CELEX:62024CO0201: Ordonanța Curții (Camera a șasea) din 28 aprilie 2025.#A.En. Slovensko s.r.o. împotriva Úrad pre vybrané hospodárske subjekty și a Finančné riaditeľstvo Slovenskej republiky.#Cerere de decizie preliminară formulată de Najvyšší správny súd Slovenskej republiky.#Cauza C-201/24.
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Redacția Lex24 |
Publicat in CJUE: Decizii, 14/07/2025 |
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Informatii
Data documentului: 28/04/2025Emitent: CJCE
Formă: CJUE: Decizii
Stat sau organizație la originea cererii: Slovacia
Procedura
Tribunal naţional: *A9* Najvyšší správny súd Slovenskej republiky, Uznesenie zo dňa 29/02/2024 (ECL1:SK:NSSSR:2O24:1019201134.1)ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)
28 avril 2025 (*)
« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Régime fiscal commun applicable aux sociétés – Directive 2009/133/CE – Réglementation nationale imposant un prélèvement spécial sur les plus-values résultant d’un apport d’actifs entre sociétés établies dans le même État membre – Article 4, paragraphe 1, et article 9 – Exigence de non-imposition des plus-values résultant d’un apport d’actifs – Situation purement interne – Compétence de la Cour »
Dans l’affaire C‑201/24,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Najvyšší správny súd Slovenskej republiky (Cour administrative suprême de la République slovaque), par décision du 29 février 2024, parvenue à la Cour le 13 mars 2024, dans la procédure
A.En. Slovensko s.r.o.
contre
Úrad pre vybrané hospodárske subjekty,
Finančné riaditeľstvo Slovenskej republiky,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. A. Kumin, président de chambre, Mme I. Ziemele (rapporteure) et M. S. Gervasoni, juges,
avocat général : M. A. Rantos,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour le Finančné riaditeľstvo Slovenskej republiky, par M. J. Kiss,
– pour le gouvernement slovaque, par Mme E. V. Larišová et M. A. Lukáčik, en qualité d’agents,
– pour la Commission européenne, par MM. A. Ferrand, R. Lindenthal et W. Roels, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 9 de la directive 2009/133/CE du Conseil, du 19 octobre 2009, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents, ainsi qu’au transfert du siège statutaire d’une SE ou d’une SCE d’un État membre à un autre (JO 2009, L 310, p. 34).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant A.En. Slovensko s.r.o. à l’Úrad pre vybrané hospodárske subjekty (administration fiscale pour certains assujettis, République slovaque) et au Finančné riaditeľstvo Slovenskej republiky (direction des finances de la République slovaque) (ci-après, ensemble, l’« administration fiscale ») au sujet de l’application d’un prélèvement spécial aux plus-values résultant des apports en nature effectués par A.En. Slovensko au profit de certaines de ses filiales, établies en Slovaquie.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 2009/133
3 L’article 1er de la directive 2009/133 prévoit :
« Chaque État membre applique la présente directive aux opérations suivantes :
a) opérations de fusion, de scission, de scission partielle, d’apport d’actifs et d’échange d’actions qui concernent des sociétés de deux ou plusieurs États membres ;
[…] »
4 L’article 4 de cette directive énonce, à son paragraphe 1 :
« La fusion, la scission ou la scission partielle n’entraîne aucune imposition des plus-values qui sont déterminées par la différence entre la valeur réelle des éléments d’actif et de passif transférés et leur valeur fiscale. »
5 Aux termes de l’article 9 de ladite directive, les articles 4, 5 et 6 de celle-ci s’appliquent aux apports d’actifs.
Le règlement de procédure de la Cour
6 L’article 53 du règlement de procédure de la Cour prévoit, à son paragraphe 2 :
« Lorsque la Cour est manifestement incompétente pour connaître d’une affaire ou lorsqu’une demande ou une requête est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure. »
7 L’article 94 de ce règlement dispose :
« Outre le texte des questions posées à la Cour à titre préjudiciel, la demande de décision préjudicielle contient :
a) un exposé sommaire de l’objet du litige ainsi que des faits pertinents, tels qu’ils ont été constatés par la juridiction de renvoi ou, à tout le moins, un exposé des données factuelles sur lesquelles les questions sont fondées ;
b) la teneur des dispositions nationales susceptibles de s’appliquer en l’espèce et, le cas échéant, la jurisprudence nationale pertinente ;
c) l’exposé des raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la législation nationale applicable au litige au principal. »
Le droit slovaque
8 Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, du zákon č. 235/2012 Z. z. o osobitnom odvode z podnikania v regulovaných odvetviach a o zmene a doplnení niektorých zákonov (loi no 235/2012 instituant un prélèvement spécial sur les revenus des entreprises réalisés dans les secteurs réglementés et complétant et modifiant certaines lois), dans sa version pertinente pour le litige au principal (ci-après la « loi sur le prélèvement spécial ») :
« Par entité réglementée, on entend toute personne ou succursale d’une société étrangère, qui :
a) est autorisée à exercer son activité dans le domaine :
1) de l’énergie sur le fondement d’une autorisation délivrée par l’[Úrad pre reguláciu sieťových odvetví (autorité de régulation des industries de réseau, Slovaquie)] en vertu d’une réglementation spéciale,
[…] ;
b) considère que l’activité exercée dans le domaine visé au point a) le sera pendant toute la période de prélèvement […]
[…] »
9 L’article 5, paragraphe 1, de cette loi prévoit :
« Le montant de l’assiette du prélèvement correspond au résultat réalisé au titre de l’exercice comptable au cours duquel l’entité règlementée est autorisée à exercer l’activité visée à l’article 3, paragraphe 1, sous a), multiplié par le coefficient visé au paragraphe 5 ; ce montant est utilisé pour le calcul du prélèvement aux fins de la comptabilisation conformément à l’article 9 concernant les périodes d’exigibilité qui relèvent de l’exercice comptable au cours duquel il a été déclaré. »
10 L’article 17d du zákon č. 595/2003 Z. z. o dani z príjmov (loi no 595/2003 relative à l’impôt sur le revenu), dans sa version pertinente pour le litige au principal (ci-après la « loi sur l’impôt sur le revenu »), dispose :
« 1. L’assiette de l’impôt de l’apporteur d’un apport en nature, qui est un bien, une entreprise ou une partie de celle-ci apporté individuellement et qui détermine l’assiette de l’impôt conformément à l’article 17, paragraphe 1, sous b), ou sous c),
a) ne comprend pas, au cours de l’exercice fiscal pendant lequel l’apport en nature a été effectué, la différence entre la valeur de l’apport en nature portée au crédit de l’apport de l’actionnaire et la valeur de l’apport en nature figurant dans les livres comptables, le bénéficiaire de l’apport en nature récupérant les éléments d’actif et de passif apportés aux prix initiaux conformément à une disposition spéciale et les éléments d’actif corporel et incorporel aux prix initiaux conformément à l’article 25,
[…] »
11 Aux termes de l’article 17d, paragraphe 7, de la loi sur l’impôt sur le revenu, l’article 17d, paragraphe 1, a également vocation à s’appliquer si l’objet de l’apport en nature est un bien apporté individuellement, qui est un titre ou une participation au capital ou une entreprise ou une partie de celle-ci, par l’apporteur établi sur le territoire de la République slovaque au bénéficiaire dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, lorsque ce bien, cette entreprise ou une partie de celle-ci reste fonctionnellement lié à l’établissement permanent du bénéficiaire de l’apport en nature situé sur le territoire de la République slovaque et que le bénéficiaire de l’apport en nature récupère l’apport en nature aux prix initiaux. Si le bénéficiaire de l’apport en nature ne dispose plus de biens, d’entreprise ou d’une partie de celle‑ci fonctionnellement liés à l’établissement permanent situé sur le territoire de la République slovaque, l’apporteur de l’apport en nature procède conformément à l’article 17b.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
12 A.En. Slovensko est une entité réglementée au sens de la loi sur le prélèvement spécial et exerce une activité réglementée susceptible d’être soumise à ce prélèvement. Elle est membre du groupe A.En., qui se compose d’entreprises établies dans plusieurs États membres de l’Union opérant dans les secteurs de la production et du négoce d’électricité, du gaz et du chauffage.
13 Entre le mois d’octobre et le mois de décembre 2017, dans le cadre d’un changement de la structure de ce groupe, A.En. Slovensko a effectué plusieurs apports en nature au profit de certaines de ses filiales, établies en Slovaquie.
14 Par décision du 19 juillet 2019, l’administration fiscale a constaté que, pour l’année 2017, A.En. Slovensko était redevable d’un solde d’un montant de 701 222,40 euros au titre du prélèvement spécial.
15 A.En. Slovensko a contesté cette décision, en faisant, notamment, valoir que son résultat avant impôt pour l’année 2017 était principalement constitué d’un bénéfice provenant d’activités distinctes de son activité réglementée, à savoir, d’activités financières, et que ce résultat ne correspondait qu’à une opération comptable ponctuelle provenant de ces dernières activités, qui n’aurait pas conduit à son enrichissement financier et qui n’aurait été que le fruit de la réorganisation interne du groupe auquel cette société appartient. Or, le montant de l’assiette du prélèvement spécial et le montant du prélèvement spécial lui-même ne devraient pas être établis sur la base d’un résultat qui ne provient pas de revenus tirés de l’activité réglementée.
16 L’administration fiscale ayant rejeté cette contestation, A.En. Slovensko a introduit un recours administratif devant le Krajský súd v Bratislave (cour régionale de Bratislava, Slovaquie).
17 Cette juridiction a rejeté ce recours par un arrêt du 2 juillet 2020 en soulignant, lors de l’examen du moyen tiré de l’incompatibilité des décisions dont l’annulation était demandée avec la directive 2009/133, la compétence exclusive des États membres pour adopter des mesures relatives aux finances publiques, ce qui inclurait l’institution d’un prélèvement spécial qui n’aurait pas pour objet d’éviter l’évasion fiscale et la double imposition, mais d’assainir les finances publiques. Compte tenu de l’objectif de ce prélèvement, qui diffèrerait des objectifs de la directive 2009/133, le Krajský súd v Bratislave (cour régionale de Bratislava) a considéré qu’il n’y avait pas lieu d’interpréter la loi sur le prélèvement spécial conformément à cette directive en ce qui concerne les opérations nationales.
18 A.En. Slovensko a introduit un pourvoi en cassation contre cet arrêt devant le Najvyšší správny súd Slovenskej republiky (Cour administrative suprême de la République slovaque), qui est la juridiction de renvoi, en relevant, notamment, que, par un arrêt du 31 juillet 2019, le Najvyšší súd Slovenskej republiky (Cour suprême de la République slovaque) avait considéré, notamment, que ce prélèvement présentait le caractère d’un impôt direct relevant du champ d’application matériel de la directive 2009/133.
19 La juridiction de renvoi rappelle que la Cour a déjà jugé que le prélèvement spécial présentait le caractère d’une mesure fiscale générale, et, plus particulièrement, d’un impôt direct sur le revenu global des entreprises exerçant des activités réglementées, en ce que, premièrement, il poursuit, conformément à l’exposé des motifs de la loi sur le prélèvement spécial, un objectif budgétaire, consistant à réduire l’accroissement du déficit public et à lutter contre la crise économique, deuxièmement, il s’applique aux entreprises opérant dans des secteurs d’activités réglementées, c’est-à-dire non seulement dans le secteur de l’énergie, mais aussi dans de nombreux autres secteurs de l’économie, et, troisièmement, il ne s’applique pas à la fourniture d’électricité en tant que telle, mais grève le compte de résultat global de l’entité réglementée concernée (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2019, Slovenské elektrárne, C‑376/18, EU:C:2019:1068, point 38).
20 Dès lors, se poserait, premièrement, la question de savoir s’il est conforme aux objectifs poursuivis par la directive 2009/133 qu’une entité réglementée soit soumise à ce prélèvement en vertu de la loi sur le prélèvement spécial y compris pour la partie du résultat provenant de revenus tirés d’activités non réglementées. La présente affaire concernerait en effet une plus-value résultant d’une opération d’apport d’actifs à des filiales de la société apporteuse, qui répond aux conditions et aux caractéristiques d’un apport d’actifs, tel que défini à l’article 2, sous d), de la directive 2009/133, dans une situation où, d’une part, ce type de revenus ne relève pas de la directive 2009/133, mais où, d’autre part, le prélèvement spécial grève le résultat global de la société apporteuse.
21 Deuxièmement, dans l’hypothèse où l’exigence de neutralité, au sens de la directive 2009/133, signifierait que les plus-values résultant des opérations d’apport d’actifs ne doivent être soumises ni à l’impôt sur le revenu slovaque, ni à aucune autre contribution comparable à cet impôt, tel que le prélèvement spécial, se poserait la question de savoir si cette exigence de non-imposition s’applique aux opérations purement internes comme en l’occurrence.
22 La juridiction de renvoi considère qu’il ressort de l’arrêt du 18 septembre 2019, Ministre de l’Action et des Comptes publics (Plus-value afférente à l’échange de titres) (C‑662/18 et C‑672/18, EU:C:2019:750), que, si la réglementation nationale en matière d’apport d’actifs prévoyant la non‑imposition des plus-values qui en découlent reprend le libellé de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2009/133, ses effets peuvent également être invoqués dans le cas d’une opération purement interne. L’arrêt du 27 avril 2023, Banca A (Application de la directive fusion dans une situation interne) (C‑827/21, EU:C:2023:355), soulignerait l’obligation pour le juge national, saisi d’un litige relatif à une opération purement interne, d’examiner et de faire prévaloir une réglementation nationale lorsque celle-ci est différente de celle contenue dans la directive pertinente ou lorsqu’il s’agit d’une opération qui, par sa nature, ne relève pas du champ d’application d’une telle directive.
23 Ainsi, se poserait la question de savoir si l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2009/133, lu en combinaison avec l’article 9 de celle-ci, peut être invoqué, en cas de réponse positive de la Cour à la première question posée, dans le cadre d’une opération réalisée entre des sociétés établies en Slovaquie, dont le bénéfice est soumis à une contribution qui, tel le prélèvement spécial, constitue un impôt direct en vertu du droit national, mais n’est pas soumise à l’impôt sur le revenu slovaque conformément à l’article 17d de la loi sur l’impôt sur le revenu.
24 C’est dans ces conditions que le Najvyšší správny súd Slovenskej republiky (Cour administrative suprême de la République slovaque) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Les dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 9 de la directive 2009/133 doivent-elles être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une réglementation nationale (loi sur le prélèvement spécial) qui institue un prélèvement spécial également sur les plus-values résultant d’une opération (apport d’actifs) entre des sociétés établies en [Slovaquie] ?
2) L’effet des dispositions combinées de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 9 de la directive 2009/133, consistant à ne pas imposer les plus‑values résultant d’un apport d’actifs, calculées comme étant la différence entre la valeur réelle des éléments d’actif et de passif transférés et leur valeur fiscale, peut-il également être invoqué dans le cas d’une opération intérieure réalisée entre des sociétés établies dans ce même État membre, lorsque la réglementation nationale soumet les plus-values résultant d’une telle opération à [un prélèvement] ayant l’effet d’une imposition (à savoir un prélèvement spécial) ? »
Sur la compétence de la Cour
25 En vertu de l’article 53, paragraphe 2, de son règlement de procédure, lorsqu’elle est manifestement incompétente pour connaître d’une affaire ou lorsqu’une demande est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut, à tout moment, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.
26 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.
27 En vertu de l’article 1er, sous a), de la directive 2009/133, cette directive s’applique aux seules opérations, notamment, d’apport d’actifs qui concernent des sociétés de deux ou de plusieurs États membres.
28 Par conséquent, l’opération d’apport d’actifs en cause au principal ne relève pas directement du champ d’application de la directive 2009/133.
29 Conformément à l’article 267 TFUE, la Cour est compétente pour statuer, à titre préjudiciel, sur l’interprétation des traités ainsi que des actes pris par les institutions de l’Union. Dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales, instituée par cet article, il appartient au seul juge national d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées par les juridictions nationales portent sur l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 29 juillet 2024, LivaNova, C‑713/22, EU:C:2024:642, point 41 et jurisprudence citée).
30 En application de cette jurisprudence, la Cour s’est à maintes reprises déclarée compétente pour statuer sur les demandes préjudicielles portant sur des dispositions du droit de l’Union dans des situations dans lesquelles les faits au principal se situaient en dehors du champ d’application directe du droit de l’Union, mais dans lesquelles ces dispositions avaient été rendues applicables par le droit national en raison d’un renvoi opéré par ce dernier au contenu de celles-ci. Dans ces cas, même si les faits au principal ne relevaient pas directement du champ d’application du droit de l’Union, les dispositions avaient été rendues applicables par la législation nationale, laquelle s’est conformée, pour les solutions apportées à des situations purement internes, à celles retenues par le droit de l’Union (arrêt du 29 juillet 2024, LivaNova, C‑713/22, EU:C:2024:642, point 42 et jurisprudence citée).
31 En effet, lorsqu’une législation nationale se conforme pour les solutions qu’elle apporte à des situations purement internes à celles retenues par le droit de l’Union, afin, par exemple, d’éviter l’apparition de discriminations à l’encontre des ressortissants nationaux ou d’éventuelles distorsions de concurrence, ou encore d’assurer une procédure unique dans des situations comparables, il existe un intérêt de l’Union certain à ce que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, les dispositions ou les notions reprises du droit de l’Union reçoivent une interprétation uniforme, quelles que soient les conditions dans lesquelles elles sont appelées à s’appliquer. Ainsi, une interprétation, par la Cour, des dispositions du droit de l’Union dans des situations purement internes se justifie au motif que celles-ci ont été rendues applicables par le droit national de manière directe et inconditionnelle, afin d’assurer un traitement identique aux situations internes et aux situations régies par le droit de l’Union (arrêt du 29 juillet 2024, LivaNova, C‑713/22, EU:C:2024:642, point 43 et jurisprudence citée).
32 Lorsque la Cour est saisie par une juridiction nationale dans le contexte d’une situation ne relevant pas directement du champ d’application du droit de l’Union, elle ne saurait, sans indication de la juridiction de renvoi autre que le fait que la réglementation nationale en cause au principal est indistinctement applicable aux situations régies par les dispositions du droit de l’Union concernées et aux situations purement internes, considérer que la demande d’interprétation préjudicielle portant sur les dispositions de ce droit lui est nécessaire à la solution du litige pendant devant elle [arrêts du 27 avril 2023, Banca A (Application de la directive fusion dans une situation interne), C‑827/21, EU:C:2023:355, point 45, et du 29 juillet 2024, LivaNova, C‑713/22, EU:C:2024:642, point 44 ainsi que jurisprudence citée].
33 Les éléments concrets permettant d’établir que les dispositions du droit de l’Union ont été rendues applicables par le droit national de manière directe et inconditionnelle, afin d’assurer un traitement identique aux situations internes et aux situations régies par le droit de l’Union, doivent ressortir de la décision de renvoi [arrêts du 27 avril 2023, Banca A (Application de la directive fusion dans une situation interne), C‑827/21, EU:C:2023:355, point 46, et du 29 juillet 2024, LivaNova, C‑713/22, EU:C:2024:642, point 45 ainsi que jurisprudence citée].
34 À cette fin, il incombe à la juridiction de renvoi d’indiquer, conformément à l’article 94 du règlement de procédure, en quoi, en dépit de son caractère purement interne, le litige pendant devant elle présente avec les dispositions du droit de l’Union un élément de rattachement qui rend l’interprétation préjudicielle sollicitée nécessaire à la solution de ce litige. Ces exigences sont, par ailleurs, rappelées au point 15 des recommandations à l’attention des juridictions nationales, relatives à l’introduction de procédures préjudicielles (JO C, C/2024/6008), libellé, en substance, en des termes identiques à ceux du point 15 des recommandations publiées en 2019 (JO 2019, C 380, p. 1) [voir, en ce sens, arrêts du 27 avril 2023, Banca A (Application de la directive fusion dans une situation interne), C‑827/21, EU:C:2023:355, point 47, et du 29 juillet 2024, LivaNova, C‑713/22, EU:C:2024:642, point 46 ainsi que jurisprudence citée].
35 En l’occurrence, la juridiction de renvoi ne fait pas état de ce que les dispositions de la directive 2009/133 auraient été rendues applicables aux situations internes par le droit national de manière directe et inconditionnelle, en particulier par les dispositions ayant transposé cette directive, en ce qui concerne le prélèvement spécial. En effet, la demande de décision préjudicielle ne contient aucune indication sur l’intention du législateur slovaque d’étendre, à cet égard, au règlement des situations internes les règles issues de la directive 2009/133.
36 Certes, il peut être déduit de la demande de décision préjudicielle que les apports d’actifs dans des situations internes ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu slovaque. En outre, il ressort de cette demande et du dossier dont dispose la Cour que, lors de la procédure administrative, l’administration fiscale a considéré que le prélèvement spécial pouvait être déduit de l’assiette de l’impôt sur le revenu, conduisant à ce qu’un certain lien entre le prélèvement spécial et cet impôt puisse éventuellement être identifié.
37 Toutefois, l’étendue et la signification d’un tel lien, qui ne sont pas explicitées par la juridiction de renvoi, constituent une question de droit national qu’il n’appartient pas à la Cour d’interpréter. De plus, l’existence et la nature d’un tel lien ont été contestées par l’administration fiscale et le gouvernement slovaque dans leurs observations écrites. En tout état de cause, en l’absence d’indications claires et précises de la part de la juridiction de renvoi, la Cour ne saurait déduire les intentions qui animaient le législateur slovaque, lorsqu’il a adopté le prélèvement spécial, des choix qu’il a effectués en matière d’impôt sur le revenu.
38 En outre, si la juridiction de renvoi fait état, ainsi qu’il résulte du point 22 de la présente ordonnance, d’arrêts de la Cour prononcés dans le contexte de situations dans lesquelles des dispositions du droit de l’Union avaient été rendues applicables par le droit national de manière directe et inconditionnelle, afin d’assurer un traitement identique aux situations internes et aux situations régies par le droit de l’Union [arrêt du 18 septembre 2019, Ministre de l’Action et des Comptes publics (Plus-value afférente à l’échange de titres), C‑662/18 et C‑672/18, EU:C:2019:750], comme dans le contexte de situations dans lesquelles tel n’avait pas été le cas [arrêt du 27 avril 2023, Banca A (Application de la directive fusion dans une situation interne), C‑827/21, EU:C:2023:355], cette même juridiction de renvoi ne précise pas de laquelle de ces deux hypothèses relève, selon elle, la réglementation slovaque concernant le prélèvement spécial.
39 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de constater, sur le fondement de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, que la Cour est manifestement incompétente pour répondre aux questions posées par le Najvyšší správny súd Slovenskej republiky (Cour administrative suprême de la République slovaque).
40 Il convient cependant de rappeler que la juridiction de renvoi conserve la faculté de soumettre une nouvelle demande de décision préjudicielle en fournissant à la Cour l’ensemble des éléments permettant à celle-ci de statuer (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2019, Călin, C‑676/17, EU:C:2019:700, point 41 et jurisprudence citée).
Sur les dépens
41 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare :
La Cour de justice de l’Union européenne est manifestement incompétente pour répondre aux questions posées par le Najvyšší správny súd Slovenskej republiky (Cour administrative suprême de la République slovaque), par décision du 29 février 2024 (affaire C‑201/24).
Signatures
* Langue de procédure : le slovaque.