CELEX:62019TO0478(03): Ordonanța Tribunalului (Camera a zecea extinsă) din 11 martie 2025.#NRW.Bank împotriva Comitetului unic de rezoluție.#Cauza T-478/19.
![]() |
Redacția Lex24 |
Publicat in TUE : Jurisprudență, 28/06/2025 |
|
Informatii
Data documentului: 11/03/2025Emitent: TUE
Formă: TUE : Jurisprudență
Stat sau organizație la originea cererii: Germania
Procedura
Solicitant: Persoană fizicăPârât: Instituţii şi organisme ale UE, Comitetul unic de rezoluție
DOCUMENT DE TRAVAIL
ORDONNANCE DU TRIBUNAL (dixième chambre élargie)
11 mars 2025 (*)
« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Fonds de résolution unique (FRU) – Décision du CRU sur le calcul des contributions ex ante pour 2019 – Obligation de motivation – Principe de non-rétroactivité – Article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué (UE) 2015/63 – Exclusion de certains passifs du calcul des contributions ex ante – Prêts de développement – Activités auxiliaires de développement – Exception d’illégalité – Recours manifestement dépourvu de tout fondement en droit »
Dans l’affaire T‑478/19,
NRW.Bank, établie à Düsseldorf (Allemagne), représentée par Mes J. Seitz et C. Marx, avocats,
partie requérante,
contre
Conseil de résolution unique (CRU), représenté par Mme C. De Falco, en qualité d’agent, assistée de Mes G. Coppo, S. Reinart et K. Bongs, avocats,
partie défenderesse,
soutenu par
Commission européenne, représentée par M. D. Triantafyllou et Mme A. Steiblytė, en qualité d’agents,
partie intervenante,
LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie),
composé de MM. A. Kornezov, président, E. Buttigieg, G. Hesse, D. Petrlík (rapporteur) et Mme L. Spangsberg Grønfeldt, juges,
greffier : M. T. Henze, greffier adjoint,
vu la phase écrite de la procédure, notamment la mesure d’organisation de la procédure du 13 juin 2024 et les réponses des parties déposées au greffe du Tribunal les 19 et 28 juin 2024,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, NRW.Bank, demande l’annulation de la décision SRB/ES/2022/47 du Conseil de résolution unique (CRU), du 8 août 2022, retirant la décision SRB/ES/SRF/2019/10 du CRU, du 16 avril 2019, relative aux contributions ex ante 2019 au Fonds de résolution unique, dans la mesure où elle concerne les établissements mentionnés à l’annexe I de la présente décision et calculant les contributions ex ante 2019 de ces établissements au Fonds de résolution unique (ci-après la « décision attaquée »), en ce qu’elle la concerne.
I. Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du présent recours
2 La requérante est la banque de développement du Land Nordrhein-Westfalen (Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Allemagne, ci-après le « Land »). Conformément au Gesetz über die NRW.BANK (loi relative à la NRW.Bank), du 16 mars 2004 (GV. NRW. 2004, p. 126, ci‑après la « loi relative à la NRW.Bank »), elle exerce une mission de service public consistant à assister le Land et ses collectivités locales dans le domaine des politiques structurelles, économiques, sociales et d’aménagement du territoire, en mettant en œuvre et en administrant à cet effet des mesures de soutien, notamment par l’octroi de prêts. La requérante exécute à ces fins des opérations bancaires et est titulaire d’un agrément bancaire.
3 Les activités de la requérante se divisent, pour l’essentiel, en deux catégories. En premier lieu, elle exerce des activités dites « de développement », dans le cadre desquelles elle accorde, notamment, des prêts bonifiés dans les domaines énoncés à l’article 3, paragraphe 2, de la loi relative à la NRW.Bank (ci-après les « activités de développement »).
4 En second lieu, la requérante réalise des activités qu’elle dénomme « activités auxiliaires de développement », qui sont en cause dans la présente affaire et sont prévues à l’article 3, paragraphe 5, de la loi relative à la NRW.Bank. Selon cette disposition, la requérante peut, afin d’accomplir ses missions, « effectuer des opérations et fournir des services directement liés à l’accomplissement de ses missions[, étant entendu que, à ce titre,] elle peut notamment effectuer des opérations de gestion de trésorerie et du risque, lever des capitaux de garantie subordonnés, négocier des titres participatifs, des obligations publiques et d’autres obligations ainsi qu’acquérir et céder des créances » (ci-après les « activités auxiliaires de développement »). Dans le cadre de ces activités, la requérante acquiert, en particulier, des fonds sur le marché des capitaux et les place à long terme sous forme d’obligations prenant majoritairement la forme de titres du secteur public.
5 Par sa décision SRB/ES/SRF/2019/10, du 16 avril 2019, sur le calcul des contributions ex ante 2019 au Fonds de résolution unique (ci-après la « décision initiale »), le CRU a fixé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1), les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (FRU) (ci-après les « contributions ex ante »), pour l’année 2019 (ci-après la « période de contribution 2019 »), des établissements relevant des dispositions combinées de l’article 2 et de l’article 67, paragraphe 4, de ce règlement (ci-après les « établissements »), dont la requérante.
6 Par avis de perception du 23 avril 2019, la Bundesanstalt für Finanzdienstleistungsaufsicht (BaFin, Autorité fédérale de surveillance des services financiers, Allemagne), en sa qualité d’autorité de résolution nationale au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 3, du règlement no 806/2014, a enjoint à la requérante d’acquitter sa contribution ex ante pour la période de contribution 2019, telle qu’elle avait été fixée par le CRU.
7 Le 8 août 2022, le CRU a adopté la décision attaquée, par laquelle il a retiré et remplacé la décision initiale. Selon les considérants 15 à 18 de la décision attaquée, celle-ci visait à remédier au défaut de motivation de la décision initiale que le CRU avait constaté à la suite de l’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601), et des ordonnances du 3 mars 2022, CRU/Portigon et Commission (C‑664/20 P, non publiée, EU:C:2022:161), et du 3 mars 2022, CRU/Hypo Vorarlberg Bank (C‑663/20 P, non publiée, EU:C:2022:162).
8 Le 17 août 2022, la BaFin a notifié la décision attaquée à la requérante.
II. Décision attaquée
9 La décision attaquée comprend un corps qui est accompagné, en ce qui concerne la requérante, de quatre annexes.
10 Le corps de la décision attaquée décrit le processus de détermination des contributions ex ante pour la période de contribution 2019, qui est applicable à tous les établissements.
11 Plus particulièrement, dans la section 6 de la décision attaquée, le CRU a déterminé le niveau cible annuel, mentionné à l’article 4 du règlement d’exécution (UE) 2015/81 du Conseil, du 19 décembre 2014, définissant des conditions uniformes d’application du règlement no 806/2014 en ce qui concerne les contributions ex ante au Fonds de résolution unique (JO 2015, L 15, p. 1), pour la période de contribution 2019 (ci-après le « niveau cible annuel »).
12 Le CRU a expliqué qu’il avait fixé ce niveau cible annuel à un huitième de 1,15 % du montant des dépôts couverts, calculé trimestriellement, de l’ensemble des établissements en 2018, tel qu’il avait été obtenu à partir des données communiquées par les systèmes de garantie des dépôts conformément à l’article 16 du règlement délégué (UE) 2015/63 de la Commission, du 21 octobre 2014, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les contributions ex ante aux dispositifs de financement pour la résolution (JO 2015, L 11, p. 44).
13 Dans la section 7 de la décision attaquée, le CRU a décrit la méthode à suivre pour le calcul des contributions ex ante pour la période de contribution 2019. À cet égard, il a précisé, au considérant 86 de ladite décision, que, pour cette période, 26,67 % des contributions ex ante avaient été calculées sur la « base nationale », c’est-à-dire sur la base des données communiquées par des établissements agréés sur le territoire de l’État membre participant concerné (ci-après la « base nationale »), conformément à l’article 103 de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190), et conformément à l’article 4 du règlement délégué 2015/63. Le reste des contributions ex ante (à savoir 77,33 %) a été calculé sur la « base de l’union bancaire », c’est-à-dire sur la base des données communiquées par l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participant au mécanisme de résolution unique (MRU) (ci-après la « base de l’union » et les « États membres participants »), conformément aux articles 69 et 70 du règlement no 806/2014 et à l’article 4 du règlement d’exécution 2015/81.
14 Ensuite, le CRU a calculé les contributions ex ante des établissements, tels que la requérante, en suivant les phases principales suivantes.
15 Dans la première phase, le CRU a calculé, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous a), du règlement no 806/2014, la contribution annuelle de base de chaque établissement, qui est proportionnelle au montant du passif de l’établissement concerné, hors fonds propres et dépôts couverts, rapporté au total du passif, hors fonds propres et dépôts couverts, de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants. Conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63, le CRU a déduit certains types de passifs du passif total de l’établissement à prendre en compte pour la détermination de cette contribution.
16 Dans la seconde phase du calcul des contributions ex ante, le CRU a procédé à un ajustement de la contribution annuelle de base en fonction du profil de risque de l’établissement concerné, conformément à l’article 70, paragraphe 2, deuxième alinéa, sous b), du règlement no 806/2014. Il a évalué ce profil de risque sur la base des quatre piliers de risque mentionnés à l’article 6 du règlement délégué 2015/63, qui sont composés d’indicateurs de risque. Afin de classer les établissements selon leur niveau de risque, tout d’abord, le CRU a établi – pour chaque indicateur de risque appliqué pour la période de contribution 2019 – des bins (paniers) dans lesquels ont été regroupés les établissements, conformément à l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », point 3, de ce règlement délégué. Les établissements appartenant au même bin se sont vu attribuer une valeur commune pour l’indicateur de risque donné, dite « valeur discrétisée ». En combinant les valeurs discrétisées pour chaque indicateur de risque, le CRU a calculé le « multiplicateur d’ajustement en fonction du profil de risque » de l’établissement concerné (ci-après le « multiplicateur d’ajustement »). En multipliant la contribution annuelle de base de cet établissement par le multiplicateur d’ajustement de celui-ci, le CRU a obtenu la « contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque » dudit établissement.
17 Ensuite, le CRU a additionné toutes les contributions annuelles de base ajustées en fonction des profils de risque pour obtenir un « dénominateur commun » utilisé pour calculer la part du niveau cible annuel que chaque établissement devait verser.
18 Enfin, le CRU a calculé la contribution ex ante de chaque établissement en répartissant le niveau cible annuel entre tous les établissements sur la base du ratio existant entre la contribution annuelle de base ajustée en fonction du profil de risque, d’une part, et le dénominateur commun, d’autre part.
19 L’annexe I de la décision attaquée contient une fiche individuelle pour chaque établissement mentionné à ladite annexe, dont la requérante, qui comporte les résultats du calcul de la contribution ex ante de chacun de ces établissements (ci-après la « fiche individuelle »). Chacune de ces fiches expose le montant de la contribution annuelle de base de l’établissement concerné ainsi que la valeur de son multiplicateur d’ajustement, tant sur la base de l’union que sur la base nationale, en mentionnant, pour chaque indicateur de risque, le numéro du bin auquel ledit établissement a été affecté. En outre, la fiche individuelle expose des données qui sont utilisées pour le calcul des contributions ex ante de tous les établissements soumis au versement des contributions ex ante et que le CRU a déterminées en additionnant ou en combinant les données individuelles de tous ces établissements. Enfin, cette fiche comporte les données déclarées par l’établissement concerné dans le formulaire de déclaration et utilisées dans le calcul de sa contribution ex ante.
20 L’annexe II de la décision attaquée comprend des données statistiques relatives au calcul des contributions ex ante pour chaque État membre participant, sous une forme résumée et agrégée. Cette annexe précise, notamment, le montant global des contributions ex ante à verser par les établissements concernés pour chacun de ces États membres. Par ailleurs, ladite annexe énumère, pour chaque indicateur de risque, le nombre de bins, le nombre d’établissements appartenant à chacun des bins ainsi que les valeurs minimales et maximales de ces bins. Dans le cas des bins relatifs à la base nationale, ces valeurs sont, pour des raisons de confidentialité, diminuées ou augmentées d’un montant aléatoire, la répartition originale des établissements étant maintenue.
21 L’annexe III de la décision attaquée, intitulée « Évaluation des soumissions faites par les établissements dans le cadre de la consultation sur les contributions ex ante 2019 au Fonds de résolution unique », examine les observations présentées par les établissements lors de la procédure de consultation menée par le CRU entre les 22 juin et 5 juillet 2022 en vue de l’adoption de la décision attaquée.
22 L’annexe IVc de la décision attaquée examine les observations soumises par la requérante qui comprennent, selon le CRU, des informations confidentielles. En particulier, aux points 18 à 21 de cette annexe, le CRU a exposé les motifs pour lesquels les passifs liés aux activités auxiliaires de développement n’ont pas été exclus, en application de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63, du calcul de la contribution ex ante de la requérante.
III. Conclusions des parties
23 À la suite de l’adaptation de la requête sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, la requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée, y compris ses annexes en ce que ces dernières la concernent ;
– condamner le CRU aux dépens.
24 Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens ;
– à titre subsidiaire, dans le cas où le Tribunal considérerait que la décision attaquée n’aurait pas dû être adoptée avec effet rétroactif, annuler cette décision uniquement dans cette mesure ou annuler uniquement son article 4 et la maintenir pour le reste ;
– à titre plus subsidiaire, en cas d’annulation de la décision attaquée dans son intégralité, maintenir les effets de ladite décision jusqu’à son remplacement ou, à tout le moins, pendant une période de six mois à compter de la date à laquelle le jugement sera définitif.
25 La Commission européenne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
IV. En droit
26 Dans la requête, la requérante a invoqué, en substance, cinq moyens.
27 Dans le mémoire en adaptation, déposé au greffe du Tribunal le 17 octobre 2022 au titre de l’article 86 du règlement de procédure, la requérante indique maintenir l’intégralité de son argumentation exposée dans la requête, tout en précisant qu’elle soulève de nouveaux moyens en réaction au retrait de la décision initiale et à son remplacement par la décision attaquée.
28 À la suite de l’adaptation de ses conclusions et moyens, la requérante soulève désormais, en substance, treize moyens, tirés :
– le premier et le septième, d’une violation de l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), en ce que le CRU aurait omis de l’entendre de façon régulière sur le remplacement, avec effet rétroactif, de la décision initiale par la décision attaquée ainsi que sur l’adoption de cette dernière décision elle-même ;
– le deuxième, d’une violation de l’article 41 de la Charte, en ce qu’il n’existerait pas de base juridique pour le remplacement, avec effet rétroactif, de la décision initiale par la décision attaquée ;
– le troisième, d’une violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte, en ce que la décision attaquée ne mentionnerait aucune base juridique qui fonderait le remplacement de la décision initiale avec effet rétroactif ;
– le quatrième, d’une violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, en ce que la décision attaquée ne serait pas suffisamment motivée en ce qui concerne le calcul de sa contribution ex ante ;
– le cinquième, d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective consacré à l’article 47, paragraphe 1, de la Charte, en ce que la décision attaquée ne serait pas suffisamment motivée ;
– le sixième, d’une violation par la décision attaquée des exigences générales de procédure résultant de l’article 41 de la Charte, de l’article 298 TFUE, des principes généraux du droit ainsi que du règlement intérieur du CRU ;
– le huitième, d’une violation de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63, interprété à la lumière des dispositions de droit de rang supérieur, en ce que le CRU n’aurait pas exclu les passifs liés à ses activités auxiliaires de développement du calcul de sa contribution ex ante ;
– le neuvième, à titre subsidiaire, d’une illégalité de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63, en ce qu’il serait contraire aux dispositions de droit de rang supérieur ;
– le dixième, d’une illégalité de l’article 6, paragraphe 5, et de l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », du règlement délégué 2015/63, en ce que ces dispositions seraient contraires aux dispositions de droit de rang supérieur ;
– le onzième, d’une violation des principes généraux du droit, en ce que le CRU ne se serait pas fondé, à tort, sur les éléments de droit en vigueur existant à la date de l’adoption de la décision attaquée ;
– le douzième, d’une violation du règlement délégué 2015/63 et du règlement no 806/2014, en ce que l’indicateur de risque « part des prêts et dépôts interbancaires dans l’Union européenne » aurait été appliqué à son cas en méconnaissance du principe d’alignement des contributions ex ante sur le profil de risque des établissements ;
– le treizième, d’une violation par la décision attaquée de l’article 8, paragraphe 2, du règlement d’exécution 2015/81, en ce que le CRU n’aurait pas déduit de sa contribution ex ante pour la période de contribution 2019 l’intégralité de la contribution ex ante qu’elle avait versée pour la période de contribution 2015 et qui restait à déduire de ses contributions ex ante.
29 Aux termes de l’article 126 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sur proposition du juge rapporteur, à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.
30 En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de l’article 126 du règlement de procédure, de statuer sans poursuivre la procédure.
31 En effet, d’une part, les premier à neuvième moyens et le onzième moyen doivent être rejetés comme étant manifestement non fondés pour les mêmes motifs que ceux retenus par le Tribunal dans l’arrêt du 21 février 2024, NRW.Bank/CRU (T‑466/16 RENV, EU:T:2024:111). D’autre part, les dixième, douzième et treizième moyens sont manifestement non fondés pour les motifs exposés ci-après.
32 Il convient d’examiner d’abord les moyens par lesquels la requérante excipe de l’illégalité de l’article 5, paragraphe 1, sous f), de l’article 6, paragraphe 5, ainsi que de l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », du règlement délégué 2015/63, puis les moyens portant directement sur la légalité de la décision attaquée.
A. Sur les exceptions d’illégalité de l’article 5, paragraphe 1, sous f), de l’article 6, paragraphe 5, ainsi que de l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », du règlement délégué 2015/63
1. Sur le neuvième moyen, tiré de l’exception d’illégalité de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63
33 Par son neuvième moyen, déjà soulevé, en substance, dans la requête, la requérante excipe de l’illégalité de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 au motif que, en ce qu’il n’exclut pas les passifs liés aux activités auxiliaires de développement du calcul des contributions ex ante, il viole les dispositions de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014 ainsi que le principe d’égalité de traitement.
34 Le CRU conteste cette argumentation.
a) Observations liminaires
35 En premier lieu, il convient de relever que, si, dans le cadre du neuvième moyen, la requérante excipe également de l’illégalité du règlement d’exécution 2015/81, elle ne le fait qu’à titre accessoire par rapport à l’exception d’illégalité de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63. En effet, selon elle, l’illégalité de cette dernière disposition « entraîne également l’illégalité de la méthode de calcul du règlement d’exécution 2015/81, dans la mesure où l’article 4 de celui-ci se réfère [au règlement délégué 2015/63] ».
36 Dans ces conditions, il y a lieu d’apprécier d’abord la légalité de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63.
37 En deuxième lieu, il y a lieu d’examiner l’argumentation du CRU selon laquelle la présente exception d’illégalité est irrecevable au motif que la requérante ne dispose pas d’un intérêt à agir pour exciper de l’illégalité de l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63.
38 À cet égard, le CRU soutient, d’une part, que l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 n’est pas applicable à la situation de la requérante, car cette disposition ne s’applique pas aux passifs liés aux activités auxiliaires de développement. D’autre part, l’éventuel constat de l’illégalité et de l’inapplicabilité de l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 ne procurerait aucun bénéfice à la requérante. En effet, comme cette disposition prévoit une exclusion de certains passifs du calcul des contributions ex ante, son inapplicabilité aurait pour résultat que ces passifs seraient tous pris en compte dans ce calcul, une telle conséquence s’appliquant également aux passifs liés aux activités auxiliaires de développement, que la requérante souhaite précisément voir exclus dudit calcul.
39 Selon une jurisprudence constante, une exception d’illégalité, soulevée de manière incidente en vertu de l’article 277 TFUE à l’occasion de la contestation à titre principal de la légalité d’un acte tiers, n’est recevable que dès lors qu’il existe un lien de connexité entre cet acte et la norme dont l’illégalité prétendue est excipée. Dans la mesure où l’article 277 TFUE n’a pas pour but de permettre à une partie de contester l’applicabilité de quelque acte de caractère général que ce soit à la faveur d’un recours quelconque, la portée d’une exception d’illégalité doit être limitée à ce qui est indispensable à la solution du litige. Il en résulte que l’acte général dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours et qu’il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l’acte général en question (arrêts du 30 avril 2019, Wattiau/Parlement, T‑737/17, EU:T:2019:273, point 56, et du 16 juin 2021, Krajowa Izba Gospodarcza Chłodnictwa i Klimatyzacji/Commission, T‑126/19, EU:T:2021:360, point 33).
40 En outre, une exception d’illégalité n’est recevable que si elle est susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a soulevée (voir arrêt du 6 juillet 2022, MZ/Commission, T‑631/20, EU:T:2022:426, point 40 et jurisprudence citée).
41 Toutefois, il ressort également de la jurisprudence que l’article 277 TFUE doit être interprété d’une manière suffisamment large pour que soit assuré un contrôle de légalité effectif des actes des institutions de caractère général en faveur des personnes exclues du recours direct contre de tels actes. Ainsi, le champ d’application de l’article 277 TFUE doit s’étendre aux actes des institutions qui ont été pertinents pour l’adoption de la décision qui fait l’objet du recours en annulation, en ce sens que cette décision repose essentiellement sur ceux-ci, même s’ils n’en constituaient pas formellement sa base juridique. Par ailleurs, aux fins de l’examen d’une exception d’illégalité, les règles d’un seul et même régime ne sauraient être scindées artificiellement (voir arrêt du 16 juin 2021, Krajowa Izba Gospodarcza Chłodnictwa i Klimatyzacji/Commission, T‑126/19, EU:T:2021:360, point 34 et jurisprudence citée).
42 L’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 énumère les conditions dans lesquelles un passif fait l’objet d’une exclusion du calcul des contributions ex ante. À cet égard, aux points 18 à 21 et 23 de l’annexe IVc de la décision attaquée, le CRU a expliqué les raisons pour lesquelles les passifs liés aux activités auxiliaires de développement ne pouvaient pas être exclus du calcul de la contribution ex ante de la requérante au titre de l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63.
43 Par son exception d’illégalité, la requérante fait valoir que si l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 devait être interprété en ce sens qu’il ne permet pas d’exclure ces passifs, cette disposition violerait la directive 2014/59, le règlement no 806/2014 et le principe d’égalité de traitement, puisque ces normes imposaient à la Commission d’assurer, lors de l’adoption dudit règlement délégué, que le régime d’exclusion des passifs, tel qu’établi par l’article 5, paragraphe 1, de ce règlement délégué, permette d’exclure du calcul de la contribution ex ante des passifs liés aux activités auxiliaires de développement.
44 Ainsi, si la présente exception d’illégalité était accueillie, il appartiendrait au CRU de réexaminer sa position concernant la demande de la requérante d’exclure les passifs concernés du calcul de sa contribution ex ante et à la Commission de prendre des mesures garantissant un traitement de ces passifs qui soit conforme aux règles de rang supérieur mentionnées au point 43 ci-dessus, le cas échéant en élargissant la portée des exclusions prévues par l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63.
45 Dans ces conditions, il convient de constater qu’il existe un lien juridique direct entre la décision attaquée et l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 et que la requérante a un intérêt à obtenir une éventuelle déclaration d’illégalité de cette disposition.
46 Il en va d’autant plus ainsi que l’argumentation défendue par le CRU, telle qu’elle est exposée au point 38 ci-dessus, reviendrait à scinder artificiellement les règles du régime de calcul des contributions ex ante établi par le règlement délégué 2015/63 et à priver l’article 277 TFUE de son effet utile, car la requérante n’aurait pas la possibilité de contester la légalité d’une disposition prévoyant l’exclusion de certains passifs dudit calcul lorsque l’illégalité alléguée ne réside pas dans l’existence de cette exclusion, mais plutôt dans les conditions de cette exclusion (voir, par analogie, arrêt du 16 juin 2021, Krajowa Izba Gospodarcza Chłodnictwa i Klimatyzacji/Commission, T‑126/19, EU:T:2021:360, point 42).
47 Eu égard à ce qui précède, l’exception d’irrecevabilité soulevée par le CRU doit être écartée.
48 En troisième lieu, la requérante n’a soulevé une exception d’illégalité à l’encontre de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 qu’à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal aurait considéré que cette disposition ne permettait pas d’exclure les passifs liés à ses activités auxiliaires de développement du calcul de sa contribution ex ante.
49 Il convient donc d’examiner, dans un premier temps, si l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 permet d’exclure les passifs liés aux activités auxiliaires de développement du calcul de la contribution ex ante de la requérante et, si tel n’est pas le cas, il convient d’apprécier, dans un second temps, si cette disposition est conforme aux dispositions de droit de rang supérieur invoquées par la requérante.
b) Sur la portée de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63
50 Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63, sont exclus du calcul des contributions ex ante, « dans le cas des établissements qui gèrent des prêts de développement, les passifs de l’établissement intermédiaire envers la banque initiatrice, une autre banque de développement ou un autre établissement intermédiaire, et les passifs de la banque de développement envers ses bailleurs de fonds, dans la mesure où le montant des prêts de développement gérés par cet établissement ou cette banque couvre le montant de ces passifs ».
51 Selon l’article 3, point 28, du règlement délégué 2015/63, on entend par « prêt de développement » « un prêt octroyé par une banque de développement ou un établissement intermédiaire sur une base non concurrentielle et dans un but non lucratif en vue de promouvoir les objectifs de politique publique d’une administration centrale ou régionale d’un État membre ».
52 La requérante fait valoir que ces dispositions doivent être interprétées en ce sens qu’elles permettent d’exclure du calcul de sa contribution ex ante les passifs liés aux activités auxiliaires de développement, telles que celles décrites au point 4 ci-dessus.
53 Le CRU conteste cette argumentation.
54 Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 44 à 63 de son arrêt du 21 février 2024, NRW.Bank/CRU (T‑466/16 RENV, EU:T:2024:111). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.
55 Il ressort de la jurisprudence que l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué 2015/63 ne confère pas de pouvoir discrétionnaire au CRU pour exclure certains passifs au titre de l’adaptation en fonction du risque des contributions ex ante, mais énumère, au contraire, de manière précise les conditions dans lesquelles un passif fait l’objet d’une telle exclusion (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2019, Iccrea Banca, C‑414/18, EU:C:2019:1036, point 93). Selon cette même jurisprudence, la prise en compte des principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de proportionnalité ne saurait justifier un autre résultat, dès lors que le règlement délégué 2015/63 a distingué des situations présentant des particularités notables, directement liées aux risques présentés par les passifs en cause (arrêt du 3 décembre 2019, Iccrea Banca, C‑414/18, EU:C:2019:1036, point 95).
56 Dans ce contexte, il convient de relever que l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 prévoit trois conditions pour l’exclusion des passifs concernés du calcul des contributions ex ante, étant entendu que ces conditions présentent un caractère cumulatif, de sorte que le non-respect de l’une d’entre elles fait obstacle à l’exclusion des passifs concernés dudit calcul.
57 Premièrement, afin de pouvoir être exclus du calcul des contributions ex ante, les passifs doivent être détenus par un établissement qui gère des prêts de développement.
58 Deuxièmement, ces passifs doivent constituer des « passifs de l’établissement intermédiaire envers la banque initiatrice, une autre banque de développement ou un autre établissement intermédiaire » ou des « passifs de la banque de développement envers ses bailleurs de fonds ».
59 Troisièmement, les passifs en cause ne peuvent être exclus du calcul des passifs servant à déterminer la contribution ex ante que « dans la mesure où le montant des prêts de développement gérés par cet établissement ou cette banque couvre le montant de ces passifs ».
60 En l’espèce, les parties s’opposent sur la question de savoir si les passifs liés aux activités auxiliaires de développement, telles que celles mentionnées au point 4 ci-dessus, remplissent la troisième condition visée au point 59 ci-dessus, à savoir celle selon laquelle le montant de ces passifs doit être couvert par le montant des prêts de développement gérés par la banque de développement concernée.
61 À cet égard, il ressort tout d’abord du libellé de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63, évoqué au point 59 ci-dessus, notamment de l’utilisation des termes « dans la mesure où », que les passifs en cause ne peuvent être exclus du calcul de la contribution ex ante de l’établissement concerné qu’à concurrence du montant des prêts de développement gérés par cet établissement, tels que définis à l’article 3, point 28, du règlement délégué 2015/63.
62 Ainsi, contrairement à ce que semble suggérer la requérante, cette disposition ne permet pas d’exclure du calcul de la contribution ex ante tous les passifs d’une banque de développement qui sont liés, d’une manière ou d’une autre, à l’accomplissement de sa mission de développement, mais seulement les passifs dont le montant correspond exactement au montant des prêts de développement gérés par une telle banque.
63 Par ailleurs, s’agissant de la question de savoir si les activités auxiliaires de développement, telles que celles décrites au point 4 ci-dessus, peuvent relever de la notion de « prêt de développement », au sens de l’article 3, point 28, du règlement délégué 2015/63, il ressort des précisions fournies par la requérante dans son mémoire en adaptation que les activités qui sont pertinentes aux fins de la présente exception d’illégalité consistent, notamment, en l’acquisition de titres de créance sur le marché des capitaux.
64 À cet égard, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si de telles opérations peuvent être qualifiées de « prêts », il découle du libellé de l’article 3, point 28, de ce règlement délégué, tel que cela est rappelé au point 51 ci-dessus, que, pour constituer des prêts de développement, ces opérations doivent remplir, en tout état de cause, la condition selon laquelle elles doivent être effectuées « sur une base non concurrentielle et dans un but non lucratif ».
65 En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, cette condition doit être remplie non seulement dans le cas d’un prêt octroyé par un établissement intermédiaire, mais également dans le cas d’un prêt octroyé par une banque de développement. Cette conclusion n’est pas infirmée par les versions anglaise et française de l’article 3, point 28, du règlement délégué 2015/63, sur lesquelles la requérante s’est appuyée. À cet égard, il ressort du libellé de ces deux versions linguistiques – tout comme des autres versions linguistiques, dont, notamment, les versions espagnole, italienne ou polonaise – que la condition résultant de l’emploi de l’expression « sur une base non concurrentielle et dans un but non lucratif » est liée à l’emploi du terme « octroyé », de sorte qu’elle se rapporte tant à l’expression « une banque de développement » qu’à l’expression « un établissement intermédiaire ». Sur ce point, le seul fait que ladite condition suit immédiatement ces derniers termes ne signifie pas qu’elle concerne uniquement les prêts de développement accordés par les établissements intermédiaires.
66 Cette interprétation est corroborée, en outre, par la version allemande de l’article 3, point 28, du règlement délégué 2015/63. En effet, dans cette version, la condition résultant de l’emploi de l’expression « sur une base non concurrentielle et dans un but non lucratif » précède la notion de « prêt » et est ainsi indifféremment applicable aux deux hypothèses concernées, c’est-à-dire tant à l’octroi de prêts de développement par un établissement intermédiaire qu’à l’octroi de prêts de développement par une banque de développement.
67 La conclusion énoncée au point 65 ci-dessus est également confirmée par la première phrase du considérant 13 du règlement délégué 2015/63, qui mentionne explicitement la condition résultant de l’emploi de l’expression « sur une base non concurrentielle et dans un but non lucratif » dans le contexte des prêts octroyés directement par une banque de développement.
68 De même, ladite condition fait partie intégrante de l’article 3, point 27, du règlement délégué 2015/63, qui définit la notion de « banque de développement » comme renvoyant à toute entreprise ou entité créée par une administration centrale ou régionale d’un État membre, qui octroie des prêts de développement « sur une base non concurrentielle et dans un but non lucratif ».
69 Il s’ensuit que, pour qu’une opération puisse être considérée comme un prêt de développement aux fins de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63, la condition résultant de l’emploi de l’expression « sur une base non concurrentielle et dans un but non lucratif » doit être remplie non seulement dans le cas d’un établissement intermédiaire, mais également dans celui d’une banque de développement.
70 Or, en ce qui concerne les activités auxiliaires de développement qui consistent en l’acquisition de titres de créance sur le marché des capitaux, telles que celles évoquées au point 63 ci-dessus, rien n’indique que de telles opérations d’acquisition remplissent la condition énoncée au point 69 ci-dessus.
71 En effet, d’une part, il n’est pas contesté que de telles opérations sont réalisées sur le marché des capitaux ouvert sur lequel opèrent d’autres acteurs, qui effectuent les mêmes types d’opérations et peuvent acquérir les mêmes titres de créance que les banques de développement, et ce dans les mêmes conditions de marché que ces dernières. Or, sur un tel marché, les banques de développement sont, par définition, en concurrence directe avec ces autres acteurs du marché, de sorte que l’activité concernée ne saurait être considérée comme étant exercée sur une base non concurrentielle.
72 D’autre part, la requérante admet elle-même que les activités consistant en l’acquisition de titres de créance sur le marché des capitaux visent à générer, et génèrent, des revenus, en ce qu’elles consistent à produire des marges d’intérêts afin de financer l’activité bancaire en tant que telle des banques de développement, telles que la requérante. Dès lors, ces activités ne peuvent être considérées comme étant exercées dans un but non lucratif.
73 Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel l’« objectif ultime » desdites activités ne consiste pas à réaliser un bénéfice. En effet, le caractère non lucratif d’une activité, aux fins de l’application de l’article 3, point 28, du règlement délégué 2015/63, s’apprécie au regard de la nature de chaque activité concernée, sans qu’il soit pertinent que les bénéfices générés par cette activité soient ou non ultérieurement utilisés pour financer les activités de développement, qui sont quant à elles exercées dans un but non lucratif. Toute autre interprétation reviendrait à considérer que les activités concernées présentent un caractère non lucratif au seul motif qu’elles sont exercées par une banque de développement, ce qui viderait de son contenu la condition résultant de l’emploi de l’expression « sur une base non concurrentielle et dans un but non lucratif », prévue à l’article 3, point 28, du règlement délégué 2015/63.
74 Eu égard à ce qui précède, l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63, lu conjointement avec l’article 3, points 27 et 28, de ce même règlement délégué, doit être interprété en ce sens qu’il ne permet pas d’exclure les passifs liés aux activités auxiliaires de développement des banques de développement, telles que la requérante, du calcul de leur contribution ex ante.
c) Sur la légalité de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63
75 Dans l’hypothèse où l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 devrait être interprété en ce sens qu’il ne permet pas d’exclure les passifs liés à ses activités auxiliaires de développement du calcul de sa contribution ex ante, la requérante soulève une exception d’illégalité à l’encontre de cette disposition en soutenant qu’elle est incompatible avec l’article 103, paragraphes 2 et 7, de la directive 2014/59, l’article 70, paragraphes 2 et 7, du règlement no 806/2014 et le principe d’égalité de traitement.
76 À titre liminaire, d’une part, il y a lieu de préciser que la requérante développe son argumentation essentiellement au regard de l’article 103, paragraphes 2 et 7, de la directive 2014/59 et qu’elle n’invoque une violation de l’article 70, paragraphes 2 et 7, du règlement no 860/2014 qu’en raison du renvoi opéré par le règlement d’exécution 2015/81 à la méthode de calcul exposée dans le règlement délégué 2015/63.
77 D’autre part, il ressort de la requête que la requérante excipe de l’illégalité de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 en formulant, en réalité, trois branches, tirées, la première, de la violation de l’objectif d’allègement des budgets publics, la deuxième, de la méconnaissance du principe d’alignement des contributions ex ante sur le profil de risque et, la troisième, de la violation du principe d’égalité de traitement.
1) Sur la première branche, tirée de la violation de l’objectif d’allègement des budgets publics
78 La requérante estime que le refus d’exclure du calcul de la contribution ex ante des banques de développement régionales les passifs liés à leurs activités auxiliaires de développement, ainsi qu’il résulte du règlement délégué 2015/63, méconnaît la volonté du législateur de l’Union et l’objectif d’allègement des budgets publics fixé par la directive 2014/59 et le règlement no 806/2014. Ainsi, il existerait une double pression sur les budgets publics dans la mesure où la somme à acquitter sous forme de contributions ex ante serait prélevée sur les banques de développement régionales, telles que la requérante, mais aussi indirectement sur les autorités publiques qui détiennent de telles banques et, par conséquent, sur les budgets publics.
79 Le CRU et la Commission contestent l’argumentation de la requérante.
80 Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 69 à 77 et 81 à 85 de son arrêt du 21 février 2024, NRW.Bank/CRU (T‑466/16 RENV, EU:T:2024:111). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.
81 Il convient de rappeler que les contributions ex ante sont imposées et calculées sur le fondement de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014.
82 Il ressort de cette disposition que doivent contribuer au FRU les « établissements » au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 13, du règlement no 806/2014.
83 Il découle de l’article 3, paragraphe 1, point 13, du règlement no 806/2014, lu conjointement avec l’article 3, paragraphe 2, de ce même règlement et l’article 2, paragraphe 1, point 2, de la directive 2014/59, que font partie de ces établissements, notamment, les établissements de crédit au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 1, du règlement (UE) no 575/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1), qui ne figurent pas parmi les entités visées à l’article 2, paragraphe 5, de la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338).
84 Au regard de ces dispositions, les banques de développement régionales de la République fédérale d’Allemagne qui constituent des établissements de crédit au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 1, du règlement no 575/2013 (ci-après les « banques de développement régionales »), telles que la requérante, n’étaient pas soustraites au régime général de versement des contributions ex ante, étant donné qu’elles ne figuraient pas parmi les entités exclues du champ d’application du règlement no 806/2014 au titre de l’article 2, paragraphe 5, de la directive 2013/36, dans sa version applicable à la période de contribution 2019.
85 En effet, à la différence de la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW), qui est la banque de développement nationale de la République fédérale d’Allemagne, les banques de développement régionales, telles que la requérante, ne figuraient pas à l’article 2, paragraphe 5, point 6, de la directive 2013/36 dans sa version applicable avant sa modification par la directive 2019/878 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2019 (JO 2019, L 150, p. 253).
86 Il découle de ce qui précède que ni le règlement no 806/2014 ni la directive 2014/59 ne dispensent, de manière générale, les banques de développement régionales de l’obligation de verser des contributions ex ante – malgré le fait qu’elles bénéficient d’une garantie publique – et que ce règlement et cette directive n’excluent ainsi pas l’ensemble des passifs liés aux activités de ces banques du calcul de leur contribution ex ante.
87 De même, aucun de ces actes ne prévoit de possibilité, pour la Commission, d’exclure certains établissements, tels que les banques de développement régionales, du champ d’application personnel de l’obligation de versement des contributions ex ante.
88 Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’objectif d’allègement des budgets publics visé par la directive 2014/59 et le règlement no 806/2014 sur lequel s’appuie la requérante dans le cadre de la présente branche.
89 Il est vrai que, ainsi que cela ressort du considérant 109 de la directive 2014/59 et du considérant 100 du règlement no 806/2014, ceux-ci visent à atteindre l’objectif selon lequel l’essentiel du financement des procédures de résolution des établissements concernés devrait provenir des actionnaires et des créanciers des établissements soumis à de telles procédures, puis des entités du secteur, et non des budgets publics.
90 Cependant, dans la mesure où une autorité publique est actionnaire, créancière ou garante d’un tel établissement, il n’est pas incompatible avec l’objectif mentionné au point 89 ci-dessus qu’elle participe, en cette qualité, au financement du FRU et qu’elle contribue ainsi à assurer la solidité du système de dispositifs de financement pour la résolution de l’Union.
91 Dès lors, ledit objectif n’est pas susceptible de remettre en cause la constatation énoncée au point 86 ci-dessus.
92 Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter la première branche du neuvième moyen.
2) Sur la deuxième branche, tirée de la méconnaissance du principe d’alignement des contributions ex ante sur le profil de risque
93 La requérante estime que, en ce qu’il n’exclut pas du calcul de la contribution ex ante des banques de développement régionales les passifs liés à leurs activités auxiliaires de développement, l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 viole l’article 103, paragraphes 2 et 7, de la directive 2014/59, qui exige que le montant de la contribution ex ante soit aligné sur le profil de risque des établissements.
94 La requérante considère que, compte tenu de la logique inhérente aux dispositifs de financement pour la résolution, consacrée au considérant 103 de la directive 2014/59, la probabilité que l’établissement soit soumis à une procédure de résolution pourrait revêtir, dans un cas spécifique, une importance prépondérante par rapport aux autres paramètres permettant l’alignement des contributions ex ante sur le profil de risque, tels qu’ils sont énumérés à l’article 103, paragraphe 7, de cette directive. Ainsi, le règlement délégué 2015/63, qui est fondé, en ce qu’il prévoit la méthode d’ajustement des contributions ex ante au profil de risque des établissements, sur cet article 103, paragraphe 7, ne serait légal que dans la mesure où il intègre suffisamment, dans les modalités de calcul des contributions ex ante, la probabilité que les établissements concernés soient soumis à une procédure de résolution.
95 Or, du point de vue de cette probabilité, il n’existerait pas de différence entre les passifs liés aux activités de développement et ceux liés aux activités auxiliaires de développement. D’une part, le Land assurerait, en sa qualité de garant de la requérante, la couverture complète de ces deux catégories de passifs. D’autre part, du fait de la garantie du Land, une défaillance de la requérante serait pratiquement exclue, ce qui signifierait qu’elle n’aurait aucun besoin de recourir aux instruments de résolution.
96 Le CRU et la Commission contestent l’argumentation de la requérante.
97 Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 90 à 112 de son arrêt du 21 février 2024, NRW.Bank/CRU (T‑466/16 RENV, EU:T:2024:111). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.
98 Le Tribunal a déjà jugé que la Commission disposait d’un large pouvoir d’appréciation aux fins d’adopter, en vertu de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, les règles précisant la notion d’adaptation des contributions ex ante en fonction du profil de risque (arrêt du 21 février 2024, NRW.Bank/CRU, T‑466/16 RENV, EU:T:2024:111, points 90 à 97).
99 Dans ces conditions, s’agissant de la méthode d’adaptation des contributions annuelles de base au titre de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice du pouvoir d’appréciation octroyé à la Commission n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si celle-ci n’a pas manifestement dépassé les limites de ce pouvoir (arrêt du 21 février 2024, NRW.Bank/CRU, T‑466/16 RENV, EU:T:2024:111, point 98).
100 Par conséquent, il appartient à la requérante de démontrer que l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 est entaché de tels vices en ce qu’il n’exclut pas les passifs liés aux activités auxiliaires de développement des banques de développement régionales du calcul de la contribution ex ante.
101 À cet égard, il convient tout d’abord de rappeler que, pour la période de contribution 2019, ni le règlement no 806/2014 ni la directive 2014/59 n’excluaient, de manière générale, les banques de développement régionales de l’obligation de verser des contributions ex ante, et ce malgré le fait qu’elles bénéficient d’une garantie publique et indépendamment de la probabilité de leur résolution (voir points 81 à 86 ci-dessus).
102 De même, ni la directive 2014/59 ni le règlement no 806/2014 n’obligent la Commission à exclure certains des passifs de tels établissements du calcul des contributions ex ante.
103 Ainsi, conformément à l’article 70, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 et à l’article 103, paragraphe 2, de la directive 2014/59, tous les passifs desdits établissements, hors fonds propres et dépôts couverts, sont à prendre en compte, en principe, aux fins du calcul de ces contributions, sous réserve de l’adaptation desdites contributions en fonction du risque des établissements.
104 Une telle approche correspond à la logique d’ordre assurantiel du système des contributions ex ante, dans laquelle l’ensemble du secteur financier doit procurer des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113). En effet, conformément à cette logique, tous les établissements, y compris ceux dont la probabilité de résolution est plus faible, bénéficient de leurs contributions ex ante au travers de la stabilité du système financier tel qu’elle est assurée par le FRU.
105 Dans ces conditions, la requérante ne saurait soutenir que la Commission était tenue d’exclure certains des passifs des banques de développement régionales, tels que les passifs liés aux activités auxiliaires de développement, du calcul de leur contribution ex ante au seul motif que ces banques avaient une probabilité de résolution plus faible.
106 Il en va d’autant plus ainsi que la requérante n’a pas contesté qu’il n’était pas exclu, sur le plan juridique, qu’une banque de développement régionale puisse, malgré le fait qu’elle bénéficie de garanties publiques, faire l’objet d’une résolution et, partant, puisse avoir recours au FRU.
107 Par ailleurs, conformément à l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, la contribution ex ante n’est pas calculée sur la base des seuls passifs des établissements concernés, mais cette contribution est ajustée, par la suite, en fonction de leur profil de risque. Ainsi, en vertu de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, la Commission est habilitée à préciser, par un acte délégué, les modalités de cette adaptation des contributions ex ante en fonction du profil de risque desdits établissements.
108 À cet égard, l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 prévoit huit éléments que la Commission doit prendre en compte aux fins d’une telle adaptation. Or, bien que « la probabilité que l’établissement soit soumis à une procédure de résolution » et « l’exposition au risque de l’établissement » figurent parmi ces éléments, de sorte que la Commission est tenue de les prendre en compte lors de l’adoption d’un acte délégué tel que le règlement délégué 2015/63, ces éléments ne constituent que deux des huit éléments dont la Commission doit tenir compte dans l’élaboration d’un tel acte.
109 En outre, rien dans l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 n’indique que la Commission est tenue d’accorder une importance prépondérante à un ou à plusieurs desdits éléments, tels que la probabilité que l’établissement soit soumis à une procédure de résolution.
110 Cette conclusion est confirmée par le contexte dans lequel s’insère l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59.
111 D’une part, il ressort du considérant 105 de cette directive que les contributions ex ante sont collectées auprès des acteurs du secteur financier préalablement à toute opération de résolution et indépendamment de celle-ci. D’autre part, les instruments de résolution ne peuvent s’appliquer qu’aux entités dont la défaillance est avérée ou prévisible et uniquement lorsqu’ils sont nécessaires pour atteindre l’objectif de stabilité financière dans l’intérêt public. La réglementation n’établit ainsi aucun lien automatique entre le versement de la contribution ex ante de l’établissement concerné et la résolution de ce dernier, dès lors que c’est uniquement la préservation de l’intérêt public, et non l’intérêt individuel dudit établissement, qui est le facteur décisif pour l’utilisation du FRU (arrêt du 20 janvier 2021, ABLV Bank/CRU, T‑758/18, EU:T:2021:28, point 70). Il en résulte que la probabilité de résolution d’un établissement n’est pas le seul élément qui doit être pris en compte lors du calcul de sa contribution ex ante.
112 Il en va d’autant plus ainsi que l’exclusion des passifs liés aux activités de développement du calcul des contributions ex ante, prévue par l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63, n’est pas justifiée par le fait que les banques de développement, qui détiennent ces passifs, auraient une moindre probabilité de résolution. En effet, ainsi que cela découle du considérant 13 de ce règlement délégué, l’exclusion desdits passifs repose sur le fait que les prêts de développement poursuivent un objectif de politique publique, qu’ils sont octroyés sur une base non concurrentielle et dans un but non lucratif et qu’ils sont partiellement garantis, directement ou indirectement, par l’administration centrale ou régionale ou par l’autorité locale d’un État membre. Ainsi, cette exclusion repose sur les caractéristiques propres à une certaine catégorie d’activités, plutôt que sur le profil de risque global des banques de développement qui effectuent ces activités, étant entendu que de telles banques ne présentent pas nécessairement le même profil de risque au seul motif qu’elles effectuent, parmi d’autres activités, des activités de développement.
113 Eu égard à ce qui précède, la requérante n’a pas démontré que l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 était entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou qu’il avait manifestement dépassé les limites du pouvoir d’appréciation de la Commission du fait qu’il n’excluait pas les passifs liés aux activités auxiliaires de développement des banques de développement régionales du calcul de leur contribution ex ante.
114 Dès lors, la deuxième branche du neuvième moyen doit être rejetée.
3) Sur la troisième branche, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement
115 La requérante fait valoir que l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 viole le principe d’égalité de traitement, consacré à l’article 20 de la Charte.
116 Premièrement, l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 instaurerait une différence de traitement injustifiée entre deux situations comparables, à savoir entre les passifs liés aux activités auxiliaires de développement et les passifs liés aux activités de développement. Le caractère comparable de ces passifs résulterait du fait que le profil de risque et la probabilité de défaillance de la requérante seraient identiques qu’il s’agisse de ses activités de développement ou de ses activités auxiliaires de développement. En effet, la garantie du Land dont bénéficie la requérante – et donc le fait que la défaillance de la requérante est « à peu près exclue » – ne dépendrait aucunement de la question de savoir si les passifs de cette dernière correspondent à des créances liées à son activité de développement ou à celles liées à ses activités auxiliaires de développement. De plus, les deux types d’activités seraient comparables en raison du fait qu’elles seraient économiquement indissociables l’une de l’autre et qu’elles seraient toutes les deux exercées sur la base non-concurrentielle et à but non-lucratif. Cette différence de traitement ne serait justifiée par aucune raison objective.
117 Deuxièmement, l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63, lu conjointement avec l’article 5, paragraphe 1, sous b), de ce même règlement délégué, entraînerait une différence de traitement injustifiée entre les passifs liés aux activités auxiliaires de développement et les passifs résultant d’engagements envers des contreparties avec lesquelles un établissement a créé un système de protection institutionnel (ci-après le « SPI »), ces derniers passifs étant exclus du calcul des contributions ex ante selon l’article 5, paragraphe 1, sous b), dudit règlement délégué. En effet, la requérante bénéficierait, en ce qui concerne les moyens utilisés pour ses activités auxiliaires de développement, d’un mécanisme de protection indépendant du FRU, à savoir la garantie du Land, qui serait comparable à la garantie procurée par un SPI.
118 Le CRU et la Commission contestent l’argumentation de la requérante.
119 Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 117 à 128 de son arrêt du 21 février 2024, NRW.Bank/CRU (T‑466/16 RENV, EU:T:2024:111). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.
120 Le principe d’égalité de traitement, en tant que principe général du droit de l’Union, exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 3 février 2021, Fussl Modestraße Mayr, C‑555/19, EU:C:2021:89, point 95).
121 La requérante ayant invoqué la violation du principe d’égalité de traitement, c’est à elle qu’il incombe d’identifier avec précision les situations comparables dont elle estime qu’elles ont été traitées de manière différente ou les situations différentes dont elle estime qu’elles ont été traitées de manière identique [arrêt du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T‑31/07, non publié, EU:T:2013:167, point 311].
122 Selon une jurisprudence constante, le caractère comparable de telles situations s’apprécie eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Ces éléments doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève cet acte (voir arrêt du 3 février 2021, Fussl Modestraße Mayr, C‑555/19, EU:C:2021:89, point 99 et jurisprudence citée).
123 En ce qui concerne l’objet et le but de la directive 2014/59, du règlement no 806/2014 et du règlement délégué 2015/63, il convient de rappeler que ces actes relèvent du domaine du MRU, dont la création vise, conformément au considérant 12 du règlement no 806/2014, à garantir une approche neutre dans le traitement des établissements défaillants, à renforcer la stabilité des établissements dans les États membres participants et à prévenir la propagation d’éventuelles crises aux États membres ne participant pas à ce mécanisme, afin de faciliter le fonctionnement du marché intérieur dans son ensemble.
124 En vue d’assurer un financement des activités du MRU, la directive 2014/59, le règlement no 806/2014 et le règlement délégué 2015/63 ont instauré les contributions ex ante, dont la nature spécifique consiste, ainsi qu’il ressort des considérants 105 à 107 de cette directive et du considérant 41 de ce règlement, à garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour que ce dernier puisse remplir ses fonctions et à encourager les établissements à adopter des modes de fonctionnement moins risqués (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113).
125 Dans ce contexte, l’exclusion prévue à l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 est motivée, ainsi que cela découle du considérant 13 de ce règlement délégué, par le fait que les prêts de développement poursuivent un objectif de politique publique, sont octroyés sur une base non concurrentielle et dans un but non lucratif, et sont partiellement garantis, directement ou indirectement, par l’administration centrale ou régionale ou par l’autorité locale d’un État membre.
126 En ce qui concerne le premier grief, celui-ci doit être compris en ce sens que la requérante soutient, en substance, que les activités auxiliaires de développement sont comparables aux activités de développement, de sorte que les passifs d’une banque de développement régionale qui effectue les deux catégories d’activités auraient dû être exclus du calcul de sa contribution ex ante non seulement à concurrence du montant correspondant aux activités de développement, mais à concurrence du montant correspondant aux deux catégories d’activités.
127 À cet égard, il ressort tout d’abord du point 71 ci-dessus que les activités auxiliaires de développement sont menées sur le marché des capitaux ouvert et dans un but lucratif, qu’elles peuvent être conduites par des établissements autres que les banques de développement régionales et qu’elles sont exercées en concurrence avec les autres établissements. En revanche, les activités de développement sont réalisées sur la base d’une obligation légale d’assister l’administration centrale ou régionale d’un État membre dans l’exécution de ses missions d’intérêt public.
128 En outre, compte tenu des constats opérés aux points 73 et 127 ci-dessus et contrairement à ce que suggère la requérante, le fait que ces deux catégories d’activités sont complémentaires du point de vue économique ne signifie pas qu’elles sont comparables.
129 Enfin, la circonstance invoquée par la requérante selon laquelle la garantie du Land dont elle bénéficie couvre, dans son cas individuel, toutes ses activités, qu’il s’agisse des activités de développement ou des activités auxiliaires de développement, est sans pertinence pour apprécier le caractère comparable de ces deux catégories d’activités au regard du but poursuivi par l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63. En effet, d’une part, ainsi que cela ressort du point 125 ci-dessus, le but visé par cette disposition n’était pas d’exclure du calcul des contributions ex ante tous les passifs de toutes les banques de développement régionales qui bénéficient de garanties telles que celles dont bénéficie la requérante. D’autre part, il n’est pas établi que les garanties publiques dont bénéficient, en règle générale, les activités de développement des banques de développement régionales s’étendent, dans le cas de toutes ces banques, également aux activités auxiliaires de développement de ces dernières. À cet égard, la requérante n’a, notamment, pas contesté l’argument de la Commission selon lequel il existait des situations dans lesquelles les activités auxiliaires de développement de certaines banques de développement régionales n’étaient couvertes par aucune garantie d’État ni garantie équivalente.
130 Dans ces conditions, les activités auxiliaires de développement ne peuvent être considérées comme étant comparables aux activités de développement. Par conséquent, il n’est pas établi qu’elles doivent être traitées de la même manière s’agissant de l’exclusion des passifs liés à ces activités aux fins du calcul des contributions ex ante.
131 S’agissant du deuxième grief, la requérante soutient à tort que, au regard du but spécifique poursuivi par l’article 5, paragraphe 1, sous b), du règlement délégué 2015/63, les passifs liés aux activités auxiliaires de développement sont comparables aux passifs liés aux engagements envers des contreparties avec lesquelles l’établissement concerné a créé un SPI. En effet, conformément au considérant 8 de ce règlement délégué, l’exclusion des passifs liés aux SPI résulte d’une volonté d’éviter le double comptage de certains passifs lors de la détermination de la contribution ex ante des établissements qui sont membres d’un SPI ou affiliés de façon permanente à un organisme central. Or, la requérante n’a pas soutenu que l’inclusion des passifs liés aux activités auxiliaires de développement dans le calcul de sa contribution ex ante constituait un double comptage de tels passifs.
132 Il résulte de l’ensemble de ces considérations qu’il convient d’écarter la troisième branche du neuvième moyen et, avec elle, le neuvième moyen dans son ensemble.
2. Sur le dixième moyen, tiré des exceptions d’illégalité de l’article 6, paragraphe 5, et de l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », du règlement délégué 2015/63
133 Dans le cadre du dixième moyen, la requérante soutient que « la méthode de calcul définie dans le règlement délégué […] 2015/63 » viole le règlement no 806/2014, la directive 2014/59 et le principe d’égalité de traitement.
134 À cet égard, il y a lieu de préciser que, si la requérante fait valoir, en termes généraux, que c’est la méthode de calcul prévue par le règlement délégué 2015/63 qui viole, en tant que telle, les normes de droit supérieur qu’elle invoque et si elle précise que son argumentation relative à l’article 6, paragraphe 5, et à l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », de ce règlement délégué n’est développée qu’à titre d’exemple, les arguments exposés dans le cadre du présent moyen ne visent pas d’autres aspects de la méthode de calcul que ceux prévus par ces dispositions.
135 Dans ces conditions, il convient de limiter l’examen du présent moyen à la prétendue illégalité de l’article 6, paragraphe 5, et de l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », dudit règlement délégué.
a) Sur la première branche, relative à l’exception d’illégalité de l’article 6, paragraphe 5, du règlement délégué 2015/63
136 Par la première branche, déjà soulevée, en substance, dans la requête, la requérante soutient que le fait que les garanties publiques, telles que celles dont elle bénéficie en tant que banque de développement du Land, ne sont pas prises en compte dans le cadre du pilier de risque « indicateurs de risque supplémentaires à déterminer par l’autorité de résolution », prévu à l’article 6, paragraphe 5, du règlement délégué 2015/63, viole le principe d’égalité de traitement ainsi que le règlement no 806/2014 et la directive 2014/59, en ce que ces actes imposent un alignement des contributions ex ante sur le profil de risque des établissements. À cet égard, l’indicateur de risque « éventuelle appartenance de l’établissement à un [SPI] », prévu à l’article 6, paragraphe 5, premier alinéa, sous b), du règlement délégué 2015/63, serait notamment conçu de manière trop restrictive, dès lors qu’il ne tiendrait compte que de l’appartenance de l’établissement à un SPI, alors que lesdites garanties publiques seraient même potentiellement plus pertinentes pour l’appréciation du profil de risque des établissements que l’appartenance à un SPI.
137 Le CRU, soutenu par la Commission, fait valoir que la première branche du dixième moyen doit être rejetée comme étant irrecevable en raison de son manque de précision et, en tout état de cause, comme étant non fondée.
138 S’agissant de la recevabilité de l’exception d’illégalité, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige ainsi que l’exposé sommaire des moyens et cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle, le cas échéant, sans autre information à l’appui (arrêt du 7 mars 2017, United Parcel Service/Commission, T‑194/13, EU:T:2017:144, point 191).
139 Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir arrêt du 25 janvier 2018, BSCA/Commission, T‑818/14, EU:T:2018:33, point 95 et jurisprudence citée). Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief est invoqué au soutien d’un moyen (voir arrêt du 25 mars 2015, Belgique/Commission, T‑538/11, EU:T:2015:188, point 131 et jurisprudence citée).
140 En particulier, la simple invocation du principe du droit de l’Union dont la violation est alléguée, sans indication des éléments de fait et de droit sur lesquels cette allégation se fonde, ne satisfait pas aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure (voir arrêt du 7 novembre 2019, ADDE/Parlement, T‑48/17, EU:T:2019:780, point 22 et jurisprudence citée).
141 En l’espèce, il ressort de manière suffisamment claire des écritures de la requérante que celle-ci excipe de l’illégalité de l’article 6, paragraphe 5, du règlement délégué 2015/63 au motif que cette disposition ne tient pas compte des garanties publiques telles que celles dont elle bénéficie. La requérante a notamment précisé que, selon elle, « le pilier [de risque] IV, [intitulé] “indicateurs de risque supplémentaires à déterminer par l’autorité de résolution” aurait dû prévoir, outre l’indicateur “appartenance de l’établissement à un [SPI]”, un indicateur “couverture publique existante” ». Ainsi, son argumentation doit être comprise en ce sens qu’elle soutient, en substance, que l’article 6, paragraphe 5, du règlement délégué viole le règlement no 806/2014, la directive 2014/59 et le principe d’égalité de traitement au motif qu’il n’a pas pris en compte lesdites garanties dans le cadre de la définition des « indicateurs de risque supplémentaires à déterminer par l’autorité de résolution », comme il l’a fait s’agissant de l’appartenance de l’établissement à un SPI.
142 Il convient, dès lors, de rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de précision de l’exception d’illégalité.
143 En ce qui concerne le bien-fondé de l’exception d’illégalité, en premier lieu, il convient de relever que, aux fins de la période de contribution 2019, ni le règlement no 806/2014 ni la directive 2014/59 n’excluaient, de manière générale, les banques de développement régionales, telles que la requérante, de l’obligation de verser des contributions ex ante, et ce malgré le fait qu’elles bénéficient de garanties publiques et indépendamment de la probabilité de leur résolution (voir points 81 à 86 ci-dessus).
144 En deuxième lieu, s’agissant de l’impact des garanties publiques, telles que celles dont bénéficie la requérante, sur l’adaptation des contributions ex ante en fonction du profil de risque des établissements, premièrement, il y a lieu de rappeler que la Commission disposait d’un large pouvoir d’appréciation aux fins d’adopter, en vertu de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59, les règles précisant la notion d’adaptation des contributions ex ante en fonction du profil de risque. Ainsi, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice du pouvoir d’appréciation octroyé à la Commission n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si celle-ci n’a pas manifestement dépassé les limites de ce pouvoir (voir points 98 et 99 ci-dessus).
145 Deuxièmement, il convient de rappeler que l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 prévoit huit éléments que la Commission doit prendre en compte aux fins d’une telle adaptation. Or, si « le fait que l’établissement appartient à un [SPI] » figure parmi ces éléments, tel n’est pas le cas s’agissant des garanties publiques telles que celles dont se prévaut la requérante. Ainsi, à la différence de l’appartenance de l’établissement à un SPI, la directive 2014/59 n’oblige pas la Commission à prendre en compte, en tant qu’élément distinct de la notion d’adaptation des contributions ex ante en fonction du profil de risque des établissements, les garanties publiques telles que celles dont bénéficie la requérante.
146 Troisièmement, une telle obligation ne peut pas être déduite de l’exigence imposée à la Commission de prendre en compte la probabilité qu’un établissement soit soumis à une procédure de résolution, comme cela est prévu par l’article 103, paragraphe 7, sous d), de la directive 2014/59. En effet, ainsi qu’il a été constaté au point 109 ci-dessus, rien dans l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 n’indique que la Commission est tenue d’accorder une importance prépondérante à la probabilité qu’un établissement soit soumis à une procédure de résolution. Ainsi, même à supposer que les garanties publiques, telles que celles dont se prévaut la requérante, contribuent à diminuer la probabilité de résolution, il ne saurait être considéré que la Commission avait l’obligation de prévoir un indicateur de risque autonome pour tenir compte spécifiquement du fait que certains établissements bénéficient de telles garanties.
147 Eu égard à ce qui précède, la requérante ne saurait soutenir que l’article 6, paragraphe 5, du règlement délégué 2015/63 est entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou qu’il dépasse manifestement les limites du pouvoir d’appréciation de la Commission du fait qu’il ne prévoit pas spécifiquement la prise en compte des garanties publiques telles que celles dont bénéficie la requérante.
148 Dès lors, il convient d’écarter la première branche du dixième moyen comme étant manifestement non fondée.
b) Sur la seconde branche, relative à l’exception d’illégalité de l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », du règlement délégué 2015/63
149 Selon la requérante, le mécanisme d’assignation des établissements aux bins, établi à l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », du règlement délégué 2015/63, viole la directive 2014/59, le principe d’alignement des contributions ex ante sur le profil de risque et le principe d’égalité de traitement. D’une part, cette assignation serait effectuée sur la base d’une comparaison du profil de risque de tous les établissements des États membres participants, ce qui pourrait aboutir à des résultats manifestement injustes. D’autre part, comme la méthode prévue par l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », dudit règlement délégué consiste à assigner, dans la mesure du possible, le même nombre d’établissements à chaque bin, elle serait susceptible de conduire à ce que des établissements présentant des indicateurs de risque bruts similaires soient traités de manière différente et des établissements présentant des indicateurs différents, de manière identique.
150 Ainsi, à titre d’exemple, il ressortirait de l’annexe II de la décision attaquée que, dans le cadre du sous-indicateur de risque « actifs pondérés en fonction du risque du marché, divisés par le total de l’actif » en ce qui concerne les établissements allemands, les bins 1 à 16 seraient occupés par des établissements présentant une valeur comprise entre 0 % et 0,00015 % et l’établissement possédant le profil de risque le plus élevé pour cet indicateur, avec une valeur d’environ 19,4 %, serait assigné au bin 17, à savoir au même bin que des établissements présentant une valeur beaucoup moins élevée. Par conséquent, des établissements avec un profil de risque complètement différent se retrouveraient classés dans le même bin.
151 Le CRU, soutenu par la Commission, fait valoir que la seconde branche du dixième moyen est irrecevable pour cause de tardiveté et qu’elle est en tout état de cause non fondée.
152 À cet égard, il convient de rappeler, d’une part, que la conformité d’une demande d’adaptation de la requête à l’article 86 du règlement de procédure participe de la recevabilité d’un recours et, d’autre part, que le juge de l’Union est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque cas d’espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter un moyen quant au fond, sans statuer préalablement sur sa recevabilité (voir arrêts du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, points 51 et 52, et du 18 octobre 2023, Belaz-upravljajusaja kompanija holdinga Belaz Holding/Conseil, T‑533/21, non publié, EU:T:2023:657, point 85 et jurisprudence citée).
153 En l’espèce, il y a lieu, dans un souci d’économie de la procédure et conformément à la jurisprudence rappelée au point 152 ci-dessus, d’examiner la seconde branche du dixième moyen invoquée par la requérante dans son mémoire en adaptation, sans statuer préalablement sur la recevabilité de cette branche. En effet, l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 185 à 220 de son arrêt du 20 décembre 2023, Landesbank Baden-Württemberg/CRU (T‑389/21, EU:T:2023:827), de sorte qu’elle doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.
154 En premier lieu, il convient d’examiner la compatibilité de l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », du règlement délégué 2015/63 avec le principe d’égalité de traitement, tel qu’il est consacré par l’article 20 de la Charte.
155 L’article 20 de la Charte consacre le principe d’égalité de traitement, lequel exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 3 février 2021, Fussl Modestraße Mayr, C‑555/19, EU:C:2021:89, point 95).
156 À cet égard, il y a lieu, tout d’abord, d’apprécier si les établissements visés par l’argumentation de la requérante se trouvent dans une situation comparable.
157 Selon une jurisprudence constante, le caractère comparable de situations différentes s’apprécie eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent. Ces éléments doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève cet acte (voir arrêt du 3 février 2021, Fussl Modestraße Mayr, C‑555/19, EU:C:2021:89, point 99 et jurisprudence citée).
158 Quant aux principes et aux objectifs du domaine dont relève le règlement délégué 2015/63, il convient de rappeler que la nature spécifique des contributions ex ante consiste, ainsi qu’il ressort des considérants 105 à 107 de la directive 2014/59 et du considérant 41 du règlement no 806/2014, à garantir, dans une logique d’ordre assurantiel, que le secteur financier procure des ressources financières suffisantes au MRU pour qu’il puisse remplir ses fonctions, tout en encourageant l’adoption, par les établissements concernés, de modes de fonctionnement moins risqués (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 113).
159 Il y a lieu de relever que, en application de l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », du règlement délégué 2015/63, il appartient au CRU de calculer, dans un premier temps, un nombre de bins afin de comparer les établissements eu égard aux différents indicateurs et sous-indicateurs de risque. Dans un deuxième temps, il incombe au CRU d’assigner, en principe, le même nombre d’établissements à chaque bin, en commençant par assigner au premier bin les établissements pour lesquels les valeurs de l’indicateur brut sont les plus faibles. Dans un troisième temps, il appartient au CRU d’assigner à tous les établissements figurant dans un bin donné le même score, dénommé « indicateur discrétisé », dont il doit tenir compte pour le reste du calcul de leur multiplicateur d’ajustement.
160 Il n’est pas exclu que l’application de cette méthode, dite « de binning » (regroupement), telle qu’instaurée par l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », du règlement délégué 2015/63, puisse aboutir, dans les faits, à des situations dans lesquelles des établissements ayant des valeurs pour un indicateur de risque donné qui sont proches de celles des établissements assignés au bin précédent sont pourtant assignés au bin suivant, contenant des établissements ayant des valeurs pour ce même indicateur de risque qui pourraient parfois être considérablement plus élevées. Cette conséquence découle de l’application de la règle prévue à l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », point 3, du règlement délégué 2015/63, selon laquelle le CRU assigne, en principe, le même nombre d’établissements à chaque bin.
161 Afin d’examiner si les établissements assignés au même bin, mais ayant des valeurs considérablement différentes les unes des autres pour le même indicateur de risque, se trouvent dans une situation comparable, il y a lieu de prendre en compte, au regard de la jurisprudence citée aux points 157 et 158 ci-dessus, les objectifs du MRU et, notamment, celui visant à encourager les établissements à adopter des modes de fonctionnement moins risqués.
162 Il convient de constater que, compte tenu du fait que l’un des objectifs principaux du MRU consiste à encourager les établissements concernés à suivre des modes de fonctionnement moins risqués, les établissements assignés au même bin mais ayant des valeurs considérablement différentes les unes des autres pour le même indicateur de risque, ne se trouvent pas dans des situations comparables, puisqu’ils ont des caractéristiques différentes s’agissant du degré de risque mesuré par cet indicateur.
163 Pourtant, ainsi qu’il découle du point 159 ci-dessus, ces établissements sont traités de manière égale, puisqu’ils sont assignés au même bin relatif audit indicateur de risque et, partant, se voient attribuer le même indicateur discrétisé, dont le CRU tiendra compte pour le calcul du multiplicateur d’ajustement.
164 Cela étant, lorsque des personnes se trouvant dans des situations différentes sont traitées de manière égale, le principe d’égalité de traitement n’est pas violé, pour autant qu’un tel traitement soit dûment justifié (voir arrêt du 7 mars 2017, RPO, C‑390/15, EU:C:2017:174, point 52 et jurisprudence citée).
165 Tel est le cas lorsque ce traitement est en rapport avec un objectif légalement admissible poursuivi par la mesure ayant pour effet d’instaurer ledit traitement et qu’elle est proportionnée à cet objectif (voir arrêt du 7 mars 2017, RPO, C‑390/15, EU:C:2017:174, point 53 et jurisprudence citée).
166 À cet égard, la Cour a reconnu la légitimité de l’objectif consistant, pour une institution de l’Union, à établir des règles générales susceptibles d’être facilement appliquées et aisément contrôlées par les autorités compétentes (voir, en ce sens, arrêts du 24 février 2015, Sopora, C‑512/13, EU:C:2015:108, point 33, et du 7 mars 2017, RPO, C‑390/15, EU:C:2017:174, point 60).
167 En l’espèce, il convient de relever que le règlement délégué 2015/63 est conforme à cet objectif.
168 En effet, le règlement délégué 2015/63 a prévu une méthode d’ajustement des contributions ex ante au profil de risque des établissements consistant à comparer leurs profils de risque sur la base de valeurs que ces établissements obtiennent pour une série d’indicateurs de risque.
169 La méthode de binning, telle que décrite au point 159 ci-dessus, permet au CRU de gérer de manière efficace un grand nombre de données dont il doit tenir compte pour effectuer la comparaison mentionnée au point 168 ci-dessus, tout en évitant, dans la mesure du possible, que la présence de valeurs dites extrêmes, c’est-à-dire présentant un grand écart par rapport à la moyenne, mène à des comparaisons dénaturées.
170 En effet, ainsi qu’il ressort des documents afférents à l’adoption du règlement délégué 2015/63, notamment du document « JRC technical work supporting Commission second level legislation on risk based contributions to the (single) resolution fund » [Étude technique du JRC au soutien de la législation de deuxième niveau de la Commission sur les contributions fondées sur les risques au fonds de résolution (unique), ci-après l’« étude technique du JRC »], l’un des objectifs de la méthode de binning est de prévoir une méthode simple pour comparer le grand nombre de données déclarées par les établissements dont la contribution ex ante est ajustée à leur profil de risque. En outre, cette méthode permet d’éviter que des établissements ayant des valeurs particulièrement négatives pour certains indicateurs de risque reçoivent néanmoins un score qui indique un profil de risque peu élevé pour cet indicateur, puisqu’il existe certains établissements ayant des valeurs extrêmes.
171 Ensuite, en ce qui concerne la proportionnalité de la méthode de binning au regard de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause, il ressort de la jurisprudence que la Commission jouit d’une large marge d’appréciation en ce qui concerne la mise en œuvre de l’article 103, paragraphe 7, de la directive 2014/59 (voir arrêt du 20 décembre 2023, Landesbank Baden-Württemberg/CRU, T‑389/21, EU:T:2023:827, points 105 à 111).
172 Dans ces conditions, et conformément à la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêts du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, points 80, 81 et 91 ; du 30 novembre 2022, Trasta Komercbanka e.a./BCE, T‑698/16, non publié, sous pourvoi, EU:T:2022:737, points 221 et 222 et jurisprudence citée, et du 21 décembre 2022, Firearms United Network e.a./Commission, T‑187/21, non publié, sous pourvoi, EU:T:2022:848, points 122 et 123 et jurisprudence citée), le contrôle du Tribunal du respect du principe de proportionnalité doit se limiter à examiner si la méthode de binning est manifestement inappropriée au regard de l’objectif que la Commission entend poursuivre, si elle ne va pas manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif ou si elle n’entraîne pas d’inconvénients manifestement disproportionnés au regard de l’objectif poursuivi.
173 S’agissant de la question de savoir si la méthode de binning permet d’atteindre l’objectif poursuivi, tel que ce dernier a été précisé aux points 169 et 170 ci-dessus, il convient d’observer que cette méthode est une méthode statistique reconnue, ainsi qu’il ressort, notamment, de l’étude technique du JRC. De même, ladite méthode emploie des critères objectifs pour la détermination des contributions ex ante, à savoir, notamment, une formule mathématique prévue à l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », point 2, du règlement délégué 2015/63.
174 En outre, la méthode de binning permet de comparer facilement les données d’un grand nombre d’établissements et de calculer d’une manière efficace et objective leurs contributions ex ante.
175 Dans ces conditions, cette méthode permet d’atteindre l’objectif poursuivi consistant à établir une méthode simple et aisément contrôlable pour comparer un grand nombre de données aux fins du calcul des contributions ex ante.
176 Par ailleurs, la requérante ne démontre pas que la méthode de binning dépasse manifestement les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de l’objectif poursuivi. En particulier, elle n’a pas démontré qu’une autre méthode de comparaison des profils de risque des établissements présenterait manifestement moins d’inconvénients pour ceux-ci que celle du binning, tout en permettant d’atteindre, d’une manière aussi efficace, ledit objectif.
177 Enfin, il est vrai que, comme cela est relevé au point 160 ci-dessus, cette méthode statistique pourrait avoir pour conséquence, dans les faits, que, dans certains cas, des établissements ayant des valeurs considérablement différentes pourraient néanmoins se retrouver dans le même bin, comme cela transparaît à l’annexe II de la décision attaquée. Cependant, une telle circonstance ne peut être considérée comme un inconvénient manifestement démesuré eu égard à l’objectif poursuivi par la réglementation en cause.
178 En effet, il convient de relever, premièrement, que l’ajustement des contributions ex ante ne peut se réaliser que dans la fourchette d’un coefficient compris entre 0,8 et 1,5, en vertu de l’article 9, paragraphe 3, du règlement délégué 2015/63. La contribution annuelle de base demeure ainsi l’élément prépondérant pour la détermination de la contribution ex ante au regard du profil de risque des établissements.
179 Deuxièmement, ainsi qu’il découle de l’étude empirique conduite préalablement à l’adoption du règlement délégué 2015/63, dont les résultats ont été résumés dans l’étude technique du JRC, le phénomène statistique identifié aux points 160 et 177 ci-dessus est circonscrit en ce qu’il tend à se produire surtout dans les derniers bins, et non dans la grande majorité des bins.
180 Troisièmement, il demeure constant que les établissements se trouvant dans ces derniers bins ont des valeurs plus élevées pour l’indicateur de risque concerné que les établissements assignés aux bins inférieurs.
181 Quatrièmement, la méthode de l’ajustement des contributions ex ante au profil de risque tient compte d’une multitude d’indicateurs de risque, ainsi qu’il ressort de l’article 6 du règlement délégué 2015/63. Un établissement est dès lors assigné, au total, à une multitude de bins en fonction de ses valeurs et de celles des autres établissements pour chaque indicateur de risque.
182 Or, ainsi qu’il ressort de l’étude technique du JRC mentionnée au point 179 ci-dessus, les établissements ont tendance à se retrouver dans d’autres bins pour différents indicateurs de risque. De ce fait, si un établissement se retrouve dans le dernier bin pour un indicateur de risque donné, et se voit ainsi mis sur un pied d’égalité avec des établissements ayant des valeurs considérablement plus élevées, il en va différemment, en règle générale, pour d’autres indicateurs de risque, cela permettant de procéder à une comparaison globale des établissements concernés.
183 Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas démontré que l’article 20 de la Charte et le principe de proportionnalité s’opposaient à l’utilisation de la méthode de binning.
184 En ce qui concerne, en deuxième lieu, le grief tiré de la violation d’un « principe d’alignement des contributions ex ante sur le profil de risque », il n’est pas nécessaire de se prononcer sur la question de savoir s’il existe, en droit de l’Union, un tel principe. Ce grief peut être compris en ce sens que la requérante reproche à la Commission, en réalité, d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a prévu la méthode de binning, puisque cette dernière empêcherait le CRU d’adapter, d’une manière appropriée, les contributions annuelles de base au profil de risque réel des établissements.
185 Or, au regard des considérations exposées aux points 173 à 183 ci-dessus, la requérante ne saurait prétendre que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a instauré la méthode de binning.
186 S’agissant, en troisième lieu, de la compatibilité de la méthode de binning avec la directive 2014/59, la requérante ne développe aucune argumentation autonome et ciblée concernant la violation de cette directive qui irait au-delà de l’argumentation examinée ci-dessus. À cet égard, la requérante fait uniquement référence à ladite directive en tant que source d’un principe selon lequel les contributions ex ante doivent être alignées sur le profil de risque des établissements. Dans ces conditions, il convient d’écarter ce grief pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 184 et 185 ci-dessus.
187 Partant, la seconde branche du dixième moyen doit être rejetée comme étant manifestement non fondée.
B. Sur les moyens portant sur la légalité de la décision attaquée
1. Sur les deuxième et troisième moyens, tirés d’une violation par la décision attaquée de l’article 41 de la Charte et de l’obligation de motivation en raison de l’absence de base juridique pour le remplacement, avec effet rétroactif, de la décision initiale
188 La requérante soutient, dans le cadre de son deuxième moyen, que la décision attaquée, en ce qu’elle remplace, avec effet rétroactif, la décision initiale, viole l’article 41 de la Charte, lu conjointement avec l’article 4 du code européen de bonne conduite administrative, le principe de l’État de droit et le principe de bonne administration, au motif qu’il n’existait pas de base juridique pour adopter la décision attaquée avec effet rétroactif. À cet égard, ni l’article 70, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 ni l’article 17, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63 ne constitueraient une telle base juridique.
189 En tout état de cause, le remplacement de la décision initiale avec effet rétroactif n’aurait pas été nécessaire dans un but d’intérêt général. En particulier, il n’existerait pas de risque avéré que l’absence d’un tel effet compromette l’objectif d’atteindre le niveau cible final. À cet égard, un éventuel déficit de financement du CRU pourrait être compensé par des contributions ex ante plus élevées au cours des années suivantes ou par une prolongation de la phase initiale au titre de l’article 69, paragraphe 4, du règlement no 806/2014. En outre, l’absence de caractère rétroactif de la décision attaquée ne procurerait pas à la requérante d’avantage concurrentiel déloyal par rapport aux autres établissements, étant donné qu’elle ne serait pas, en tant que banque de développement, en concurrence avec ces autres établissements.
190 Par ailleurs, par son troisième moyen, la requérante fait valoir que la décision attaquée viole l’obligation de motivation prescrite par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte, en ce qu’elle ne mentionne pas la base juridique sur laquelle le CRU s’est fondé pour adopter la décision attaquée avec effet rétroactif.
191 Le CRU conteste l’argumentation de la requérante.
192 Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 164 à 173 de son arrêt du 21 février 2024, NRW.Bank/CRU (T‑466/16 RENV, EU:T:2024:111). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.
193 La décision attaquée a été adoptée le 8 août 2022 et, conformément à ce que prévoit l’article 4 de son dispositif, elle a pris effet le 16 avril 2019, à savoir au moment de la prise d’effet de la décision initiale.
194 Aux considérants 191 à 198 de la décision attaquée, le CRU a exposé les raisons pour lesquelles il avait fixé les effets dans le temps de cette décision de la manière décrite au point 193 ci-dessus. Il a, notamment, précisé qu’il avait procédé ainsi afin de maintenir le titre juridique par lequel la contribution ex ante de la requérante pour 2019 avait été perçue en 2019 et de préserver la validité du paiement de cette contribution par la requérante.
195 Selon la jurisprudence, le principe de sécurité juridique s’oppose à ce que la portée d’un acte de l’Union dans le temps voie son point de départ fixé à une date antérieure à son adoption, sauf lorsque, à titre exceptionnel, le but à atteindre l’exige et la confiance légitime des intéressés est dûment respectée (voir, en ce sens, arrêts du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, EU:C:1990:391, point 45, et du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑471/11, EU:T:2014:739, point 102 et jurisprudence citée).
196 Il découle de cette jurisprudence que, lorsque les conditions que cette dernière mentionne sont remplies, le pouvoir des institutions, des organes et des organismes de l’Union d’adopter un acte avec effet rétroactif découle des principes généraux du droit de l’Union, sans qu’il soit subordonné à l’existence d’une base juridique explicite dans la réglementation concernée.
197 Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la requérante par son troisième moyen, le fait que la décision attaquée ne se réfère pas à une disposition explicite de la réglementation concernée conférant au CRU un tel pouvoir ne saurait constituer une violation de l’obligation de motivation.
198 Par ailleurs, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si la décision attaquée a une véritable portée rétroactive, ainsi que la requérante le fait valoir par son deuxième moyen, il convient de relever que les conditions mentionnées au point 195 ci-dessus sont, en tout état de cause, remplies en l’espèce.
199 En effet, d’une part, la requérante n’allègue pas que le caractère rétroactif de la décision attaquée méconnaît le principe de protection de la confiance légitime. Au demeurant, rien n’indique que la confiance légitime de la requérante ou celle de tiers n’a pas été dûment respectée dans les circonstances de l’espèce.
200 D’autre part, s’agissant de la question de savoir si les buts à atteindre par la décision attaquée exigeaient que cette dernière prenne effet à une date antérieure à la date de son adoption, il convient de tenir compte du contexte dans lequel cette décision a été prise.
201 Ainsi que cela découle des considérants 15 à 18 et 196 de la décision attaquée, cette dernière a été adoptée afin de remédier au défaut de motivation de la décision initiale, que le CRU a constaté à la suite de l’arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601), et des ordonnances du 3 mars 2022, CRU/Portigon et Commission (C‑664/20 P, non publiée, EU:C:2022:161), et du 3 mars 2022, CRU/Hypo Vorarlberg Bank (C‑663/20 P, non publiée, EU:C:2022:162), sans que la décision attaquée, cet arrêt ou ces ordonnances aient modifié la portée de l’obligation de la requérante de verser une contribution ex ante pour la période de contribution 2019, telle qu’elle avait été arrêtée par la décision initiale et telle qu’elle avait existé pour cette période de contribution.
202 En effet, le calcul de la contribution ex ante de la requérante pour ladite période de contribution ainsi que le montant de cette contribution étaient les mêmes tant dans la décision initiale que dans la décision attaquée. À cet égard, le CRU a, notamment, relevé, au considérant 20 de la décision attaquée, que cette dernière était adoptée « sur la base des données collectées, des hypothèses retenues, des mesures préparatoires prises et de la méthodologie appliquée dans le cadre de la procédure de 2019 ayant conduit à l’adoption de la [décision initiale] ». Ainsi, le seul élément nouveau introduit par la décision attaquée était une motivation plus étendue du calcul de la contribution ex ante de la requérante pour 2019.
203 Dans ces conditions particulières, si le CRU n’avait pas adopté la décision attaquée en lui donnant effet à compter de la date d’effet de la décision initiale, la décision attaquée n’aurait pas pu déployer ses effets pendant la période allant du 16 avril 2019 au 8 août 2022, au cours de laquelle la requérante aurait été dispensée de son obligation de verser une contribution ex ante pour la période de contribution 2019, alors qu’elle était soumise à cette obligation en vertu de l’article 2, de l’article 67, paragraphe 4, et des articles 69 et 70 du règlement no 806/2014. De même, au cours de cette période, le FRU aurait été privé, en méconnaissance de ces mêmes dispositions, des fonds provenant des contributions ex ante de la requérante, ce qui aurait porté atteinte à la mise en œuvre de la directive 2014/59, du règlement no 806/2014 et du règlement délégué 2015/63 (voir, par analogie, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, points 176 et 177).
204 Par conséquent, le fait d’adopter la décision attaquée avec effet à compter du 16 avril 2019 visait à assurer une concomitance entre l’applicabilité de la décision attaquée et le moment auquel l’obligation de la requérante de verser une contribution ex ante pour 2019 avait pris naissance et, ainsi, à éviter un résultat contraire à la réglementation applicable. Or, l’atteinte d’un tel but exigeait que cette décision voie son entrée en vigueur fixée à une date antérieure à celle de son adoption.
205 Eu égard à ce qui précède, il convient d’écarter les deuxième et troisième moyens comme manifestement non fondés.
2. Sur le quatrième moyen, tiré d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne le calcul de la contribution ex ante de la requérante
206 La requérante soutient que la décision attaquée n’est pas suffisamment motivée en ce qui concerne le calcul de sa contribution ex ante et qu’elle viole ainsi l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.
207 Le quatrième moyen se décompose, en substance, en quatre branches, tirées, la première, de l’absence de motivation individuelle de la décision attaquée, la deuxième, de l’absence de communication des données individuelles des autres établissements, la troisième, de l’insuffisance de motivation en ce qui concerne la constitution des bins et, la quatrième, du défaut de motivation s’agissant de la détermination du niveau cible annuel.
a) Observations liminaires
208 L’article 296, deuxième alinéa, TFUE dispose que les actes juridiques sont motivés. De même, le droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la Charte, prévoit l’obligation, pour les institutions, les organes et les organismes de l’Union, de motiver leurs décisions.
209 La motivation d’une décision d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union revêt une importance toute particulière, en tant qu’elle permet à l’intéressé de décider en pleine connaissance de cause s’il entend introduire un recours contre cette décision ainsi qu’à la juridiction compétente d’exercer son contrôle, et qu’elle constitue donc l’une des conditions de l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 103 et jurisprudence citée).
210 Une telle motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. À cet égard, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée et, en particulier, de l’intérêt que les personnes concernées par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 104 et jurisprudence citée).
211 Afin d’examiner si cette motivation est suffisante en ce qui concerne une décision fixant les contributions ex ante, premièrement, il convient de rappeler qu’il ne saurait être déduit de la jurisprudence de la Cour que la motivation de toute décision d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union mettant à la charge d’un opérateur privé le paiement d’une somme d’argent doit nécessairement comprendre l’intégralité des éléments permettant à son destinataire de vérifier l’exactitude du calcul du montant de cette somme d’argent (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 105 et jurisprudence citée).
212 Deuxièmement, les institutions, les organes et les organismes de l’Union sont, en principe, tenus, en application du principe de protection du secret des affaires, qui constitue un principe général du droit de l’Union, lequel est, notamment, concrétisé à l’article 339 TFUE, de ne pas révéler aux concurrents d’un opérateur privé des informations confidentielles fournies par celui-ci (voir arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 109 et jurisprudence citée).
213 Troisièmement, considérer que la motivation de la décision du CRU fixant des contributions ex ante doit nécessairement permettre aux établissements de vérifier l’exactitude du calcul de leur contribution ex ante impliquerait, nécessairement, d’interdire au législateur de l’Union d’instituer un mode de calcul de cette contribution intégrant des données dont le caractère confidentiel est protégé par le droit de l’Union et, partant, de réduire de manière excessive le large pouvoir d’appréciation dont doit disposer, à cette fin, ce législateur, en l’empêchant, notamment, d’opter pour une méthode susceptible d’assurer une adaptation dynamique du financement du FRU aux évolutions du secteur financier, par la prise en compte comparative, en particulier, de la situation financière de chaque établissement agréé sur le territoire d’un État membre participant (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 118).
214 Quatrièmement, s’il résulte de ce qui précède que l’obligation de motivation pesant sur le CRU doit être mise en balance, en raison de la logique du système de financement du FRU et du mode de calcul établi par le législateur de l’Union, avec l’obligation du CRU de respecter le secret des affaires des établissements concernés, il n’en demeure pas moins que cette dernière obligation ne doit pas être interprétée à ce point extensivement qu’elle vide l’obligation de motivation de sa substance (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 120).
215 Toutefois, il ne saurait être considéré, dans le cadre de la mise en balance de l’obligation de motivation avec le principe de protection du secret des affaires, que motiver une décision mettant à la charge d’un opérateur privé le paiement d’une somme d’argent sans lui fournir l’intégralité des éléments permettant de vérifier avec exactitude le calcul du montant de cette somme d’argent porte nécessairement, dans tous les cas, atteinte à la substance de l’obligation de motivation (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 121).
216 S’agissant de la décision du CRU fixant des contributions ex ante, l’obligation de motivation doit être considérée comme étant respectée lorsque les personnes concernées par cette décision, tout en ne se voyant pas transmettre de données couvertes par le secret des affaires, disposent de la méthode de calcul utilisée par le CRU et d’informations suffisantes pour comprendre, en substance, de quelle façon leur situation individuelle a été prise en compte, aux fins du calcul de leur contribution ex ante, au regard de la situation de l’ensemble des autres établissements concernés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 122).
217 Dans un tel cas, ces personnes sont, en effet, en mesure de vérifier si leur contribution ex ante a été fixée de manière arbitraire, en méconnaissant la réalité de leur situation économique ou en utilisant des données relatives au reste du secteur financier dépourvues de plausibilité. Lesdites personnes peuvent, dès lors, comprendre les justifications de la décision fixant leur contribution ex ante et évaluer s’il apparaît utile d’introduire un recours contre cette décision, de sorte qu’il serait excessif d’exiger du CRU qu’il communique chacun des éléments chiffrés sur lesquels s’appuie le calcul de la contribution ex ante de chaque établissement concerné (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 123).
218 Il résulte de ce qui précède que le CRU n’est pas, notamment, tenu de fournir à un établissement les données lui permettant de vérifier, de manière complète, l’exactitude de la valeur du multiplicateur d’ajustement, puisque cette vérification supposerait de disposer de données couvertes par le secret des affaires relatives à la situation économique de chacun des autres établissements concernés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 135).
219 En revanche, il incombe au CRU de publier ou de transmettre aux établissements concernés, sous une forme agrégée et anonymisée, les informations relatives à ces établissements, utilisées pour calculer cette contribution, dans la mesure où ces informations peuvent être communiquées sans porter atteinte au secret des affaires (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 166).
220 Parmi les informations devant ainsi être mises à la disposition des établissements figurent, notamment, les valeurs limites de chaque bin et celles des indicateurs de risque s’y rapportant, sur la base desquelles la contribution ex ante des établissements a été adaptée au profil de risque de ceux-ci (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 167).
221 C’est au regard de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante développés dans le cadre du quatrième moyen.
b) Sur la première branche portant sur l’absence de motivation individuelle de la décision attaquée
222 Selon la requérante, la décision attaquée viole l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, en ce qu’elle ne contient pas de motivation individuelle suffisante. Cette décision ne ferait aucune mention de la requérante et les annexes de ladite décision ne contiendraient pas un examen suffisamment concret de ses particularités individuelles.
223 Plus concrètement, la décision attaquée ne contiendrait pas de motivation suffisante en ce qui concerne la qualification des activités auxiliaires de développement de la requérante au regard de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63. En outre, l’exposé concernant cette question figurant à l’annexe IVc de la décision attaquée reposerait sur une mauvaise compréhension du concept d’« activités auxiliaires de développement ». De plus, cet exposé serait superficiel et se limiterait à la reproduction des dispositions du règlement délégué 2015/63 et à la simple négation du privilège des activités auxiliaires de développement pour la requérante et inclurait des arguments qui n’ont aucun rapport avec lesdites activités.
224 Enfin, la décision attaquée n’expliquerait pas les raisons pour lesquelles le CRU s’est écarté d’une pratique antérieure de l’autorité de résolution allemande qui appliquait, pour l’année de contribution 2015, l’article 5 paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 aux activités auxiliaires de développement de la requérante.
225 Le CRU conteste l’argumentation de la requérante.
226 Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 195 à 206 de son arrêt du 21 février 2024, NRW.Bank/CRU (T‑466/16 RENV, EU:T:2024:111). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.
227 En premier lieu, il convient de rappeler que, comme il a été déjà évoqué aux points 9 à 22 ci-dessus, la décision attaquée comporte, en ce qu’elle concerne la requérante, quatre parties distinctes. Ainsi, le corps de cette décision ainsi que les annexes II et III de celle-ci exposent des considérations et des éléments de calcul qui sont applicables à tous les établissements. Cependant, l’annexe I de la décision attaquée, intitulée « Détails du calcul (ajusté en fonction des risques) », et son annexe IVc, qui comprend une évaluation des observations faites par la requérante dans le cadre de la consultation menée par le CRU préalablement à l’adoption de la décision attaquée, contiennent des éléments de calcul et des motifs qui sont spécifiques à la contribution individuelle à verser au FRU par la requérante.
228 Dans ces conditions, la décision attaquée est suffisamment individualisée à l’égard de la requérante.
229 En deuxième lieu, en ce qui concerne le contenu concret de la décision attaquée, la requérante n’a identifié – outre l’assignation des établissements aux bins et l’insuffisance de motivation s’agissant de la détermination du niveau cible annuel qui seront examinées dans les deuxième et quatrième branche du présent moyen – qu’un seul élément qui ne serait pas suffisamment motivé, à savoir la non-application de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 à ses activités auxiliaires de développement.
230 Or, au considérant 49 de la décision attaquée, le CRU a indiqué qu’il s’était abstenu d’appliquer l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 à des passifs qui ne remplissaient pas toutes les conditions pour être exclus du calcul des contributions ex ante, lorsque l’interprétation permettant une telle exclusion aurait été incompatible avec le libellé de cette disposition. Le CRU a également précisé à ce même considérant que, étant donné le caractère dérogatoire de ladite disposition, cette dernière était d’interprétation stricte et ne devait pas être appliquée de manière extensive ou par analogie, ni en ce qui concernait son champ d’application « subjectif », c’est-à-dire au regard des établissements auxquels elle s’appliquait, ni en ce qui concernait son champ d’application « objectif », c’est-à-dire au regard des types de passifs pouvant bénéficier de l’exclusion du calcul des contributions ex ante.
231 Par ailleurs, aux points 18 à 21 de l’annexe IVc de la décision attaquée, le CRU a exposé les motifs pour lesquels il considérait que les activités auxiliaires de développement de la requérante ne relevaient pas de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63. Il a, notamment, précisé, au considérant 20 de cette annexe, que les activités auxiliaires de développement de la requérante ne pouvaient être assimilées à l’octroi de prêts de développement, dans la mesure où la requérante conduisait ces activités en tant qu’investisseur privé ou opérateur de marché ordinaire, et ce dans des conditions normales du marché. Il a relevé, à ce même point, que même si lesdites activités pouvaient profiter à l’activité de développement en augmentant le montant des fonds disponibles de la requérante, elles ne correspondaient pas directement à un prêt de développement accordé à un tiers. Le CRU a ainsi conclu que le montant des passifs liés aux activités auxiliaires de développement de la requérante ne correspondait pas directement aux prêts de développement accordés par celle-ci, comme l’exigeait l’article 5, paragraphe 1, point f), du règlement délégué 2015/63.
232 De tels éléments ont permis à la requérante d’identifier les motifs pour lesquels le CRU avait considéré que les passifs liés à ses activités auxiliaires de développement n’étaient pas exclus du calcul de sa contribution ex ante au titre de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63.
233 Dans ces conditions, rien ne permet d’affirmer que le CRU s’est limité à la reproduction des dispositions du règlement délégué 2015/63 ou à un simple refus d’application de l’article 5, paragraphe 1, sous f), de ce règlement délégué à la requérante ou qu’il a recouru à des arguments qui seraient sans aucun rapport avec les activités auxiliaires de développement de la requérante.
234 En troisième lieu, l’argument de la requérante tenant à la prétendue mauvaise compréhension par le CRU du concept d’« activités auxiliaires de développement » ne repose pas sur une violation de l’obligation de motivation, mais sur une contestation du bien-fondé des motifs pour lesquels le CRU n’a pas appliqué l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 auxdites activités de la requérante. Il en va de même de l’argument tendant à contester l’avis du CRU selon lequel de telles activités seraient concurrentielles et lucratives par leur nature même. Or, selon la jurisprudence, l’obligation de motivation est une question distincte de celle du bien-fondé des motifs de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2006, Ter Lembeek/Commission, T‑217/02, EU:T:2006:361, point 234).
235 En outre, si cette argumentation devait être comprise en ce sens que la requérante conteste le bien-fondé desdits motifs, celle-ci recouperait, en réalité, le huitième moyen, qui sera examiné aux points 335 à 338 ci-après.
236 En quatrième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel le CRU se serait écarté d’une pratique antérieure de l’autorité de résolution allemande qui consistait à appliquer, en 2015, l’article 5 paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 aux activités auxiliaires de développement de la requérante, il convient de préciser que la requérante conteste le seul manque de motivation concernant l’écart avec la pratique antérieure, sans invoquer de violation d’une autre règle de droit.
237 À cet égard, d’une part, il ressort des points 230 et 231 ci-dessus que le CRU a suffisamment exposé les motifs pour lesquels il avait considéré que les activités auxiliaires de développement de la requérante ne relevaient pas de l’exception prévue à l’article 5 paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63.
238 De tels éléments permettent à la requérante de comprendre les raisons ayant conduit le CRU à ne pas appliquer l’article 5 paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 à ses activités auxiliaires de développement pour l’année de contribution 2019, malgré ce qu’elle considère être une pratique antérieure différente de l’autorité de résolution allemande.
239 Enfin, au regard des considérations rappelées au point 210 ci-dessus, le CRU n’était pas tenu de se prononcer explicitement sur une évaluation effectuée pour un cycle de contribution différent par une autorité de résolution nationale.
240 Eu égard à ce qui précède, la première branche du quatrième moyen doit être écartée comme manifestement non fondée.
c) Sur la deuxième branche, portant sur l’absence de communication des données individuelles des autres établissements
241 La requérante soutient que la décision attaquée ne permet pas de vérifier si le calcul des contributions ex ante respecte la réglementation applicable. En outre, le détail des calculs figurant aux annexes I et II de cette décision ne permettrait pas de vérifier l’assignation de la requérante aux bins ni la fixation de sa contribution ex ante. En particulier, ladite décision aurait dû contenir les données individuelles des autres établissements, à tout le moins sous une forme anonymisée, sans lesquelles la requérante ne serait pas en mesure de vérifier son assignation aux bins. Ces données ne seraient pas couvertes par le secret d’affaires des établissements, car elles remonteraient désormais à cinq ans environ et auraient en partie déjà été rendues publiques.
242 Le CRU conteste l’argumentation de la requérante.
243 Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 212 à 215 de son arrêt du 21 février 2024, NRW.Bank/CRU (T‑466/16 RENV, EU:T:2024:111). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.
244 Au considérant 116 de la décision attaquée, le CRU a observé que « les secrets d’affaires des établissements – c’est-à-dire toutes les informations concernant l’activité professionnelle des établissements qui, en cas de divulgation à un concurrent et/ou à un public plus large, pourraient porter gravement atteinte aux intérêts des établissements, ainsi que les informations qui, si elles sont divulguées collectivement, peuvent indûment donner aux acteurs extérieurs un aperçu de la situation du secteur bancaire de l’[Union] dans une perspective de résolution – [étaient] considérés comme des informations confidentielles ». Il a ajouté que, « [d]ans le cadre du calcul des contributions ex ante […], les informations individuelles fournies par les établissements par l’intermédiaire de leurs formulaires de [déclaration] […], sur lesquelles [il] s’appu[yait] pour calculer leurs contributions ex ante, [étaient] considérées comme des secrets d’affaires ».
245 En outre, aux considérants 118, 120 et 121 de la décision attaquée, le CRU a relevé qu’il lui était interdit de divulguer « les points de données individuels des établissements, qui [étaient] essentiels dans le processus de calcul », alors qu’il était autorisé à divulguer « les points de données agrégés et communs des établissements, étant donné que ces données [étaient] au format collectif ». Cela étant, les établissements bénéficiaient, selon ladite décision, d’une « transparence totale sur le calcul de leur [contribution annuelle de base] et de leur multiplicateur d’ajustement » pour les étapes de calcul de cette contribution, telles qu’elles étaient définies à l’annexe I du règlement délégué 2015/63, qui portaient sur le « calcul des indicateurs bruts » (étape 1), le « rééchelonnement des indicateurs » (étape 3) et le « calcul de l’indicateur composite » (étape 5). En outre, les établissements étaient en mesure d’obtenir des « points de données communs utilisés indifféremment par le CRU pour tous les établissements ajustés en fonction de leur profil de risque » pour les étapes de calcul portant sur la « discrétisation des indicateurs » (étape 2), l’« intégration du signe affecté » (étape 4) et le « calcul des contributions annuelles » (étape 6).
246 Au considérant 122 de la décision attaquée, le CRU a ajouté que les « points de données individuels d[evaient] rester confidentiels, quel que soit leur âge ». Il a expliqué à cet égard, au considérant 124 de cette décision, que « [c]omme le modèle d’entreprise, les activités, le type de clientèle, etc. des banques [étaient] caractérisés par une stabilité à court et moyen terme, l’évaluation de la situation des établissements de l’[Union] dans une perspective de résolution, qui se refl[était] dans le calcul des contributions ex ante, tend[ait] également à rester stable ». Selon ce même considérant, « la position relative d’un établissement par rapport à ses pairs dans une perspective de résolution [pouvait] rester largement la même sur une période de plus de cinq ans ». Le CRU a conclu que « [s’il] [avait] divulgu[é] l’ensemble des données, les établissements et, éventuellement, d’autres acteurs du marché [auraient] dispos[é] d’un aperçu détaillé non seulement de chaque établissement, mais aussi du secteur bancaire européen au sens large ».
247 Il convient de rappeler que le principe même de la méthode de calcul des contributions ex ante, tel qu’il ressort de la directive 2014/59 et du règlement no 806/2014, implique l’utilisation, par le CRU, de données couvertes par le secret des affaires ne pouvant pas être reprises dans la motivation de la décision de fixation des contributions ex ante (arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU, C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 114).
248 En outre, il ressort de la jurisprudence citée aux points 208 à 220 ci-dessus que, contrairement à ce que prétend la requérante, le CRU n’était pas obligé de lui permettre de vérifier, de manière complète, la détermination du nombre de bins ni l’assignation des établissements à ces bins en lui fournissant les données individuelles des autres établissements, puisqu’une telle approche aurait impliqué de lui communiquer des données qui sont couvertes par le secret des affaires.
249 À cet égard, la requérante n’ayant pas apporté d’éléments de nature à remettre en cause la position du CRU selon laquelle les valeurs d’indicateurs bruts sont couvertes par le secret des affaires, elle ne saurait reprocher au CRU de ne pas les avoir divulguées aux établissements.
250 En effet, d’une part, la requérante se borne à soutenir que les données individuelles des établissements ont été « en partie déjà rendues publiques », sans préciser quelles catégories de données elle vise et sans étayer davantage ses propos.
251 D’autre part, s’agissant de l’argument de la requérante tiré du fait que les données individuelles des établissements « remontent désormais à cinq ans environ », il découle, certes, de la jurisprudence de la Cour que, lorsque les informations qui ont pu constituer des secrets d’affaires à une certaine époque datent de cinq ans ou plus, elles sont considérées, en principe, du fait de l’écoulement du temps, comme étant historiques et comme ayant perdu, de ce fait, leur caractère secret, à moins que, exceptionnellement, la partie qui se prévaut de ce caractère ne démontre que, en dépit de leur ancienneté, ces informations constituent encore des éléments essentiels de sa position commerciale ou de celles de tiers concernés (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2018, Baumeister, C‑15/16, EU:C:2018:464, point 54 et jurisprudence citée).
252 Néanmoins, ainsi qu’il ressort du considérant 28 de la décision attaquée, les données en cause dans la présente affaire sont basées sur les états financiers annuels approuvés disponibles au 31 décembre 2018, ces données se rapportant à l’exercice de référence de l’année 2017. Or, la requérante ne précise pas quelles données individuelles concrètes, qui ont été utilisées dans la décision attaquée, dateraient de plus de cinq ans au moment de l’adoption de cette décision, soit le 8 août 2022. En effet, elle se borne à affirmer que « les données pertinentes remontent désormais à cinq ans environ », sans étayer cette affirmation. Dans ces conditions, son argument doit être rejeté comme non étayé.
253 En tout état de cause, à supposer même que certaines de ces données datent de cinq ans ou plus, il convient de relever que, ainsi que le CRU l’a expliqué au considérant 124 de la décision attaquée sans être contesté sur ce point par la requérante, la position relative d’un établissement par rapport à celle de ses concurrents peut, dans la réalité économique du secteur bancaire, demeurer identique ou semblable pendant une période prolongée, allant au-delà de cinq ans. En effet, certains éléments, tels que le modèle commercial ou les activités d’un tel établissement, restent stables à court et à moyen terme, de sorte qu’un établissement présentant jadis un profil de risque élevé, au regard des données datant de plus de cinq ans, peut continuer à présenter un tel profil à la fin de la période initiale. Ainsi, indépendamment de leur ancienneté, ces informations constituent encore des éléments essentiels de la position commerciale des établissements de crédit. Dans ces conditions, si de telles données essentielles étaient divulguées à travers la motivation de la décision attaquée, les opérateurs économiques actifs dans le secteur bancaire pourraient se fonder sur elles afin d’en déduire la position commerciale actuelle d’un établissement (arrêt du 17 juillet 2024, Landesbank Baden-Württemberg/CRU, T‑142/22, EU:T:2024:487, point 248).
254 Partant, il convient de considérer que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 251 ci-dessus, le CRU a démontré que, en dépit de leur ancienneté, ces informations constituaient encore des éléments essentiels de la position commerciale des établissements de crédit.
255 Par ailleurs, si la remarque de la requérante concernant l’anonymisation des valeurs d’indicateurs bruts devait être comprise en ce sens qu’elle vise une situation où le nom de l’établissement serait remplacé par un pseudonyme, un tel procédé ne pourrait pas garantir que les établissements ne puissent pas être identifiés à partir des données ainsi communiquées. Il n’est effectivement pas exclu que certains établissements, même pseudonymisés, puissent néanmoins être identifiés en raison des données individuelles qui ont déjà été rendues publiques, notamment dans le cas des grands établissements et dans celui des États membres ne comptant que quelques établissements.
256 Eu égard à ce qui précède, la deuxième branche du quatrième moyen doit être écartée comme manifestement non fondée.
d) Sur la troisième branche, portant sur une insuffisance de motivation en ce qui concerne la constitution des bins
257 La requérante soutient que la décision attaquée n’explique pas pour quelle raison le nombre des établissements de chaque bin ainsi que le nombre total de bins varient d’un indicateur de risque à l’autre.
258 Le CRU conteste l’argumentation de la requérante.
259 Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 219 à 221 de son arrêt du 21 février 2024, NRW.Bank/CRU (T‑466/16 RENV, EU:T:2024:111). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.
260 En ce qui concerne le nombre de bins au sein de chaque indicateur de risque, le CRU calcule ce nombre selon les règles établies par l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », du règlement délégué 2015/63, auquel le CRU a renvoyé aux considérants 80, 115 et 141 de la décision attaquée, et, plus précisément, selon la formule prévue à l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », point 2, de ce même règlement délégué. Selon cette formule, le « nombre de bins » () pour chaque indicateur brut – à l’exception de l’indicateur « mesure dans laquelle l’établissement a déjà bénéficié d’un soutien financier public exceptionnel » – est calculé, notamment, sur la base du « nombre d’établissements contribuant au dispositif de financement pour la résolution pour lesquels l’indicateur est calculé » (N) et des valeurs d’indicateurs bruts en question (). Ainsi, le nombre de bins est susceptible de varier en fonction des données d’entrée saisies dans cette formule.
261 Dans ces conditions, la requérante a tort de soutenir que la décision attaquée n’a pas fourni d’explications en ce qui concernait les variations du nombre total de bins d’un indicateur de risque à l’autre.
262 De même, s’agissant du nombre inégal d’établissements affecté à chaque bin, le CRU a suffisamment expliqué, au considérant 143 de la décision attaquée, les motifs d’une telle répartition, en indiquant que celle-ci visait à éviter que des établissements présentant la même valeur pour un indicateur de risque brut soient assignés à des bins différents, de sorte que des établissements présentant la même valeur pour un tel indicateur ont été assignés au même bin, ce qui a pu conduire à ce qu’un nombre différent d’établissements soit affecté à chaque bin.
263 Eu égard à ce qui précède, la troisième branche du quatrième moyen doit être écartée comme manifestement non fondée.
e) Sur la quatrième branche, portant sur un défaut de motivation de la détermination du niveau cible annuel
264 Par la quatrième branche, soulevée par la requérante dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du 13 juin 2024, celle-ci soutient que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation en ce qui concerne la détermination du niveau cible annuel.
1) Sur la recevabilité
265 La requérante fait valoir que la présente branche est recevable, bien qu’elle ait été soulevée pour la première fois dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du 13 juin 2024. La motivation d’un acte attaqué devant être examinée d’office, la requérante serait libre de soulever ce point à tout stade de la procédure.
266 À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante qu’un défaut ou une insuffisance de motivation relève de la violation des formes substantielles, au sens de l’article 263 TFUE, et constitue un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être relevé d’office par le juge de l’Union (voir arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 34 et jurisprudence citée).
267 Il ressort également de la jurisprudence que, dans le cadre d’un recours en annulation, un moyen d’ordre public peut être invoqué par les parties à tout stade de la procédure, dès lors qu’un tel moyen peut, voire doit, être soulevé d’office par le juge (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 2019, Pshonka/Conseil, T‑285/18, non publié, EU:T:2019:512, point 55, et du 26 juin 2024, Paraskevaidis/Conseil et Commission, T‑698/21, EU:T:2024:425, points 35 et 36).
268 Il s’ensuit qu’un moyen tiré d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation qui a été invoqué par la requérante pour la première fois dans la réponse aux mesures d’organisation de la procédure doit être considéré comme recevable.
269 Par conséquent, la quatrième branche du quatrième moyen est recevable.
2) Sur le fond
270 Selon la requérante, la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation analogue à celui identifié par le Tribunal dans l’arrêt du 20 décembre 2023, Landesbank Baden-Württemberg/CRU (T‑389/21, EU:T:2023:827), en ce que cette décision n’expose pas la méthode réellement appliquée par le CRU pour déterminer le niveau cible annuel. En particulier, la décision attaquée n’expliquerait pas que cette méthode était fondée sur la prise en compte des moyens financiers disponibles dans le FRU et du niveau cible final pronostiqué.
271 Il convient de relever d’emblée que la motivation de la détermination du niveau cible annuel figurant aux considérants 52 à 75 de la décision attaquée est différente de celle contenue dans la décision qui a fait l’objet de l’arrêt du 20 décembre 2023, Landesbank Baden-Württemberg/CRU (T‑389/21, EU:T:2023:827), et que, contrairement aux circonstances de l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, rien n’indique dans la présente affaire que le CRU a appliqué une autre méthode de calcul du niveau cible annuel que celle exposée dans la décision attaquée.
272 À cet égard, il convient de rappeler, à titre liminaire, que, conformément à l’article 69, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, au terme de la période initiale, les moyens financiers disponibles dans le FRU doivent atteindre le niveau cible final, qui correspond à au moins 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.
273 Selon l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, au cours de la période initiale, les contributions ex ante doivent être réparties aussi uniformément que possible dans le temps jusqu’à ce que le niveau cible final mentionné au point 272 ci-dessus soit atteint, mais en tenant dûment compte de la phase du cycle d’activité et de l’incidence que les contributions procycliques peuvent avoir sur la position financière des établissements.
274 En ce qui concerne le mode de calcul des contributions ex ante, l’article 4, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 prévoit que le CRU détermine leur montant sur la base du niveau cible annuel, compte tenu du niveau cible final, et sur la base du montant moyen des dépôts couverts de l’année précédente, calculé trimestriellement, pour tous les établissements agréés sur le territoire de tous les États membres participants.
275 Le Tribunal a déjà jugé que les établissements redevables des contributions ex ante doivent pouvoir comprendre, à la lecture de la décision attaquée, au moins les principales étapes de la méthode de calcul du montant du niveau cible annuel pour la période de contribution concernée (arrêt du 21 février 2024, NRW.Bank/CRU, T‑466/16 RENV, EU:T:2024:111, points 280 à 283).
276 En l’espèce, ainsi qu’il ressort du considérant 75 de la décision attaquée, le CRU a fixé, pour la période de contribution 2019, le montant du niveau cible annuel à 8 313 090 248 euros.
277 Au considérant 54 de la décision attaquée, le CRU a rappelé avoir déterminé ce niveau cible compte tenu, notamment, du montant pronostiqué du niveau cible final, qui devait être atteint à la fin de la période initiale, ainsi que des moyens financiers déjà disponibles dans le FRU.
278 Le CRU a exposé la démarche suivie pour déterminer le niveau cible annuel aux considérants 56 à 74 de la décision attaquée.
279 Tout d’abord, le CRU a constaté, au considérant 56 de la décision attaquée, une tendance à la hausse des dépôts couverts pour tous les établissements des États membres participants pendant les années 2014 à 2018. Dans ce contexte, il a également noté que le montant moyen de ces dépôts, calculé trimestriellement, s’élevait pour l’année 2018 à 5,783 billions d’euros.
280 Ensuite, le CRU a exposé, aux considérants 57 à 60 de la décision attaquée, l’évolution pronostiquée des dépôts couverts pour les années restantes de la période initiale, à savoir pour les années 2019 à 2023. À cet égard, il s’est appuyé sur le taux de croissance des dépôts des ménages et des dépôts des sociétés non financières publié par la Banque centrale européenne (BCE) ainsi que sur ses propres observations s’agissant des taux de croissance des dépôts couverts dans les années 2015 à 2018.
281 En outre, le CRU a effectué, aux considérants 61 à 71 de la décision attaquée, une évaluation de la phase du cycle d’activités et de l’incidence procyclique potentielle que les contributions ex ante pourraient avoir sur la situation financière des établissements.
282 Au considérant 73 de la décision attaquée, le CRU a conclu que, compte tenu des éléments d’incertitude entourant la reprise économique et de leur incidence négative potentielle tant sur la croissance future pronostiquée des dépôts couverts que sur le cycle économique, ainsi que des séries limitées de données utilisées pour prévoir l’évolution future des dépôts couverts, il convenait d’adopter une « approche prudente » en ce qui concerne les taux de croissance pronostiqués des dépôts couverts au cours des années suivantes jusqu’en 2023 et de prendre 2,5 % comme taux de croissance pronostiqué des dépôts couverts pour le reste de la période initiale.
283 Au considérant 74 de la décision attaquée, le CRU a expliqué que, compte tenu du taux de croissance de 2,5 % appliqué aux futurs montants annuels des dépôts couverts calculés en moyenne trimestrielle, le niveau cible final du FRU devrait atteindre 65,3 milliards d’euros. En outre, le CRU a indiqué, au même considérant, avoir pris en compte le montant des moyens financiers déjà disponibles dans le FRU dès le début de 2019, soit 24,9 milliards d’euros.
284 À cet égard, le CRU a également précisé, à la note de bas de page n° 36 de la décision attaquée, que, afin de combler l’écart entre le montant disponible dans le FRU et le niveau cible final pronostiqué, qui représentait cinq années supplémentaires de croissance des dépôts couverts, supposée être de 2,5 % par an, il devait appliquer, pour chaque année restante de la période initiale, au moins un coefficient de 1,15 % à 1/8 du montant des dépôts couverts de chaque année précédente, calculé en moyenne trimestrielle. Selon cette même note de bas de page, cela permettrait aussi de prendre en compte la croissance des dépôts couverts au cours de la dernière année de la période initiale, à savoir 2023.
285 Enfin, au regard de ces considérations, le CRU a fixé, au considérant 75 de la décision attaquée, le niveau cible annuel à un huitième de 1,15 % des dépôts couverts de tous les établissements agréés dans les États membres participants en 2018, soit à 8 313 090 248 euros, conformément à la formule mathématique suivante (ci-après la « formule mathématique ») :
« Cible2019 [montant du niveau cible annuel] = 5 782 358 635 710 [Total dépôts couverts2018] * 0,0115 * ⅛ = EUR 8 313 090 248 ».
286 S’agissant du caractère suffisant de cette motivation, il ressort des points 276 à 285 ci-dessus, en premier lieu, que, aux fins de déterminer le niveau cible annuel, le CRU a précisé qu’il avait fixé le taux annuel de croissance des dépôts couverts jusqu’au terme de la période initiale au chiffre précis de 2,5 %, qu’il avait calculé, sur cette base, le montant du niveau cible final à 65,3 milliards d’euros et qu’il a déterminé le niveau cible annuel également en tenant compte du montant des moyens financiers déjà disponibles dans le FRU dès début 2019, soit 24,9 milliards d’euros.
287 En deuxième lieu, il s’avère que les considérants 53, 54, 74 et 75 ainsi que la note de bas de page n° 36 de la décision attaquée permettaient à tout opérateur économique averti comme la requérante de comprendre que le CRU a procédé aux deux opérations suivantes. Premièrement, comme cette note de bas de page précise que le CRU a appliqué le coefficient « afin de combler l’écart entre le montant [des moyens financiers dans le FRU] et le niveau cible pronostiqué », la requérante pouvait comprendre – contrairement à ce qu’elle a soutenu dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure du 13 juin 2024 – que le CRU a déduit du niveau cible final pronostiqué (65,3 milliards d’euros) les moyens financiers déjà disponibles dans le FRU (24,9 milliards d’euros) afin d’obtenir le montant à percevoir pendant les cinq périodes de contribution restantes, à savoir de 2019 à 2023. Deuxièmement, étant donné que les considérants 53 et 72 de la décision attaquée soulignent la nécessité de répartir, conformément à l’article 69, paragraphe 2, du règlement no 806/2014, les contributions ex ante aussi uniformément que possible dans le temps, la requérante pouvait également comprendre que le CRU a divisé en parts équivalentes le montant à percevoir pendant les cinq périodes de contribution restantes, afin d’obtenir le montant du niveau cible annuel pour la période de contribution 2019.
288 En troisième lieu, le CRU a exposé la formule mathématique, qui est composée du total des dépôts couverts en 2018, de la fraction de 1/8 et du coefficient (voir point 285 ci-dessus).
289 À cet égard, il ressort des considérants 54 et 75 de la décision attaquée que l’un des termes de la formule mathématique est le coefficient. Or, il résulte des considérants 53 et 54 et de la note de bas de page 36 de cette décision ainsi que du point 42 de l’annexe III de ladite décision que le CRU a fixé ce coefficient sur la base des éléments pris en compte dans le cadre des étapes mentionnées aux points 286 et 287ci-dessus. Ainsi, un opérateur économique averti, tel que la requérante, pouvait comprendre que, en intégrant ledit coefficient dans la formule mathématique et en l’appliquant aux autres termes de celle-ci, le CRU a fait en sorte que cette formule puisse aboutir au montant du niveau cible annuel, tel qu’il avait été obtenu en application des étapes évoquées aux points 286 et 287 ci-dessus.
290 Dans ce contexte, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel il existe une contradiction entre les notes de bas de page n° 30 et n° 36 de la décision attaquée au motif que la note de bas de page n° 30 affirmerait que la fixation d’un coefficient était nécessaire pour compenser la croissance des dépôts couverts, alors que la note de bas de page n° 36 indiquerait que ledit coefficient était nécessaire pour combler le déficit entre les moyens financiers déjà disponibles dans le FRU et le niveau cible final.
291 Selon la note de bas de page n° 30, « [si] les dépôts couverts ont augmenté et devraient continuer à augmenter au fil du temps, fixer le niveau cible annuel pour 2019 à 1/8 de 1 % du montant des dépôts couverts [de l’année précédente] ne suffirait pas pour atteindre le niveau cible final à la fin de la période initiale ».
292 Un tel constat se limite à indiquer que, compte tenu de la croissance pronostiquée des dépôts couverts au cours des années restantes de la période initiale, la fixation du niveau cible annuel pour 2019 à un huitième de 1 % du montant des dépôts couverts de l’année 2018 ne serait pas suffisante, de sorte qu’un coefficient d’une valeur supérieure à 1 % devait être fixé. Ainsi, la note de bas de page n° 30 ne se prononce pas sur les facteurs que le CRU a pris en compte pour déterminer la valeur exacte de ce coefficient.
293 Par conséquent, l’explication figurant à la note de bas de page n° 30 est cohérente avec le considérant 54 de la décision attaquée et la note de bas de page n° 36 de la décision attaquée, dont il découle que le coefficient reflète plusieurs facteurs – tels que le montant des moyens financiers disponibles dans le FRU – et que la valeur du coefficient a été fixée de manière à progressivement combler l’écart entre le montant des moyens financiers disponibles dans le FRU et le montant du niveau cible final pronostiqué (voir points 284 et 287 ci-dessus).
294 Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au CRU d’avoir omis d’exposer, dans la décision attaquée, les principales étapes de la méthode de calcul du montant du niveau cible annuel pour la période de contribution 2019.
295 Eu égard à ce qui précède, la quatrième branche du quatrième moyen doit être rejetée comme étant manifestement non fondée, et, avec elle, le quatrième moyen dans son ensemble.
3. Sur le sixième moyen, tiré d’une violation des « exigences générales de procédure » résultant de l’article 41 de la Charte, de l’article 298 TFUE, des principes généraux du droit et du règlement intérieur du CRU
296 La requérante soutient que la décision attaquée viole des « exigences générales de procédure » résultant de l’article 41 de la Charte, de l’article 298 TFUE, des principes généraux du droit et du règlement intérieur du CRU. Il n’aurait, notamment, pas été démontré que cette décision respectait la « durée minimale des procédures écrites » et la requérante serait dans l’impossibilité de le vérifier. Il ne serait pas non plus possible pour elle de vérifier si d’autres règles procédurales ont été respectées. Le Tribunal devrait, dès lors, procéder à une vérification d’office.
297 Le CRU fait valoir que ce moyen n’est pas étayé et doit être rejeté comme étant irrecevable pour défaut de précision.
298 Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 225 à 229 de son arrêt du 21 février 2024, NRW.Bank/CRU (T‑466/16 RENV, EU:T:2024:111). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.
299 D’une part, la requérante se borne à soutenir que la décision attaquée a violé des « exigences générales de procédure telles qu’elles résultent de l’article 41 de la Charte, de l’article 298 [TFUE], des principes généraux du droit et du règlement intérieur du CRU » au motif qu’il n’a pas été prouvé que cette décision avait respecté la « durée minimale des procédures écrites » et d’autres règles procédurales, sans pourtant développer d’argumentation pertinente à cet égard.
300 Dès lors, l’argumentation de la requérante ne répond pas aux exigences de la jurisprudence citée aux points 138 à 140 ci-dessus.
301 D’autre part, s’agissant de l’argument de la requérante visant à ce que le Tribunal exerce un contrôle d’office en ce qui concerne la violation des principes mentionnés au point 296, il suffit de relever que si cet argument devait être compris comme une demande de mesure d’organisation de la procédure, il ressort du point 299 ci-dessus que la requérante n’indique pas avec précision les raisons exactes de nature à justifier une telle demande, de sorte que cette demande ne répond pas, en tout état de cause, aux exigences de l’article 88, paragraphe 2, du règlement de procédure.
302 Dans ces conditions, il convient de rejeter le sixième moyen comme manifestement irrecevable.
4. Sur les premier et septième moyens, tirés d’une violation de l’article 41, paragraphes 1 et 2, sous a), de la Charte en raison du non-respect du droit d’être entendu
303 Dans le cadre des premier et septième moyens, qu’il convient d’examiner ensemble, la requérante soutient que la procédure de consultation menée par le CRU en vue de l’adoption de la décision attaquée afin de remplacer la décision initiale n’était pas conforme aux exigences du droit d’être entendu, consacré par l’article 41, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), de la Charte.
304 Le présent moyen s’articule autour de deux branches, tirées, la première, de l’insuffisance du délai pour soumettre des observations dans le cadre de cette procédure de consultation et, la seconde, du fait que la décision attaquée aurait été définitivement établie préalablement à ladite procédure.
a) Sur la première branche, portant sur l’insuffisance du délai pour soumettre des observations dans le cadre de la procédure de consultation
305 La requérante fait valoir que, eu égard à « la complexité de la procédure » et au volume des pièces communiquées par le CRU, le délai de dix jours ouvrés que ce dernier lui a accordé pour soumettre des observations préalablement à l’adoption de la décision attaquée n’était pas suffisamment long pour lui permettre d’effectuer un examen complet des pièces communiquées. En effet, le CRU aurait transmis à la requérante non seulement un projet de décision attaquée comportant 48 pages, mais également « diverses annexes » contenant des détails de calcul et des chiffres incompréhensibles.
306 Le CRU conteste l’argumentation de la requérante.
307 Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 235 à 243 de son arrêt du 21 février 2024, NRW.Bank/CRU (T‑466/16 RENV, EU:T:2024:111). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.
308 Le droit d’être entendu, consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir arrêt du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 87 et jurisprudence citée).
309 En l’espèce, préalablement à l’adoption de la décision attaquée, la BaFin a transmis à la requérante, le 21 juin 2022, une communication du CRU du 14 juin 2022, dans laquelle ce dernier avait fait part de son intention de retirer et de remplacer la décision initiale. Cette communication contenait un projet relatif à la nouvelle décision du CRU et à ses annexes I et II pour la période de contribution 2019. Dans ladite communication, le CRU a invité la requérante à soumettre, au plus tard le 5 juillet 2022, des observations sur les documents ainsi communiqués.
310 La requérante a soumis ses observations par une lettre du 5 juillet 2022 adressée à la BaFin.
311 Il est constant que la requérante s’est vu accorder un délai de dix jours ouvrés pour présenter ses observations.
312 En ce qui concerne le caractère suffisant de ce délai, premièrement, il convient de rappeler le contexte dans lequel s’inscrit la décision attaquée. Ainsi qu’il a été relevé aux points 201 et 202 ci-dessus, la décision attaquée a remplacé la décision initiale afin de remédier au défaut de motivation de celle-ci constaté par le CRU, étant entendu que le calcul de la contribution ex ante de la requérante pour la période de contribution 2019 ainsi que le montant de cette contribution étaient les mêmes dans la décision initiale et dans la décision attaquée. Ainsi, de nombreux éléments à la base de la décision attaquée, tels que la non-exclusion des passifs liés aux activités auxiliaires de développement de la requérante du calcul des passifs servant à déterminer sa contribution ex ante, étaient connus de la requérante dès l’adoption de la décision initiale, ce qui est d’ailleurs confirmé par les moyens soulevés par la requérante au stade de la requête.
313 Deuxièmement, bien que la requérante fasse valoir que la procédure de consultation menée par le CRU était complexe, elle n’explique pas en quoi consistait cette complexité. Notamment, elle ne fait pas référence à des incertitudes concrètes concernant le contenu des documents fournis dans le cadre de cette procédure ni à des difficultés pratiques qui l’auraient empêchée de soumettre ses observations dans le délai imparti.
314 Troisièmement, la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle s’appuie, pour démontrer le caractère insuffisamment long du délai de consultation, sur « le volume des pièces communiquées par le CRU ». En effet, sa référence aux « diverses annexes » fournies dans le cadre de la procédure de consultation doit être comprise comme visant les annexes I et II du projet de décision attaquée. Or, cette annexe I comportait trois pages, dont une page ne contenait qu’une liste de données communiquées par la requérante. Par ailleurs, bien que l’annexe II, quant à elle, comportait 125 pages, elle comprenait des données statistiques relatives au calcul des contributions ex ante pour chaque État membre participant sous une forme résumée et agrégée. Ainsi, ce n’était qu’une partie limitée de cette annexe qui était directement pertinente pour la requérante. Dans ces conditions, rien n’indique que le volume des documents communiqués par le CRU aurait empêché la requérante de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur le projet de décision attaquée dans le délai imparti.
315 Quatrièmement, il y a lieu d’ajouter que l’argumentation de la requérante figurant aux points 20, 21 et 23 de son mémoire en adaptation, qui vise à contester individuellement chacun des arguments invoqués par le CRU pour justifier le caractère suffisant du délai qu’il a accordé aux établissements, n’apporte aucun élément de nature à soutenir sa thèse selon laquelle la complexité de la procédure de consultation et le volume des pièces communiquées étaient tels que le délai de dix jours qui lui a été accordé était insuffisant.
316 Cinquièmement, la requérante ne saurait reprocher au CRU le fait qu’il a fixé, dans sa communication du 14 juin 2022, le début de la procédure de consultation au 22 juin 2022, soit une semaine après l’établissement de ladite communication. En effet, elle n’explique pas comment une telle circonstance l’a empêchée d’exercer de manière utile et effective son droit d’être entendue.
317 Eu égard à ce qui précède, rien ne permet de conclure que ce délai n’a pas permis à la requérante de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur le projet de décision attaquée.
318 Partant, la présente branche doit être rejetée comme manifestement non fondée.
b) Sur la deuxième branche, portant sur le fait que la décision attaquée aurait été définitivement établie préalablement à la procédure de consultation
319 La requérante soutient que le CRU a considéré la procédure de consultation comme une simple formalité, puisqu’il a initialement annoncé, préalablement à cette procédure, son intention d’adopter la décision attaquée au mois de juillet 2022, soit au plus tard 18 jours ouvrés après l’expiration du délai qui lui avait été accordé pour présenter des observations. Ainsi, la requérante n’aurait pas pu s’attendre à un examen sérieux par le CRU de ses observations, d’autant plus qu’un grand nombre d’établissements avaient été invités à présenter leurs observations. Il serait sans pertinence à cet égard que le CRU ait, par la suite, décidé de prévoir plus de 18 jours ouvrés après l’expiration de ce délai avant d’adopter cette décision.
320 Par ailleurs, dans les annexes III et IVc de la décision attaquée, le CRU ne traiterait les arguments de la requérante et des autres établissements que de manière partielle. Il ne résulterait pas de ces annexes que le CRU était effectivement disposé à revoir le projet de décision attaquée.
321 Le CRU conteste l’argumentation de la requérante.
322 Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 248 à 251 de son arrêt du 21 février 2024, NRW.Bank/CRU (T‑466/16 RENV, EU:T:2024:111). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.
323 Les circonstances mentionnées par la requérante, telles que le calendrier suivi par le CRU pour l’adoption de la décision attaquée et sa modification ultérieure, ne sont pas de nature à établir que celui-ci n’envisageait pas de prêter toute l’attention requise aux observations potentiellement soumises par la requérante. Les allégations que la requérante tire desdites circonstances sont en effet purement spéculatives.
324 Pour ce qui est, par ailleurs, de l’affirmation de la requérante selon laquelle ses observations n’ont été traitées que partiellement, la requérante n’a identifié aucune observation spécifique à laquelle le CRU n’aurait pas répondu.
325 À cet égard, la requérante s’est bornée à reprocher au CRU de n’avoir traité que « marginalement » ses arguments relatifs à l’exclusion du calcul des contributions ex ante des passifs liés aux activités auxiliaires de développement. Or, par ce grief, elle fait valoir, en réalité, un défaut de motivation de la décision attaquée, un tel grief ayant été rejeté aux points 230 à 233 ci-dessus.
326 En outre, dans la mesure où la requérante est en désaccord avec l’appréciation du CRU dans la décision attaquée, un tel désaccord ne saurait constituer une violation du droit d’être entendue de la requérante, mais relève de l’examen du bien-fondé d’une telle appréciation (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2015, Slovenská pošta/Commission, T‑556/08, non publié, EU:T:2015:189, point 89).
327 Enfin, la requérante ne saurait s’appuyer sur le point 31 de l’arrêt du 10 juillet 2001, Ismeri Europa/Cour des comptes (C‑315/99 P, EU:C:2001:391), dans lequel la Cour a constaté qu’une institution de l’Union était naturellement plus disposée à accueillir des commentaires avant d’avoir arrêté sa position définitive qu’après la publication de celle-ci, étant donné que l’acceptation du bien-fondé des critiques après publication l’obligerait à se déjuger en adoptant un rectificatif. En effet, dans la présente affaire, la requérante n’était pas invitée à soumettre des observations sur une position définitivement arrêtée du CRU, dont une modification aurait exigé un rectificatif, mais sur un projet de décision avant qu’une décision finale ne soit adoptée.
328 Dès lors, la présente branche doit être écartée comme manifestement non fondée et, avec elle, les premier et septième moyens dans leur ensemble.
5. Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation par la décision attaquée du droit à une protection juridictionnelle effective
329 La requérante soutient que les défauts de motivation exposés dans le cadre du quatrième moyen rendent significativement plus difficile pour elle l’exercice de son droit à une protection juridictionnelle effective. En effet, il lui serait pratiquement impossible de comprendre les motifs de la décision attaquée et, partant, d’élaborer les moyens de son recours. Cette décision violerait, dès lors, l’article 47 de la Charte et le principe du contradictoire.
330 Le CRU conteste l’argumentation de la requérante.
331 Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 255 et 256 de son arrêt du 21 février 2024, NRW.Bank/CRU (T‑466/16 RENV, EU:T:2024:111). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.
332 Il ressort de la jurisprudence qu’il n’y a pas lieu d’examiner un grief tiré d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective de manière autonome lorsque ce grief n’est pas appuyé par des arguments spécifiques, mais se borne à renvoyer aux arguments exposés dans le cadre des autres griefs (voir, en ce sens, arrêts du 22 septembre 2015, First Islamic Investment Bank/Conseil, T‑161/13, EU:T:2015:667, point 68, et du 27 juillet 2022, RT France/Conseil, T‑125/22, EU:T:2022:483, point 101).
333 Dans la présente affaire, la requérante invoque la violation du droit à une protection juridictionnelle effective, sans toutefois l’appuyer par des arguments spécifiques, en dehors de ceux qu’elle soulève dans le cadre de son quatrième moyen.
334 Partant, il convient de rejeter le cinquième moyen pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 206 à 263 ci-dessus dans le cadre de l’appréciation du quatrième moyen.
6. Sur le huitième moyen, tiré de l’illégalité de la décision attaquée au regard de l’article 3, point 28, et de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63
335 Dans le cadre de son huitième moyen, déjà soulevé, en substance, dans la requête, la requérante fait valoir que, en n’excluant pas les passifs liés à ses activités auxiliaires de développement du calcul de sa contribution ex ante, le CRU a erronément interprété le règlement délégué 2015/63, en particulier son article 3, point 28, et son article 5, paragraphe 1, sous f).
336 Le CRU conteste cette argumentation.
337 Au point 20 de l’annexe IVc de la décision attaquée, d’une part, le CRU a considéré que les activités auxiliaires de développement de la requérante ne pouvaient pas être assimilées à l’octroi de prêts de développement, car la requérante conduisait ces activités en tant qu’investisseur privé ou opérateur de marché ordinaire, et ce dans des conditions normales du marché. D’autre part, le CRU a relevé, dans le même point, que le montant des passifs liés aux activités auxiliaires de développement de la requérante ne correspondait pas directement aux prêts de développement accordés par celle-ci, comme l’exigeait l’article 5, paragraphe 1, point f), du règlement délégué 2015/63.
338 À cet égard, d’une part, il résulte des points 55 à 74 ci-dessus que c’est à juste titre que le CRU a considéré, dans le cadre du calcul de la contribution ex ante de la requérante pour la période de contribution 2019, que les activités auxiliaires de développement de cette dernière ne relevaient pas de la notion de « prêt de développement », telle que définie à l’article 3, point 28, du règlement délégué 2015/63, et que ses passifs liés auxdites activités ne devaient ainsi pas être exclus du calcul de sa contribution ex ante au titre de l’article 5, paragraphe 1, sous f), de ce règlement délégué (voir, par analogie, arrêt du 21 février 2024, NRW.Bank/CRU, T‑466/16 RENV, EU:T:2024:111, point 261).
339 D’autre part, la requérante ne saurait contester l’affirmation du CRU, figurant au point 20 de l’annexe IVc de la décision attaquée, selon laquelle son approche « est également conforme » aux règles relevant du cadre général de surveillance, telles que celles découlant des articles 416 et 425 du règlement no 575/2013. En effet, le CRU ne s’est référé à ces règles qu’à titre surabondant, et non afin d’en tirer des conséquences sur la portée à donner à l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63.
340 Par conséquent, il convient de rejeter le huitième moyen comme manifestement non fondé.
7. Sur le onzième moyen, tiré d’une violation des principes généraux du droit, en ce que la décision attaquée ne serait pas fondée sur les éléments de droit en vigueur à la date de son adoption
341 La requérante soutient que la décision attaquée viole l’exigence découlant des principes généraux du droit et de la jurisprudence selon laquelle un acte adopté par une institution de l’Union doit se fonder sur les éléments de droit en vigueur à la date de son adoption. Ainsi, le CRU aurait dû tenir compte, lors de l’adoption de la décision attaquée en 2022, du fait que, depuis l’adoption de la directive 2019/878, la requérante ne serait plus un établissement relevant du règlement no 806/2014, de sorte qu’elle ne serait plus obligée de verser des contributions ex ante. En effet, le remplacement de la décision initiale concernant la période de contribution 2019 par une nouvelle décision constituerait en réalité une simple adoption, en 2022, d’une nouvelle décision.
342 Le CRU conteste l’argumentation de la requérante.
343 Il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante est, en substance, identique à celle que le Tribunal a déjà rejetée aux points 265 à 269 de son arrêt du 21 février 2024, NRW.Bank/CRU (T‑466/16 RENV, EU:T:2024:111). Par conséquent, cette argumentation doit être écartée pour les mêmes motifs, ceux-ci étant les suivants.
344 Il ressort de la jurisprudence que le respect des principes gouvernant l’application de la loi dans le temps ainsi que les exigences relatives aux principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime imposent l’application des règles matérielles en vigueur à la date des faits en cause quand bien même ces règles ne sont plus en vigueur à la date de l’adoption d’un acte par l’institution, l’organe ou l’organisme de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2016, Commission/McBride e.a., C‑361/14 P, EU:C:2016:434, point 40 et jurisprudence citée).
345 Les dispositions régissant le versement des contributions ex ante sont fondées sur ces mêmes principes.
346 En l’espèce, la décision attaquée, bien qu’adoptée en 2022, fixe les contributions ex ante pour la période de contribution 2019 sur la base du niveau cible annuel fixé pour cette période.
347 Il convient de relever que, au titre de la période de contribution 2019, la requérante était un établissement au sens de l’article 2 et de l’article 3, paragraphe 1, point 13, du règlement no 806/2014, de sorte qu’elle constituait un établissement qui avait l’obligation de verser une contribution ex ante au titre de cette période, conformément à l’article 2, à l’article 67, paragraphe 4, et à l’article 70, paragraphe 1, du règlement no 806/2014.
348 Certes, la directive 2019/878, qui a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 7 juin 2019 et qui est entrée en vigueur le 27 juin 2019, a inclus le nom de la requérante dans la liste prévue à l’article 2, paragraphe 5, de la directive 2013/36, de sorte que la requérante a cessé de relever du champ d’application de cette dernière directive et, par voie de conséquence, du régime général de versement des contributions ex ante (voir points 82 et 83 ci-dessus).
349 Cependant, l’obligation pour la requérante de verser une contribution ex ante au titre de l’année 2019 n’est pas affectée par l’adoption de la directive 2019/878.
350 En effet, d’une part, aucune disposition de la directive 2019/878 ne prévoit l’exclusion ex tunc de la requérante du champ d’application personnel de l’obligation de verser des contributions ex ante.
351 D’autre part, l’article 12, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 prévoit qu’un changement de statut d’un établissement au cours de la période de contribution n’a pas d’effet sur la contribution annuelle due pour l’année en question.
352 L’exclusion d’un établissement du champ d’application du règlement no 806/2014 par la directive 2019/878, qui entraîne sa sortie du régime général de versement des contributions ex ante, doit être considérée comme un tel changement de statut (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2022, ABLV Bank/CRU, C‑202/21 P, EU:C:2022:734, points 81 à 84).
353 En l’espèce, la directive 2019/878 a été adoptée et est entrée en vigueur au cours de la période de contribution 2019, de sorte que la requérante a cessé de relever du régime général de versement des contributions ex ante au cours de cette même période.
354 Une telle exclusion de la requérante de ce régime n’a ainsi pas d’incidence sur son obligation de verser une contribution ex ante pour cette année de contribution.
355 Par conséquent, et conformément à la jurisprudence citée au point 344 ci-dessus, il n’y avait pas lieu pour le CRU de tenir compte de cette circonstance dans la décision attaquée aux fins de la fixation de la contribution ex ante pour 2019 de la requérante.
356 Eu égard à ce qui précède, le onzième moyen doit être écarté comme manifestement non fondé.
8. Sur le douzième moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’application de l’indicateur de risque « part des prêts et dépôts interbancaires dans l’Union européenne »
357 Dans le cadre de son douzième moyen, soulevé dans la requête, la requérante fait valoir que, lors du calcul de l’indicateur de risque « part des prêts et dépôts interbancaires dans l’Union européenne », prévu à l’article 6, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63, le CRU a méconnu le principe de l’alignement des contributions ex ante sur le profil de risque des établissements, tel qu’il résulterait du règlement délégué 2015/63 et du règlement no 806/2014, lorsqu’il a classé la requérante dans le bin le plus risqué pour cet indicateur de risque.
358 En effet, une grande partie des prêts et des dépôts interbancaires de la requérante résulteraient de l’activité de transfert, c’est-à-dire du transfert de fonds qu’elle a précédemment reçus d’un organisme public en vue d’être versés à l’emprunteur final. Cette activité de transfert serait dénuée de tout risque et ne pourrait pas influencer la stabilité du système financier ou de l’économie. Le CRU aurait ainsi dû ajuster le montant des prêts et des dépôts interbancaires de la requérante en déduisant de ce montant ses créances et ses engagements liés à l’activité de transfert.
359 En outre, le CRU aurait été tenu d’ajuster le montant des prêts et dépôts interbancaires de la requérante de la manière décrite au point 358 ci-dessus afin de préserver le traitement privilégié des passifs liés aux prêts de développement prévu par l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63 et d’assurer un traitement cohérent des prêts de développement dans le cadre de la méthode de calcul fixée par ce règlement délégué.
360 Il en irait d’autant plus ainsi que plusieurs indicateurs de risque pris en compte dans le cadre de la méthode de calcul prévue par le règlement délégué 2015/63 prévoiraient des ajustements similaires.
361 Dans ces conditions, le CRU aurait dû tenir compte des particularités du modèle d’entreprise de la requérante dans le calcul de l’indicateur de risque « part des prêts et dépôts interbancaires dans l’Union européenne », afin de refléter le fait qu’elle n’est pas exposée au risque.
362 Le CRU soutient que l’argumentation de la requérante est vague et ambiguë et devrait par conséquent être déclarée irrecevable. En tout état de cause, elle serait non fondée.
363 S’agissant de la recevabilité du présent moyen, l’argumentation de la requérante est suffisamment claire, si bien que ce moyen est recevable.
364 Sur le fond, premièrement, il convient de rappeler que le règlement délégué 2015/63 définit, à son annexe I, sous le titre « Étape 1 », les « prêts et dépôts interbancaires » qui sont pris en compte aux fins de la détermination de l’indicateur de risque « part des prêts et dépôts interbancaires dans l’Union européenne » prévu à l’article 6, paragraphe 4, de ce règlement délégué.
365 Or, la requérante ne conteste pas que le CRU a calculé cet indicateur de risque sur la base du montant des prêts et des dépôts interbancaires de la requérante qui a été déterminé conformément à la définition visée au point 364 ci-dessus. En tout état de cause, elle n’a soumis au Tribunal aucun élément concret qui viserait à démontrer que le montant des prêts et dépôts interbancaires pris en compte dans le calcul de sa contribution ex ante a été fixé en méconnaissance de cette définition.
366 Deuxièmement, rien dans le règlement délégué 2015/63 n’indique que le CRU pouvait effectuer un ajustement du montant des prêts et des dépôts interbancaires qui est déclaré par un établissement conformément à la définition prévue par l’annexe I, sous le titre « Étape 1 », du règlement délégué 2015/63.
367 À cet égard, d’une part, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 6, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63, l’indicateur de risque « part des prêts et dépôts interbancaires dans l’Union européenne » fait partie du pilier de risque « importance de l’établissement pour la stabilité du système financier ou de l’économie » et qu’il doit refléter l’« importance de l’établissement dans l’économie de l’État membre d’établissement ».
368 Ainsi, ce n’est pas la situation individuelle d’un établissement que ledit indicateur prend en considération, mais plutôt l’interconnexion de celui-ci avec les autres établissements.
369 D’autre part, aucune disposition du règlement délégué 2015/63 ne permet au CRU de tenir compte des particularités du modèle d’entreprise d’un établissement, tel que la requérante, lors de l’application de l’indicateur de risque « part des prêts et dépôts interbancaires dans l’Union européenne ».
370 Troisièmement, la requérante n’a pas contesté la légalité de l’article 6, paragraphe 4, du règlement délégué 2015/63 au motif qu’il ne permettait pas au CRU de tenir compte des particularités du modèle d’entreprise d’un établissement, tel que la requérante, lors de l’application de l’indicateur de risque « part des prêts et dépôts interbancaires dans l’Union européenne ».
371 Dans ces conditions, le CRU n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’il a classé la requérante dans un bin de l’indicateur de risque « part des prêts et dépôts interbancaires dans l’Union européenne » sans tenir compte des garanties publiques dont elle bénéficie ou de la prétendue faible probabilité qu’elle fasse l’objet d’une résolution.
372 Par conséquent, le douzième moyen doit être écarté comme étant manifestement non fondé.
9. Sur le treizième moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 2, du règlement d’exécution 2015/81
373 Dans le cadre de son treizième moyen, soulevé dans la requête, la requérante fait valoir que le CRU a violé l’article 8, paragraphe 2, du règlement d’exécution 2015/81 en ce qu’il n’a pas suffisamment tenu compte, lors du calcul de la contribution ex ante pour la période de contribution 2019, de la contribution versée par la requérante en 2015 à la Bundesanstalt für Finanzmarktstabilisierung (Autorité fédérale de stabilisation des marchés financiers, Allemagne) et transférée au FRU conformément à l’article 3 de l’accord intergouvernemental concernant le transfert et la mutualisation des contributions au FRU, signé à Bruxelles le 21 mai 2014. À la suite de l’entrée en vigueur de la directive 2019/878, la requérante ne serait plus un établissement relevant du règlement no 806/2014, de sorte que la période de contribution 2019 serait la dernière pour laquelle elle devait verser une contribution ex ante. Ainsi, le CRU aurait dû déduire de sa contribution ex ante pour 2019 la somme correspondant à la contribution qu’elle avait versée en 2015, moins les montants déjà déduits lors du calcul de ses contributions ex ante pour les périodes de contribution précédentes (ci-après la « partie restante de la contribution pour 2015 »).
374 Le CRU conteste l’argumentation de la requérante.
375 Il ressort du considérant 162 de la décision attaquée et de la page 3 de l’annexe I de la décision attaquée que le CRU a déduit du montant de la contribution ex ante pour 2019, qui était due par la requérante, un huitième de la contribution qu’elle avait versée en 2015.
376 À la suite de l’entrée en vigueur, le 27 juin 2019, de la directive 2019/878, la requérante a cessé de relever du régime général de versement des contributions ex ante, de sorte que la période de contribution 2019 était la dernière pour laquelle elle devait verser ces contributions (voir point 348 ci-dessus).
377 Cependant, comme cela a été relevé au point 354 ci-dessus, il découle de l’article 12, paragraphe 2, du règlement délégué 2015/63 que l’exclusion de la requérante du régime général de versement des contributions ex ante, qui est survenue au cours de la période de contribution 2019, n’a pas d’incidence sur le montant de sa contribution ex ante au titre de cette période de contribution.
378 Par conséquent, l’exclusion de la requérante de ce régime n’était pas susceptible d’affecter le calcul de sa contribution ex ante au titre de la période de contribution 2019.
379 En outre, et en tout état de cause, il ressort de l’article 70, paragraphe 4, du règlement no 806/2014 qu’un établissement qui cesse de relever du régime général de versement des contributions ex ante au cours de la période initiale n’a pas le droit de se voir rembourser une partie de la contribution ex ante qu’il avait dûment versée au titre de la période de contribution 2015 (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2022, ABLV Bank/CRU, C‑202/21 P, EU:C:2022:734, points 54 et 156). Dans cette même logique, un établissement n’a pas le droit à la déduction intégrale de la partie restante de la contribution pour 2015 lors du calcul de sa contribution ex ante pour l’année qui s’avère être la dernière au titre de laquelle cet établissement verse une telle contribution, comme c’est le cas en l’espèce.
380 Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au CRU de ne pas avoir déduit de la contribution ex ante de la requérante pour 2019 la partie restante de la contribution pour 2015.
381 Eu égard à ce qui précède, le treizième moyen doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.
C. Conclusion
382 Aucun des moyens invoqués par la requérante n’étant fondé, il convient de rejeter le recours dans son ensemble comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit.
V. Sur les dépens
383 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le CRU, conformément aux conclusions de ce dernier.
384 Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, la Commission supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie)
ordonne :
1) Le recours est rejeté.
2) NRW.Bank supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de résolution unique.
3) La Commission européenne supportera ses propres dépens.
Fait à Luxembourg, le 11 mars 2025.
Le greffier |
Le président |
T. Henze, greffier adjoint |
A. Kornezov |
Table des matières
I. Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du présent recours
II. Décision attaquée
III. Conclusions des parties
IV. En droit
A. Sur les exceptions d’illégalité de l’article 5, paragraphe 1, sous f), de l’article 6, paragraphe 5, ainsi que de l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », du règlement délégué 2015/63
1. Sur le neuvième moyen, tiré de l’exception d’illégalité de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63
a) Observations liminaires
b) Sur la portée de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63
c) Sur la légalité de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63
1) Sur la première branche, tirée de la violation de l’objectif d’allègement des budgets publics
2) Sur la deuxième branche, tirée de la méconnaissance du principe d’alignement des contributions ex ante sur le profil de risque
3) Sur la troisième branche, tirée de la violation du principe d’égalité de traitement
2. Sur le dixième moyen, tiré des exceptions d’illégalité de l’article 6, paragraphe 5, et de l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », du règlement délégué 2015/63
a) Sur la première branche, relative à l’exception d’illégalité de l’article 6, paragraphe 5, du règlement délégué 2015/63
b) Sur la seconde branche, relative à l’exception d’illégalité de l’annexe I, sous le titre « Étape 2 », du règlement délégué 2015/63
B. Sur les moyens portant sur la légalité de la décision attaquée
1. Sur les deuxième et troisième moyens, tirés d’une violation par la décision attaquée de l’article 41 de la Charte et de l’obligation de motivation en raison de l’absence de base juridique pour le remplacement, avec effet rétroactif, de la décision initiale
2. Sur le quatrième moyen, tiré d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne le calcul de la contribution ex ante de la requérante
a) Observations liminaires
b) Sur la première branche portant sur l’absence de motivation individuelle de la décision attaquée
c) Sur la deuxième branche, portant sur l’absence de communication des données individuelles des autres établissements
d) Sur la troisième branche, portant sur une insuffisance de motivation en ce qui concerne la constitution des bins
e) Sur la quatrième branche, portant sur un défaut de motivation de la détermination du niveau cible annuel
1) Sur la recevabilité
2) Sur le fond
3. Sur le sixième moyen, tiré d’une violation des « exigences générales de procédure » résultant de l’article 41 de la Charte, de l’article 298 TFUE, des principes généraux du droit et du règlement intérieur du CRU
4. Sur les premier et septième moyens, tirés d’une violation de l’article 41, paragraphes 1 et 2, sous a), de la Charte en raison du non-respect du droit d’être entendu
a) Sur la première branche, portant sur l’insuffisance du délai pour soumettre des observations dans le cadre de la procédure de consultation
b) Sur la deuxième branche, portant sur le fait que la décision attaquée aurait été définitivement établie préalablement à la procédure de consultation
5. Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation par la décision attaquée du droit à une protection juridictionnelle effective
6. Sur le huitième moyen, tiré de l’illégalité de la décision attaquée au regard de l’article 3, point 28, et de l’article 5, paragraphe 1, sous f), du règlement délégué 2015/63
7. Sur le onzième moyen, tiré d’une violation des principes généraux du droit, en ce que la décision attaquée ne serait pas fondée sur les éléments de droit en vigueur à la date de son adoption
8. Sur le douzième moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’application de l’indicateur de risque « part des prêts et dépôts interbancaires dans l’Union européenne »
9. Sur le treizième moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 2, du règlement d’exécution 2015/81
C. Conclusion
V. Sur les dépens
* Langue de procédure : l’allemand.