Sądownictwa (Maintien en fonctions d’un juge) (C‑718/21, EU:C:2023:1015), que la présomption rappelée au point 19 de la présente ordonnance devait être tenue pour renversée dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt et constaté que la formation de jugement de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques l’ayant saisie de la demande de décision préjudicielle dans cette affaire ne constituait pas une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, de sorte que cette demande devait être déclarée irrecevable.
25 Or, force est de constater que les considérations émises par la Cour aux points 47 à 57, 62 à 70 et 73 à 76 de l’arrêt du 21 décembre 2023, Krajowa Rada Sądownictwa (Maintien en fonctions d’un juge) (C‑718/21, EU:C:2023:1015), à propos des éléments ayant caractérisé la nomination, au sein de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques, des trois juges composant l’instance de renvoi qui l’avait saisie d’une demande de décision préjudicielle dans l’affaire ayant conduit à cet arrêt valent, de manière identique, pour les deux juges membres de l’instance de renvoi dans la présente affaire.
26 En effet, d’une part, il ressort du dossier dont dispose la Cour que l’un des deux juges membres de l’instance de renvoi dans la présente affaire est l’un des trois juges qui composaient l’instance de renvoi qui avait saisi la Cour dans l’affaire ayant conduit audit arrêt.
27 D’autre part, il ressort de ce dossier que le second juge membre de l’instance de renvoi dans la présente affaire a été nommé au sein de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques dans des circonstances identiques à celles dans lesquelles avaient été nommés au sein de cette chambre les trois juges qui composaient l’instance de renvoi qui avait saisi la Cour dans l’affaire ayant donné lieu au même arrêt. Or, il résulte des motifs de l’arrêt du 21 décembre 2023, Krajowa Rada Sądownictwa (Maintien en fonctions d’un juge) (C‑718/21, EU:C:2023:1015), que les considérations émises dans celui-ci par la Cour au soutien du renversement de la présomption dont il est fait état au point 19 de la présente ordonnance valent indifféremment pour l’ensemble des juges de ladite chambre ayant été nommés au sein de celle-ci dans les circonstances analysées dans cet arrêt.
28 Par ailleurs, le fait que l’instance de renvoi dans la présente affaire soit composée, outre de ces deux juges, d’un juré qui n’a pas été nommé au sein de la même chambre dans de telles circonstances est sans incidence aux fins de l’appréciation de la qualité de « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, de cette instance de renvoi. En effet, la présence, au sein de ladite instance de renvoi, d’un seul juge nommé dans les mêmes circonstances que celles analysées dans l’arrêt du 21 décembre 2023, Krajowa Rada Sądownictwa (Maintien en fonctions d’un juge) (C‑718/21, EU:C:2023:1015), suffit à priver la même instance de renvoi de sa qualité de tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi, au sens de l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE, lu à l’aune de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2020, Réexamen Simpson/Conseil et HG/Commission, C‑542/18 RX‑II et C‑543/18 RX‑II, EU:C:2020:232, points 69 à 75).
29 Dans ces conditions, la présomption rappelée au point 19 de la présente ordonnance doit, en l’occurrence, être tenue pour renversée et il y a lieu, en conséquence, de constater que la formation de jugement de la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques ayant saisi la Cour de la présente demande de décision préjudicielle ne constitue pas une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, de sorte que cette demande doit être déclarée manifestement irrecevable.
Sur les dépens
30 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) ordonne :
La demande de décision préjudicielle introduite par le Sąd Najwyższy (Izba Kontroli Nadzwyczajnej i Spraw Publicznych) [Cour suprême (chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques), Pologne], par décision du 22 décembre 2021, est manifestement irrecevable.
Signatures
* Langue de procédure : le polonais.