CELEX:62024TO0595(01): Ordonanța președintelui Tribunalului din 27 februarie 2025.#Capgemini España, SL și UniSystems Luxembourg Sàrl împotriva Oficiului Uniunii Europene pentru Proprietate Intelectuală.#Cauza T-595/24 R.
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Redacția Lex24 |
Publicat in TUE : Jurisprudență, 04/07/2025 |
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Informatii
Data documentului: 27/02/2025Emitent: TUE
Formă: TUE : Jurisprudență
Stat sau organizație la originea cererii: Spania, Luxemburg
Procedura
Solicitant: Persoană fizicăPârât: Oficiul Uniunii Europene pentru Proprietate Intelectuală, Instituţii şi organisme ale UE
ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
27 février 2025 (*)
« Référé – Marchés publics de services – Prestations de services de conseil – Demande de mesures provisoires – Défaut d’urgence »
Dans l’affaire T‑595/24 R,
Capgemini España SL, établie à Madrid (Espagne),
UniSystems Luxembourg Sàrl, établie à Bertrange (Luxembourg),
représentées par Mes T. Dal Farra et E. Caupert, avocats,
parties requérantes,
contre
Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mmes A. Lukošiūtė, M. A. Asensio Murciano et R. Modesto Damião, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
vu l’ordonnance du 26 novembre 2024, Capgemini España et UniSystems Luxembourg/EUIPO (T‑595/24 R, non publiée),
rend la présente
Ordonnance
1 Par leur demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE, les requérantes, Capgemini España SL et UniSystems Luxembourg Sàrl, sollicitent, en substance, le sursis à l’exécution de la décision de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 6 novembre 2024 d’attribuer le contrat‑cadre portant la référence EUIPO/2024/OP/0007 aux trois soumissionnaires retenus, le sursis à l’exécution de la décision du 18 novembre 2024 de rejeter implicitement leur réclamation (ci‑après, pris ensemble, les « actes attaqués »), la suspension de la signature dudit contrat‑cadre et, dans l’hypothèse où celui-ci aurait déjà été signé, qu’il soit sursis à l’exécution de ce contrat.
Antécédents du litige et conclusions des parties
2 Le 29 avril 2024, par un avis de marché publié au supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2024, S 84), l’EUIPO a lancé l’appel d’offres portant la référence EUIPO/2024/OP/0007 pour la signature de trois contrats‑cadres relatifs à des prestations de services de conseil dans les domaines du conseil général, de l’audit, des études et de la gestion de projets.
3 Le point 2 de l’annexe I du cahier des charges de la procédure d’appel d’offres précise que l’objet de cet appel d’offres est d’attribuer des contrats‑cadres qui seront mis en œuvre en partie par le mécanisme de la cascade, pour une part estimée à 91 % du marché, et en partie par le mécanisme de la réouverture, pour une part estimée à 9 % du marché, avec un maximum de trois contractants.
4 Le 3 juin 2024, le groupement formé par les requérantes a déposé une offre dans le cadre de la procédure d’appel d’offres.
5 Le 6 novembre 2024, l’EUIPO a attribué les contrats‑cadres pour cette procédure d’appel d’offres et a informé les requérantes que leur offre avait été classée en troisième position dans la liste des soumissionnaires retenus. Il a également communiqué aux requérantes son intention de signer un contrat‑cadre avec elles à l’expiration du délai d’attente de dix jours.
6 Le 16 novembre 2024, les requérantes ont adressé à l’EUIPO une lettre contestant la décision du 6 novembre 2024 attribuant les contrats‑cadres et demandant un réexamen des résultats de l’évaluation de la procédure d’appel d’offres.
7 Le 18 novembre 2024, l’EUIPO a accusé réception de la lettre du 16 novembre 2024.
8 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 novembre 2024, les requérantes ont introduit un recours tendant notamment à l’annulation des actes attaqués.
9 Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, les requérantes ont introduit la présente demande en référé, dans laquelle elles concluent à ce qu’il plaise au président du Tribunal :
– ordonner la suspension de la signature du contrat‑cadre ;
– ordonner le sursis à l’exécution des actes attaqués ;
– ordonner, dans l’hypothèse où le contrat‑cadre aurait déjà été signé, le sursis à l’exécution de ce contrat ;
– enjoindre à l’EUIPO de réexaminer leur offre sans commettre les irrégularités constatées ;
– condamner l’EUIPO aux dépens.
10 Le 28 novembre 2024, tous les soumissionnaires retenus, y compris les requérantes, ont été informés par l’EUIPO de la suspension de la signature du contrat à la suite de l’ordonnance du 26 novembre 2024, Capgemini España et UniSystems Luxembourg/EUIPO (T‑595/24 R, non publiée).
11 Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 10 décembre 2024, l’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :
– rejeter la demande en référé ;
– condamner les requérantes aux dépens.
En droit
Considérations générales
12 Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 156 du règlement de procédure du Tribunal. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union européenne bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 12).
13 L’article 156, paragraphe 4, première phrase, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».
14 Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision dans l’affaire principale. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 et jurisprudence citée).
15 Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [voir ordonnance du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 23 et jurisprudence citée].
16 Compte tenu des éléments du dossier, le président du Tribunal estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.
17 Dans les circonstances du cas d’espèce, et sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la recevabilité du chef de conclusions des requérantes tendant à ce que le président du Tribunal enjoigne à l’EUIPO de réexaminer leur offre, tel qu’invoquée par l’EUIPO, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.
Sur la condition relative à l’urgence
18 Afin de vérifier si les mesures provisoires demandées sont urgentes, il convient de rappeler que la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par le juge de l’Union. C’est pour atteindre cet objectif que l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au fond, sans avoir à subir un préjudice de cette nature. S’il est exact que, pour établir l’existence de ce préjudice, il n’est pas nécessaire d’exiger que la survenance et l’imminence de celui-ci soient établies avec une certitude absolue et qu’il suffit que ledit préjudice soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant, il n’en reste pas moins que la partie qui sollicite une mesure provisoire demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel préjudice [voir ordonnance du 16 juillet 2021, Symrise/ECHA, C‑282/21 P(R), non publiée, EU:C:2021:631, point 40 et jurisprudence citée].
19 Néanmoins, compte tenu des impératifs découlant de la protection juridictionnelle effective qui doit être garantie en matière de marchés publics, il y a lieu de considérer que, lorsque le soumissionnaire évincé parvient à démontrer l’existence d’un fumus boni juris particulièrement sérieux, il ne saurait être exigé de sa part qu’il établisse que le rejet de sa demande en référé risquerait de lui causer un préjudice irréparable, sous peine qu’il soit porté une atteinte excessive et injustifiée à la protection juridictionnelle effective dont il bénéficie au titre de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne [ordonnance du 1er décembre 2021, Inivos et Inivos/Commission, C‑471/21 P(R), EU:C:2021:984, point 65].
20 Il ressort, en outre, de la jurisprudence que cet assouplissement des conditions applicables pour apprécier l’existence de l’urgence, justifié par le droit à un recours juridictionnel effectif, ne s’applique toutefois que pendant la phase précontractuelle, pour autant que le délai de suspension de dix jours, prévu à l’article 175, paragraphe 3, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1), soit respecté [ordonnance du 1er décembre 2021, Inivos et Inivos/Commission, C‑471/21 P(R), EU:C:2021:984, point 66].
21 En l’espèce, il y a lieu de constater que les requérantes ont introduit la demande en référé après la clôture de l’appel d’offres et avant la signature du marché, c’est‑à‑dire pendant la phase précontractuelle.
22 Par conséquent, si les requérantes parvenaient à démontrer l’existence d’un fumus boni juris particulièrement sérieux, il leur suffirait d’établir la gravité du préjudice qui serait causé par l’absence de sursis à l’exécution pour que la condition relative à l’urgence soit remplie, conformément à la jurisprudence citée au point 19 ci‑dessus.
23 Partant, il convient d’analyser si les requérantes ont établi que la conclusion du contrat de marché engendrerait pour elles un préjudice grave.
24 En premier lieu, les requérantes allèguent que, en classant leur offre en troisième position, la décision du 6 novembre 2024 d’attribuer les contrats‑cadres les prive de parts de marché substantielles, ce qui aura pour effet de leur causer un important préjudice économique, étant donné que, en raison du dispositif de cascade prévu par le contrat‑cadre, l’essentiel des marchés subséquents et les bons de commande nécessaires à l’exécution de ce contrat‑cadre seront attribués par l’EUIPO aux sociétés classées en première et deuxième positions.
25 Il en découle, selon les requérantes, que, en raison de leur classement en troisième position, elles n’exécuteront qu’une part infime des prestations objet du contrat-cadre, voire aucune.
26 Cette situation porterait un grave préjudice à la situation économique des requérantes, puisque celle‑ci aurait nécessairement pour effet de les priver de très importantes recettes, comme l’illustrerait le contrat‑cadre précédent, dans lequel les requérantes, qui avaient été classées en première position, ont perçu des revenus importants. En effet, une société appartenant au groupe auquel appartient l’une des requérantes aurait perçu un revenu de 34,1 millions d’euros, l’équivalent de 18 % de son chiffre d’affaires sur cette période, alors que 11 % de ses salariés auraient eu vocation à être affectés à l’exécution de ce contrat‑cadre.
27 En second lieu, les requérantes allèguent que la décision du 6 novembre 2024 d’attribuer les contrats‑cadres porte gravement atteinte à leur réputation. Le fait d’être classé en troisième position, après avoir été précédemment classé en première position, suggère, selon les requérantes, aux partenaires économiques existants et potentiels, que leurs services ne sont plus satisfaisants. Pour les requérantes, cette perception pourrait dissuader les futurs partenaires économiques de contracter avec elles.
28 L’EUIPO conteste les arguments des requérantes.
29 À cet égard, en premier lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel leur classement en troisième position est susceptible de porter un préjudice grave à leur situation économique, il y a lieu de relever que la nature du préjudice allégué est d’ordre purement financier.
30 S’agissant de la gravité du préjudice financier invoqué, il est de jurisprudence constante que l’analyse de la gravité d’un tel préjudice doit s’effectuer au regard, notamment, de la taille et du chiffre d’affaires de l’entreprise ainsi que des caractéristiques du groupe auquel elle appartient (voir ordonnance du 21 janvier 2019, Agrochem‑Maks/Commission, T‑574/18 R, EU:T:2019:25, point 34 et jurisprudence citée).
31 À cet effet, il est de jurisprudence constante que le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des preuves documentaires détaillées et certifiées, qui démontrent la situation dans laquelle se trouve la partie sollicitant les mesures provisoires et permettent d’apprécier les conséquences qui résulteraient vraisemblablement de l’absence des mesures demandées. Il s’ensuit que ladite partie, notamment lorsqu’elle invoque la survenance d’un préjudice de nature financière, doit, en principe, produire, pièces à l’appui, une image fidèle et globale de sa situation financière (voir ordonnance du 10 juillet 2018, Synergy Hellas/Commission, T‑244/18 R, non publiée, EU:T:2018:422, point 27 et jurisprudence citée).
32 En effet, les indications établissant une telle image fidèle et globale doivent être étayées par des documents détaillés, certifiés par un expert indépendant et extérieur à la partie requérante, permettant d’apprécier la véracité desdites indications (voir, en ce sens, ordonnance du 8 mai 2012, Investigación y Desarrollo en Soluciones y Servicios IT/Commission, T‑134/12 R, non publiée, EU:T:2012:225, point 16 et jurisprudence citée).
33 Enfin, l’article 156, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement de procédure prévoit expressément qu’une demande en référé doit contenir toutes les preuves et offres de preuve disponibles, destinées à justifier l’octroi des mesures provisoires sollicitées.
34 En l’espèce, il importe de constater que les requérantes n’ont fourni aucune indication concrète et précise, étayée par des preuves documentaires détaillées et certifiées par un expert indépendant et extérieur à elles, conformément aux exigences de la jurisprudence citée aux points 31 et 32 ci‑dessus, qui démontrerait leur situation financière et permettrait d’apprécier les conséquences qui résulteraient vraisemblablement de l’absence des mesures demandées. Elles se contentent d’avancer, de façon assez laconique, de simples affirmations générales, qui ne sont étayées par aucun élément de preuve permettant de conclure à l’existence d’un préjudice grave.
35 S’agissant, en particulier, du document intitulé « Justificatif de la perte estimée » figurant aux annexes A.13 et A.14 de la demande en référé et citées par les requérantes dans ce contexte, outre le fait qu’il n’explicite nullement la situation financière actuelle de ces dernières et de l’ensemble du groupe auquel celles‑ci appartiennent, ce justificatif ne satisfait pas au critère formel établi par la jurisprudence citée au point 32 ci‑dessus, dans la mesure où il a été établi par les requérantes elles‑mêmes.
36 En tout état de cause, force est de constater que le nombre de salariés concernés par le contrat‑cadre précédent, qui représentent, selon les requérantes, 11 % du total des employés de Capgemini Invent Spain, se rapporte uniquement à l’unité opérationnelle Capgemini Invent Spain et non à l’ensemble de la société Capgemini España, voire à l’ensemble du groupe auquel celle‑ci appartient. De même, le volume des recettes engendrées pendant l’exécution du contrat‑cadre précédent, avancé par les requérantes, représenterait 18 % des revenus totaux de Capgemini Invent Spain sur la période allant de 2021 à 2024 et non de l’ensemble du groupe auquel celle‑ci appartient.
37 Il découle de ce qui précède que les requérantes ne sont pas parvenues à démontrer que le préjudice financier allégué pouvait effectivement être considéré comme grave pour l’ensemble du groupe auquel elles appartiennent.
38 En deuxième lieu, s’agissant du manque à gagner que les requérantes subiraient en raison des actes attaqués, il y a lieu de rappeler que le préjudice invoqué par les requérantes serait subi à l’occasion d’une procédure d’appel d’offres pour l’attribution d’un marché public. Or, une telle procédure a pour objet de permettre à l’autorité concernée de choisir, parmi plusieurs offres concurrentes, celle qui lui paraît la plus conforme aux critères de sélection prédéterminés, ladite autorité disposant, à cet effet, d’un large pouvoir d’appréciation. Une entreprise qui participe à une telle procédure n’a, dès lors, jamais la garantie absolue que le marché lui sera adjugé, mais doit toujours tenir compte de l’éventualité de son attribution à un autre soumissionnaire (voir ordonnance du 15 octobre 2015, Ahrend Furniture/Commission, T‑482/15 R, non publiée, EU:T:2015:782, point 110 et jurisprudence citée).
39 Dans ces conditions, les conséquences financières négatives, pour le soumissionnaire évincé, qui découleraient du rejet de son offre font, en principe, partie du risque commercial habituel auquel chaque entreprise active sur le marché doit faire face. Ainsi, le seul fait que le rejet d’une offre puisse avoir des conséquences financières négatives, même considérables, pour le soumissionnaire évincé ne saurait donc justifier, en soi, les mesures provisoires demandées par ce dernier (voir, en ce sens, ordonnance du 6 décembre 2022, Westpole Belgium/Parlement, T‑640/22 R, non publiée, EU:T:2022:771, point 41).
40 En troisième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel, en raison du dispositif de cascade prévu par le contrat‑cadre, l’essentiel des marchés subséquents et les bons de commande nécessaires à l’exécution du contrat‑cadre seront attribués par l’EUIPO aux sociétés classées en première et deuxième positions, il convient d’observer que, selon une jurisprudence bien établie, il n’y a urgence que si le préjudice grave redouté par la partie qui sollicite les mesures provisoires est imminent à tel point que sa réalisation est prévisible avec un degré de probabilité suffisant. Cette partie demeure, en tout état de cause, tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel préjudice, étant entendu qu’un préjudice de nature purement hypothétique, en ce qu’il est fondé sur la survenance d’événements futurs et incertains, ne saurait justifier l’octroi de mesures provisoires (voir ordonnance du 11 novembre 2022, Belaruskali/Conseil, T‑528/22 R, non publiée, EU:T:2022:709, point 30 et jurisprudence citée).
41 De plus, quant aux indices tirés de la procédure d’appel d’offres précédente, présentés par les requérantes, ils n’ont manifestement pas de pertinence dans le cadre du présent litige, puisque chaque procédure comporte ses propres caractéristiques (voir, en ce sens, arrêt du 14 juin 2023, Instituto Cervantes/Commission, T‑376/21, sous pourvoi, EU:T:2023:331, point 206).
42 Il en découle que, en l’espèce, l’argument des requérantes selon lequel l’essentiel des marchés et les bons de commande nécessaires à l’exécution du contrat‑cadre seront attribués par l’EUIPO aux sociétés classées en première et deuxième positions ne peut établir l’urgence. En effet, le préjudice allégué est de nature purement théorique, en ce qu’il est fondé sur la survenance d’événements futurs et incertains et, dès lors, n’est pas susceptible de justifier l’octroi de mesures provisoires, conformément à la jurisprudence citée au point 40 ci‑dessus.
43 En quatrième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes concernant l’atteinte à leur réputation, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’éventuel sursis à l’exécution d’un acte ne pourrait réparer le préjudice à la réputation, à le supposer établi, et pour l’essentiel concrétisé (voir, en ce sens, ordonnance du 17 février 2017, Janssen‑Cases/Commission, T‑688/16 R, non publiée, EU:T:2017:107, point 20 et jurisprudence citée).
44 La finalité d’une procédure de référé ne consiste pas à assurer la réparation d’un préjudice qui s’est déjà réalisé (ordonnance du 8 mai 2024, Lattanzio KIBS e.a./Commission, T‑113/24 R, non publiée, EU:T:2024:306, point 24), un tel préjudice ne pouvant plus être évité par l’octroi des mesures provisoires sollicitées.
45 À supposer que la réputation des requérantes soit effectivement compromise par les actes attaqués, il est de jurisprudence bien établie que leur annulation au terme de la procédure principale constituerait une réparation suffisante du préjudice moral allégué [voir, en ce sens, ordonnances du 25 mars 1999, Willeme/Commission, C‑65/99 P(R), EU:C:1999:176, points 14, 61 et 62 ; du 22 juillet 2010, H/Conseil e.a., T‑271/10 R, non publiée, EU:T:2010:315, point 36, et du 18 novembre 2011, EMA/Commission, T‑116/11 R, non publiée, EU:T:2011:681, point 21].
46 Il y a lieu, dans ce contexte, d’ajouter que, en tout état de cause, selon une jurisprudence bien établie, la participation à une soumission publique, par nature hautement compétitive, implique forcément des risques pour tous les participants, et l’élimination d’un soumissionnaire, en vertu des règles de la soumission, n’a, en soi, rien de préjudiciable et ne saurait donc être considérée, en principe, comme une atteinte à sa réputation (voir ordonnance du 31 janvier 2005, Capgemini Nederland/Commission, T‑447/04 R, EU:T:2005:27, point 103 et jurisprudence citée). Lorsqu’une entreprise a été illégalement écartée d’une procédure d’appel d’offres, il existe d’autant moins de raisons de penser qu’elle risque de subir une atteinte grave à sa réputation que, d’une part, son exclusion est sans lien avec ses compétences et, d’autre part, l’arrêt d’annulation qui s’ensuivra permettra en principe de rétablir une éventuelle atteinte à sa réputation (voir ordonnance du 23 janvier 2009, Unity OSG FZE/Conseil et EUPOL Afghanistan, T‑511/08 R, non publiée, EU:T:2009:16, point 39 et jurisprudence citée).
47 Il résulte de tout ce qui précède que la présente demande en référé doit être rejetée, à défaut, pour les requérantes, d’établir l’urgence, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le fumus boni juris, ni de procéder à la mise en balance des intérêts.
48 La présente ordonnance venant clore la procédure de référé, il y a lieu de rapporter l’ordonnance du 26 novembre 2024, Capgemini España et UniSystems Luxembourg/EUIPO (T‑595/24 R, non publiée), adoptée sur le fondement de l’article 157, paragraphe 2, du règlement de procédure, en vertu de laquelle il a été ordonné à l’EUIPO de surseoir à l’exécution de la décision du 6 novembre 2024 d’attribuer le contrat‑cadre portant la référence EUIPO/2024/OP/0007 à ses trois titulaires, jusqu’à la date de l’ordonnance mettant fin à la présente procédure de référé.
49 En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.
Par ces motifs,
LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL
ordonne :
1) La demande en référé est rejetée.
2) L’ordonnance du 26 novembre 2024, Capgemini España et UniSystems Luxembourg/EUIPO (T‑595/24 R, non publiée), est rapportée.
3) Les dépens sont réservés.
Fait à Luxembourg, le 27 février 2025.
Le greffier |
Le président |
V. Di Bucci |
M. van der Woude |
* Langue de procédure : le français.